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JACQUES ANCET

par Hélène Soris

Jacques Ancet est publié me direz-vous. Mais combien ont lu ses recueils, ses essais , ses romans ?
En France  vous n'êtes connu que  si Gallimard veut bien vous inclure dans sa collection " poésie " .
Pourtant plus je lis ce poète plus je ressens  l'envie de le lire encore , de le relire. voilà pourquoi
l'envie me prend de  vous le faire découvrir.
Est-ce parce que  le premier titre qui a attiré mon attention  est " La tendresse" , que cette longue prose surprend par le ressenti aussi profond que celui d'une mère  lors de l'attente d'un enfant ?  Après plusieurs promenades dans cette poésie serrée, insistante, j'ai l'impression d'être initiée  au monde des émotions les plus indicibles. Les phrases résonnent dans ce que nous avons de plus intime et souvent je pense avec élan et joie :        " Oui  c'est cela " ;  ma vie prend un sens,  une signification ,  je la connais enfin .   Et n'est-ce pas cette connaissance qui mène à la rencontre des  bonheurs simples

" La tendresse " ( Mont analogue 1997) commence par :

Tu n'as pas de visage et sans doute est-ce pourquoi mes mots s'en vont vers toi cherchant
à cerner l'ombre que tu es
...
Tu es là flottant dans mon regard , sans forme et je t'aime déjà, bruit de feuilles et de sang
...
Plusieurs pages plus loin :
Comment trouver de cette table à tes nuées le fil entre nous deux
...
Et puis le fœtus se forme, les yeux apparaissent :
L'eau coule quelque part , ce mot, oui l'eau, je le regarde j'écoute sa douceur , l'o signe de toi j'entre dans le cercle j'y retrouve l'ovale, la tache plus obscure, plus profonde , avec à présent liquide, bille montée du fond , plus clair le cercle aussi le globe,  l'o du regard , l'œil mollusque dans sa grotte je le contemple , je ne sais plus m'en détacher, il me fixe, cécité sans mémoire, il n'est pas toi il n'est encore personne .

" La chambre vide " ( Lettres  vives 1995)
apporte une présence , parfois une attente, peut être même une absence . Mais cette absence frémit dans la vie du poète, comme elle frémit en nous souvent. L'être suggéré  vit au milieu des choses de chaque jour des bruits simples comme un robinet qui coule ou une porte qui se ferme . L'ambiance est feutrée et habitée de délicatesse.

En t'attendant je regarde ton visage absent
le soleil en souligne les traits
l'ombre d'un oiseau l'efface un instant
( je compte les secondes qui nous séparent)
j'invente ton nom .
...
L'amour qui nous traverse est une eau courante
Nos corps flottent, tremblent, se dispersent
Reste une buée aux couleurs du jour ou du soir qui descend
Comment dire ces choses ?
...
" L'imperceptible " (Lettres Vives 1998)
nous approche de l'infini, du réel, de la plénitude invisible de ce qui est :

C'est là , ça n'a pas d'images, c'est un souffle dans les heures ...
...
Un silence qu'on écoute
avec toujours ce qui parle
sans un mot , ce qui se tait.
...
C'est un feu qui n'aurait jamais brûlé
une eau qui n'apaiserait jamais sa soif . mais c'est là
...
Il m'est difficile de sacrifier d'autres  poèmes , d'autres passages . Je vous parlerai de cet autre long poème  qui vient de paraître :

 " La brûlure " (Lettres Vives 2002)
et  que j'ai  déjà de la peine à refermer . Quelle chance que les livres, amis fidèles  ne nous quittent jamais. Il nous parle, entre autres,  de l'écriture  de son annonce,  de ce fil à retenir :

Chaque jour syllabe après syllabe mot après mot c'est pour savoir que tu écris pour répondre à cet appel à cet écho tu ne sais pas d'où venu mais il est là comme le bout d'un fil à peine visible que  tu tires un peu et il bouge il résiste il faut laisser venir doucement ne pas le casser et tu ne comprends pas pourquoi ici alors que tu t'y attends le moins pourquoi comme ça aujourd'hui à ce rythme que tu maîtrises mal parce qu'il t'emporte ou te traverse vers ce que tu ignores
...
Mais il ne parlera plus d'écriture. Il reviendra vers l'amour confondu dans la vie simple, Il  rend  cette simplicité précieuse, nous révèle ses secrets :

Tu me dis dans l'amour c'est toujours l'enfance
ta main m'arrive de très loin quelle peau
quelle main cherche-t-elle quelle impossible
conjonction dans la mienne qui s'est tendue
...
le désir du rien un voyage d'oubli
comme lorsque ton corps traverse le mien
je dis tu me brûles mais je pourrais dire
tu es une montagne de déchirure
...
je ne sais pas ce que veut dire le corps
c'est une force parfois qui nous soulève
comme elle est sans nom je dis c'est le désir.
...
je me demande encore ce qu'est l'amour
cette folie de faire tourner le monde
autour d'un même centre rose et mortel
je sais qu'il n'est pas de réponse je sais
que c'est se vouer à la perte et aux larmes
mais malgré tout j'ouvre les bras je dis oui

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   Hélène Soris, janvier 2003




Créé le 1 mars 2002

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