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Le siècle s’effondre de Monique
D
omergue
Editeur Jacques Brémond.

 

 


 par Aaron de Najran

 


 
La poésie, c’est comme une margelle sans puits. Elle est. Sans besoin de se justifier. Car il existe encore en France des librairies où l’on trouve des recueils de poésie qu’on peut toucher, effeuiller, parcourir, assis par terre sur le cul au milieu d’une forêt de jambes et d’une meute de souliers. Tranquillement. Sans avoir à demander pardon d’être là.
 
Ce n’est pas le titre du recueil qui m’a appelé, mais un petit soleil tout rond, en loupe de peuplier sur la couverture, “pour éclairer l’autre millénaire” nous dit J. Brémond. Et cette couverture douce rêche en “crottin d’éléphant d’Asie”. Rien que de toucher et vous avez votre ration de poésie pour la journée.
 
Mais non, il faut ouvrir l’écorce, déplier les plages de papier blanc, tourner les feuilles comme des oreilles d’éléphant, glisser le doigt sur l’antique typographie de Gutemberg, tachée d’encre, sentir son odeur fraîche de plomb. 
 
“ le millénaire s’effondre
nous portons sur le dos
de habits quotidiens
ourdis de peur
et d’habitude
la nuit passe en-deça
de leur grille de lin
nous remuons sous nos manteaux
des cendres froides
les amours mortes
des souvenirs...”

 
Dès le début, le ton est donné. On sait déjà qu’il ne faut pas attendre d’optimisme. On lit. On a l’impression de se lire. On cherche, on fouille dans son château-fort, on se reconnaît. Ce poème c’est nous. On a froid de se voir tout nu, dans notre âge de pierre, avec nos ordinateurs et nos peaux de chèvres sur le dos.
Mais la lecture continue, fluide, sans crocs. Elle passe sur nos petits humeurs d’âme.
 
“nous portons sur le dos
des manteaux d’arlequin
durcis par la poussière...”
 

 

 

 


On a envie de se réchauffer. D’allumer un feu dans notre grotte humaine. Un bâton de cire.
 
“viendra la nuit
viendra la lune dans la nuit
viendra la lumière de la lune dans la nuit
caresser les cheveux des enfants
glacés
viendra la lumière de la lumière
qu’on peut voir
les yeux fermés”
 

Puis le poème se termine:
 
“Demain nous parlerons
wolof ou tamoul
nous serons sans patrie
et porterons pour tout drapeau
les feuilles vertes
de nos visages”
 

“Le siècle s’effondre” est un moment fort. Un monologue avec l’humanité. Sans heurt, sans hurle-vent. Lucide. L’écriture est fluide, incantatoire, elle avance telle une main sur les siècles usés. Pas de répétitions, chaque image est neuve, surprenante. Comme les fenêtres d’un calendrier de Noël.
 
Monique Domergue nous parle à mi-voix, dans notre intimité, souffle sur les braises tièdes de notre humanité sans soulever de cendres. Surprise ! Il y avait encore quelques braises en nous qui ne demandaient qu’un souffle de vie pour rougeoyer.
 
La présentation du recueil habille l’écriture parfaitement. Petit chef-d’oeuvre de l’édition artisanale. Merci Monique Domergue et merci Jacques Brémond pour ce trésor poétique.

 

 
* Ce recueil a été tiré à 500 exemplaires.
 
Adresse Editions Jacques Brémond
30210  Remoulins-sur-Gardon

 

 

Aaron de Najran - janvier 2003

 

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Créé le 1 mars 2002

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