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La langue de Travers(E) - Exercices de style
L'atelier d'écriture animé par Philippe Vallet

Présentation de La Langue de Travers(E)

Peut-on délibérément dire : j’écris, et prendre prétexte d’une consigne pour le faire, de l’obligation d’un consigne, la contrainte est-elle le pas qui conduit à produire de l’écrit ? Ce produit est-il créatif, inventif, partageable, lisible, les textes d’atelier ont-ils besoin de lecteurs, faut-il leur donner un usage autre que ceux d’un exercice où se construit l’outil et l’usage que notre main en fait, est-ce créer qu’écrire en atelier ?

Que des questions, les réponses appartiennent à l’expérience de chacun, je vous encourage à poursuivre la lecture, faites-vous une idée en partant de cet exemple.


Exercice de style

Raymond Queneau nous a offert cent moins une versions d’un bus où montait
un garçon sa cravate et son bouton

Proposition : écrire le plus possible de versions d’un texte de quelques lignes.

Voici extrait des pages Vosges des faits divers de l’est républicain d’octobre 2006
une proposition que nous allons tordre dans tous les sens

« un adolescent de 16 ans a percuté une barrière de passage à niveau. Il
aurait été gêné par une guêpe qui se serait introduite dans son casque alors
qu’il circulait à cyclomoteur. Il a été blessé à l’épaule et au genou. »

Il s’agit à partir de ses lignes d’écrire à toutes les sauces, de tous les regards, de traduire en quelque sorte
conseil : pensez à revenir, entre chaque écriture au texte d'origine

 

formes courtes


Guêpe à la barrière
Scooter à l'envers.

Guêpe au passage à niveau
Chute en cyclo.

Françoise

~*~*~*~*~*~*

Rien n’allait depuis ce matin, la douleur avait cédé à la peur de la guêpe
glissée dans son casque, la barrière du passage à niveau, il ne voulait plus
y penser, sa mobylette non plus, juste la douleur au genou et à l’épaule

Philippe

~*~*~*~*~*~*

incompréhensible
décor de travers
ne reste rien
qu’une guêpe

épaule genou
accrocs et déchirures
le casque plus loin
la guêpe au coin

percute barrière
sais pas quoi
juste une guêpe
là dans la tête

pas normal
l’a dos sur moto
main dans casque
casque qui roule
bobo l’ado

permis
leçon de conduite ?
la guêpe est recalée


Cécile

~*~*~*~*~*~*~


percuté l’ado ! à 16 ans on est plus ado qu’ado, c’est pas un cadeau d’être ado, les barrières de passage à niveau normalement c’est pour les trains, pour qu’on passe pas en dessous, mais une barrière que l’ado distrait par un guêpe dans son casque ne voit pas, ne regarde plus, ça donne quoi ? un choc, un réveil, une où plusieurs contusions, un événement quoi dans la vie d’un ado plus qu’ado, quelque chose de consistant, du blues on passe au bleu, bleu au genou, à l’épaule, sur le réservoir de sa mobylette, sur le guidon. Tient guidon ! ça me rappelle quelque chose! ça 'mobylette' à tout va ! percuté l’ado !


Philippe


 


Forme plus longue (à l’origine de l’écrivant : le vocabulaire se diversifie)

il n’avait pas encore 16 ans, il roulait à vive allure en se pétant les bretelles sur sa moto qui lui avait coûté un bras. Habitué de zigzaguer dans le trafic , la première bordée de neige ne le bâdrait nullement. Quand venant en sens inverse une guêpe se fraya un chemin sous son casque, juste derrière ses barniques. Elle qui était la reine des bécosses, connu ce matin là son premier blanc de mémoire. Elle retrouva sa liberté sur un banc de neige entre un tas de ferrailles et des hurlements. Toujours prisonnière sous ces barniques, le monde prenait des proportions étranges. Il était temps d’hiberner mais comment se recroqueviller sous une aile arrachée. J’en ai pour des mois dans cette mauvaise posture. Les hivers sont longs dans ce pays.

Rien n’allait plus,il cherchait ses barniques en bougonnant, pris de panique, couvert de bleus, ce n’était plus l’heure de faire de l’esprit de bottines. Il était à son tour prisonnier dans la gadoue, tout dérinché, la douleur prenait le dessus, il capotait. Il garrocha par dessus bord cette histoire de guêpe et de moto, ses multiples cassures écrapoutillaient toute autre pensée. Il braillait comme un veau. Le voilà bien amanché !
À son tour, il entra en hibernation.

Gert
( si certains mots vous tarabustent au point de vouloir les traduire user
d¹un dictionnaire franco-québécois)

 

 


textes qui décalent le point de vue du journaliste vers la guêpe, le cyclomoteur, la barrière…..


oui !tu as bien lu le journal ce matin, c’est pas lui qui était gêné, c’est
moi! je ne demandai rien à personne et je me retrouve coincée contre sa joue
dans le casque, j’ai pas compris comment, et puis un grand choc, une chute
libre, un autre choc, il a du en prendre dans l’épaule et le genou et moi je me suis retrouvé à l’air libre prés de la barrière du passage à niveau, tu sais celui où il n’y a plus de gardien, et voilà j’ai les ailes toutes froissées, j’avançais en zigzag, j’en ai au moins pour quinze jour d’arrêt de travail, heureusement, il fait moche !

Philippe

~*~*~*~*~*~*~


On m’en fait faire à moi depuis si longtemps, avant je pouvais discuter avec le garde-barrière enfin, il me parlait comme si je causais mais maintenant le temps passe et je suis là sans bouger sinon quand un train passe et hop je descends, puis hop je remonte raide comme un garde-barrière en fer rouge et blanc, ce matin je descends et pas de train pourtant et je reste fermée longtemps, arrive un gamin de 16 ans, un jeunot qui gigotait sur son cyclomoteur, je me demande ce qu’il faisait un main dans son casque, il m’a pas vu, il ne me regardait pas toute façon, il pouvait pas la main dans son casque à chercher je ne sais pas quoi et il m’a pas vu ! vraiment pas ! mais regardes moi ! enfin tu veux quoi ! et vlan une rayure sur le rouge avec le casque et un trace du bleu de son pantalon sur le blanc de mon plastron, et une éraflure beige quand l’épaule a cogné, voilà le tableau la mobylette était à peine tombée que je remontais raide comme un piquet rouge et blanc, quand est-ce qu’ils vont me repeindre ? Il me manque le garde-barrière.


Philippe

~*~*~*~*~*~*~


Point de vue…
Eh, quoi ? On m’accuse de m’être grisée au blanc cassis ?Et pourquoi pas au
Beaujolais nouveau pendant qu’on y est ?Je regagnais tranquillement mon nid
Quand j’ai reçu un grand choc :c’était le casque…
Je me cramponne à la visière, le temps de faire le point sur la situation.
C’est alors qu’un air de rap vient me chatouiller les antennes.
Vous me connaissez, curieuse et toujours prête à l’aventure…Je me glisse à l’intérieur du casque et m’installe sous l’oreillette de walkman.Et vas-y que je me trémousse, des ailes ,des pattes, du…PAF ! Je me suis retrouvée coincée entre l’oreille et l’oreillette, puis l’instant d’après, éjectée comme une malpropre !
J’ai vite compris que lorsque mon hôte s’était mangé la barrière du passage à niveau, le casque avait suivi.Dès que j’ai pu, j’ai filé.Très en colère. Vous vous demandez pourquoi je ne me suis pas attardée pour m’enquérir de l’état de son genou et de son épaule Imaginez votre réaction si on vous virait de la salle de spectacle avant la fin du concert !

Francoise

~*~*~*~*~*~*~


Témoignage

Je n’étais pas mécontent de rouler sur mon nouveau cyclomoteur ; un cadeau inespéré
de mes parents pour mes 16 ans. Sous le soleil, les chromes étincellent, et j’en profite pour pousser une petite pointe…
Sur le bord de la route, la silhouette de Florent m’invite à ralentir. Celui-ci démarre la conversation et naturellement j’ôte mon casque pour lui répondre. Rendez-vous pris avec lui pour le samedi suivant à la fête de l’Escargot, je poursuis ma route, le casque à nouveau
bien en place sur ma tête. C’est là que le drame se produit : une guêpe en furie, entrée je ne sais comment, bourdonne à cent à l’heure dans mes oreilles. Croyant devenir fou, sans lâcher mon guidon, je tente de l’autre main d’arracher mon casque, peine perdue, aveuglé par celui-ci, je percute, comble de malchance, la barrière du passage à niveau baissée pour le train de 18 h 17. Le garde-barrière accourt pour me relever. Plus de peur que de mal, mais je sens bien que mon épaule et le genou droits sont douloureux.. Mon casque s'est envolé à quelques mètres delà, et la guêpe aussi !


Alice

 


Et il y a les textes à épisodes, les rebondissements du feuilleton quotidien que la presse sait nous offrir


MALAISES EN CHAINE DANS NOTRE REGION

Plusieurs passagers du train de 18heures 45 semblaient incommodés hier soir à leur descente à Trifoulou les fleurettes et la pharmacie de la gare a été envahie .
Deux vieilles dames craignant un évanouissement se sont d'ailleurs heurtées violemment en voulant prendre possession de l'unique chaise mise à disposition dans le magasin, déclenchant une bousculade. Renseignements pris ces voyageurs souffraient de palpitations dues à une grande frayeur. En effet , une demi heure plus tôt ils avaient vu la barrière d'un passage niveau voler en éclats et un scooter foncer sur le wagon de tête où ils lisaient tranquillement. Heureusement le véhicule a freiné à temps mais le choc a fait beaucoup de bruit . Le jeune garçon propriétaire du deux roues a perdu l'équilibre et s'est effondré sur le ballast en tenant son épaule ; on est inquiet aussi pour son genou , enflé et très douloureux . Il a déclaré aux infirmiers du SAMU appelés sur les lieux que la responsable de cet accident était une guêpe sans doute grisée par le blanc cassis contenu dans un piège d'ou elle avait réussi à s'échapper. L'étourdie s'étant introduite dans le casque du malheureux jeune homme. Une enquête est ouverte .

Hélène

~*~*~*~*~*~*~


Alors que les passagers de Trifoulou les Fleurettes se remettent de leurs émotions, l'affluence est à son comble au passage à niveau. Un témoin manifeste avec véhémence son désir d'apporter son témoignage sous l'oeil rigolard des badauds. C'est que depuis cent ans qu'il est là, il en a des choses à raconter: « J'ai tout vu, j'vous dis! Allait un peu vite, le jeune gars! La barrière commence à descendre, a voulu passer quand même! Et paf!un coup sur le casque et le voilà qui s'envole. Un peu sonné. L'est resté là à se masser l'épaule en regardant son genou qui saignait. Une guêpe? L'avez vue ? vous? L'est pas restée pour témoigner, elle! »
Le vieux chêne donne l'impression d'un gâtisme avancé, mais dans les milieux autorisés, on s'autorise à penser qu'il n'est peut-être pas étranger à l'affaire. L'enquête se poursuit...

Françoise

~*~*~*~*~*~*~

"L'affaire de la guêpe" prend un tour inattendu.En effet, il semblerait que le suspect, à savoir le vieux chêne centenaire, soit passé aux aveux. Epuisé par le ressentiment, il a craqué. Et confessé, piteux, avoir demandé de l'aide à ses copines les guêpes, pour le venger de tous les pisseurs, crotteurs, asphyxieurs, graveurs aux couteau qui agressent son tronc et ses racines.
Il voulait juste les énerver un peu.Il n'avait pas prévu cette fichue barrière!
Un comité de soutien présidé par Marie-Josée Bovulot s'empresse de le rassurer:le jeune homme s'en tire avec un genou écorché et une épaule meurtrie.
Quant à la guêpe, elle n'a pas lu le journal et continue à remplir son contrat:méfiez-vous les toutous!!

Elle a peut-être des circonstances atténuantes, non?

Françoise

 


Pour terminer ce tour des textes il y a « l’oubliée » celle dont le journal ne parle jamais, mais qui prend la plume pour le dire, quand même !

Et moi alors ? Hein ? Je n'existe pas dans l'histoire ? Hein ?
Personne ne parle de moi. Personne. Je suis déçu de vous. Oui de
vous, de vous tous, là, tous ceux qui écrivent. Personne ne parle de
moi. Y en a que pour la guêpe et l'ado. Et moi alors ? Hein ?
L'adolescent de seize ans. Hein ? Sans moi ? Hein ? Ben y serait
rien, rien ! Je vous le dis, sans moi, rien ! Alors vous, là, quand
il a percuté la barrière, hein ? Et vas y que je te la fait parler
la barrière, et vas y le souvenir du garde barrière, et vas y la
rature avec le casque, et un peu de peinture, et moi, hein ?
J'existe, enfin !
Après on dit qu'il a été gêné par la guêpe. Je veux bien moi mais
enfin c'est qu'une guêpe ! Une simple guêpe, pas de quoi en faire un
fromage ! Alors vas y qu'on dit qu'elle se serait introduite dans le
casque, et vas y qu'on lui fait raconter sa vie, et vas y … On s'en
fout, excusez-moi, mais c'est qu'une guêpe, enfin !
Bon l'ado blessé au genou et à l'épaule, là je veux bien. C'est vrai
quoi ! Je l'aime bien lui, après tout cela fait six mois que l'on
traîne ensemble. C'est pas rien, quoi ! Avant je traînais avec son
frère. Dix sept mois de bringue à travers les troquets du coin. Une
vraie folie ! Mais quelle rigolade ! Enfin, c'est du passé,
maintenant je me tape le petit. L'est moins bavard, lui, moins fou
fou, mais blessé. Je ne peux pas lui en vouloir ! Il est jeune !
Bon, je me fâche, je me fâche mais finalement je vous aime bien
quand même. Vous ne parlez pas de moi mais je ne vais pas couler une
bielle comme ça, je suis un dur.
Bon … Heu, je vous laisse, hein ? Et à bientôt dans vos textes !
J'compte sur vous, ok ?
Allez, à la revoyure ! Salut !

Philippe Alexandre

 


Proposition d'écriture de Philippe Vallet




Créé le 1 mars 2002

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