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Spécial décembre 2008

atelier d'écriture  par Christophe Fourvel

impact du film par Philippe Vallet

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Au monde un théâtre. Nous sommes une voix.
Au monde l'inventaire enclos où nos coeurs s'appuient sur la douceur d'une mémoire posée au centre de l'histoire. Je suis bâti avec des images. Demie transparence d'un jour d'été où je courre sans attaches. Liberté du regard, neuf ans, parcourir le monde, sa forêt le ruisseau. Le monde se baptisait. Mes objets de ce temps sont des images, des essoufflements, un soleil sous les pieds, les roches rondes et froides du ruisseau dans la main. Une maison trop grande. Autour de ma chambre la peur du noir, le monde glacé des ignorances, les tâtonnements, les bruits inconnus, les cliquètements des brises-vents. C'était le monde d'une lenteur saisonnière où l'odeur du foin coupé rassasie pour un matin mes rêves de vérité. Le bruit de la faux couche l'herbe, bien rangée, andins rectilignes, une danse au geste précis, répétée, qui donne envie de vivre par la grâce d'une puissance habituelle. Je ne dis rien.  Je courre, je vis. Continuité en avance sur ce que je suis. Mes pensées ont toujours une longueur d'avance sur ce que je suis. Il n'y a pas d'âge pour construire cela, le corps et sa main, concrètement sur le sol. Dans l'air est le regard, celui qui tient les mots sous la langue, le regard d'un monde parallèle, où tout est possible, comme dans un livre, on peut ranger, classer l'impossible sur une étagère et collectionner ce qui fait sa vie pendant un rêve et courir par devant ses pas en croyant être là.je me rappelle un ruisseau aux grosses boules roulées par le glacier, une île minuscule sous les noisetiers entre deux rigoles d'une totalité partagée, le monde concentré. L'essentiel du présent réunit sur quelques centimètres carrés de mousse et d'herbes folles. Etait-ce un jeu ? Faut-il s'interroger? Ma route est sans fin et je rêve de parcourir chaque arbre, chaque ombre, d'ouvrir meschemins et même s'ils se chevauchent, mes regards découvrent à chaque pas un horizon calligraphié sur toutes les branches. Mon regard se perd, mes pages blanches se remplissent d'étranges cadavres exquis, la nuit efface, je redessine chaque matin d'un geste sans lassitude, les embonpoints de mes souvenirs.
Le ciel tient sous mes pieds. Ma route n'est jamais unique, ces images transparentes semblent si proches, que ces fils tissés sont comme les draps du lit où je dors. Rien ne les retient, ils sont indispensables. Je marche tout seul, sans eux, je crains le froids, mes images sont translucides et je pars du centre de mes yeux et je fixe le monde. j'espère tracer le cercle qui me contient. Peut-on exister sans contenu ? Retenir pour tenir. Se rappeler pour ne plus appeler. Quand les ruisseaux d'un printemps se sont figés, îles disparues, chemins décroisés. Les maisons se vident des greniers.  Aux jardins abandonnés du temps où Pâques sonnait,  une voix a parlé.

Philippe Vallet
pour francopolis décembre 2008

Créé le 1 mars 2002

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