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POÉSIE INCAS




           photo/Cécile Guivarch


CHANT PASTORAL



Je voudrais avoir un lama
Dont le poil serait d’or
Brillant comme le soleil
Et fort comme l’amour,
Doux comme la nuée
Qui dissipe l’aurore.
Pour faire un quipu*
Où je marquerais
Les lunes qui passent
Et les fleurs qui meurent.

(région de Cuzco, recueilli par Alomias Robles, « literatura Inca », biblioth. De Cultura Peruana, 1938, p. 104)
(Traduction de P.G et A.P.)

* quipu = système de comptes des anciens Péruviens, consistant en un ensemble de noueds.

***

FRAGMENT DE CHANT D’AMOUR
(Yaravi)

« Enfin, ma colombe, je suis de retour
de pays très éloignés
avec mon cœur imbibé d’amour ;
o ma colombe, viens dans mes bras. »

(traduit du quechua en anglais par C. Markham dans : « Cuzco : a Journey to the Ancien Capital of Peru ; with an Account of the History, Language, Literature and Antiquities of the Incas », London, 1856)


***

ELEGIE

Belle princesse,
Ta cruche,
Ton propre frère
La brise en morceaux.
De telle sorte
Par les espaces
Résonnent les tonnerres
Et croisent les éclairs.

Et toi qui as
Pouvoir sur les pluies
A nous fais pleuvoir
En doux torrents.

Mais d’autres fois
Grêle glacée
Ou froid de neige
Verse ta main.

Car Viracocha,
Dieu souverain,
Qui fit le monde
Et règne sage,

A toi Princesse,
Pour fin si haute
Te donna siège
En son palais.

(Poésie publiée par l’inca Garcilaso de la Vega dans : « Los Comentarios reales de los Incas », tome I, livre II, chap 27. Trad. Par le père Beltran « Anthologia Quechua »)
(traduction P .G. et A.P.)


                                  photo/Martial Guivarch


***

HYMNE AU SOLEIL

O mon soleil aimé tu prends feu ;
Ta splendide chevelure dorée
Réchauffe et couvre mon champ.

Du maïs la fleur verte devient jaune,
Déjà ton effluve l’a rendue mûre
Et de la plante l’humidité s’en est allée.

Tu lances tes flèches de toutes parts
Les yeux bien ouverts !
Ardent, magnifique, ô mon soleil aimé.

(Répertoire de Don Cosme Licona. Recueilli à Cuzco. Pièce du type « harawi », dont le titre a été ajouté par le traducteur. François Reyniers « Douze poèmes incaïques », Lima, 1945)

***

LE CHANT DE LA PRINCESSE

Mon autre moi-même, ils me l’ont enlevé,
Parce que sur le chemin ils voulaient me voir pleurer.
Malheureux petit oiseau, où t’envoles-tu ?
Dans le nuage, dans le noir tu vas te perdre.

Ne pleure pas tant en ce grand désert ;
De ton cœur en peine sortira le chant solitaire.
Ta figure comme un miroir reflète la joie
Et le bruit de ton rire me fait souffrir.

(Répertoire de Don Cosme Licona. Région de Cuzco. Le tire de la pièce est indigène. F. Reyniers « Douze poèmes incaïques », Lima, 1945)


***

HAYLLI

Le soleil se lève,
La lune se lève.
Ils disent :
Cet amour ne durera pas.

Le soleil n’est pas mon père,
La lune n’est pas mère
Pour faire que
Cet amour ne dure pas.

Tout père que tu sois,
Toute mère aussi,
Tu ne pourras jamais
Nous séparer.

(Texte inédit remis par le professeur farfan. Repertoire de Don Cosme Licona. Région de Cuzco. F. Reyniers « Douze poèmes incaïques ». Lima, 1945)


***


CHANTS

Un sort adverse nous sépare-t-il coya (1) ?
Une illsuion des sens nous sépare-t-elle, ñusta (2) ?
Es-tu, ma chère Siella (3), une fleur de Chinchiraina ?
Ainsi je voudrais te porter dans ma tête, dans mon cœur.
Tu es mensonge comme le miroir des eaux,
Tu es tromperie comme le reflet du lac.

(Publié par Huaman Poma de Ayala (Don Felipe), XVIIe siècle, Nueva coronica y buen gobierno)

(1) : femme noble
(2) : fille noble
(3) : nom de fleur

***

Père condor, prends-moi,
Frère faucon, emporte-moi,
Annonce-moi à ma petite mère.
Il y a déjà cinq jours
Que je n’ai pas mangé,
Pas bu une gorgée.
Père, messager,
Porteurs de signes, messager rapide,
Enlève-moi, ma petite bouche, mon petit cœur,
Annonce moi donc à mon père, à ma mère.

(Ibid. Chant qui d’après Huaman Po ma, précédait le supllice des amants surpris en concubinage (il s’agirait plutôt de la vierge infidèle attachée au pilori))

***

Waynu

Ne sui-je donc pas
Ton aimé
Dans la bise et le vent,
Ton compagnon de douleur ?

(région de Cuzco. Recueilli par Georges Basadre, ibid)



***

CHANSONS

Vers les montagnes je m’en irai
Sans avoir mémoire de toi
Et dans le monde ne trouveras
Rien, ni mon souvenir.


(Région de lima. R. et M. d’Harcourt : « la musique des Incas et ses survivances », Paris, 1925)



***
Quand je viendrai te visiter
Ne me chasse de ta maison
Puisque je suis si malheureux.

Soleil, mon père, lune, mère,
Bien pouvez voir en mon visage :
Je pleure des larmes de sang.


(Hacienda de Parac, Huarochiri, Ibid)


***

Cette princesse qui ne sait pas aimer
Nous la jetterons dans l’eau douce du lac
Pour qu’elle apprenne là
Buvant l’eau douce,
Que je dois être aimé,
Que je dois être chéri.

Cette femme qui ne sait pas aimer
Nous la jetterons sur le champ stérile de la neige
Pour qu’elle apprenne là,
Frissonnant dans la neige blanche,
Que je dois être aimé,
Que je dois être chéri

Cette fille qui ne sai tpas aimer
Nous la traînerons jusqu’au pont, nous la lancerons dans le fleuve trouble
Pour qu’elle apprenne là,
Buvant l’eau trouble,
Que je dois être aimé,
Que je dois être chéri.

(Région de Cuzco, ibid)


***

Quel nuage est ce nuage
Qui s’assombrit au loin ?
De ma mère seraient-ce les larmes
En pluie transformées ?


(Région de Cuzco, ibid)

***

ma mère m’aura enfanté
au milieu d’un nuage de pluie,
puisque, pareil à l’averse, je pelure,
pareil au nuage je tournoie.


(Région de Huanta, ibid)



***

blanche fleur (1) qui t’attaches,
ne t’attache pas à moi.
Je suis un étranger
Je te ferais pleurer,
Je suis un voyageur,
Je te ferais souffrir.

(Région de Ayacucho, ibid)
(1) Fleur rata-rata




***

Mollé, mollé (1), arbre aux douces grappes,
Je te donne le conseil
De ne plus produire des grappes si douces.
Lorsque tu portes tes fruits,
On coupe toutes tes branches.
J’ai trouvé pour toi ce remède
De ne plus porter de fruits doux,
J’ai trouvé pour toi ce moyen.


(Région de Cuzco, ibid)

(1) Mollis, faux poivrier



***

Mon petit bijou
Où se cache-t-il ?
Au milieu de la nuit
Je le pleure,
A toute heure
Il me manque.


(Région de Conchucos-huari, ibid)


***
...je ne t’ai pas dit de semer la fleur,
ici ou là,
quand il ne pleut pas encore,
ici ou là.

... oui, moi, je la puis semer,
ici ou là,
en l’arrosant de mes pleurs de jeune fille,
ici ou là.

Je suis une ñusta (11) connue,
Ici ou là,
Rends moi l’amour que je t’ai donné,
Ici ou là.


(Région de Huancavelica, ibid)
(1) : fille noble




                                  photo/Martial Guivarch
 
présentation et recherche  par Cécile Guivarch

 

Créé le 1 mars 2002

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