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GRAND-PERE
Le roman de Costes

 


Il y a un avant “Grand Père” et un après “Grand Père”, aussi bien pour la littérature que pour le lecteur.

Jean-Louis Costes est connu depuis 1986 pour ses chansons : un mélange déstructuré de mélodies pop et de bruit industriel sur lesquel il hurle et parfois chante des texte d’une crudité et d’une violence sans égal. Il a également produit une vingtaine d’opéras pornos sociaux joués en Europe, aux USA et au Japon. Ces fresques musicales ultraviolentes, mais toujours romantiques, mettent en scènes fantasmes sexuels et conflits sociaux. Sa production musicale prolifique et son style reconnaissable entre tous, ont fait de lui une figure culte de l‘underground.

Depuis 1997 il écrit des nouvelles qu’il publie sur internet ou dans différentes revues indépendantes comme Cancer et Hermaphrodite. En 2001, un premier roman de lui, “Viva la merda”, fut publié par les éditions Hermaphraodite. Ce road-movie hyper trash et scatologique, tiré à 500 exemplaires, ne toucha que les milieux artistiques indépendants.

Musicien ou écrivain, Jean-Louis Costes, de part la violence de son style et de ses thèmes, semblait condamné à rester le fantôme qui hante la culture française.

Mais en avril 2005, Raphaël Sorin, séduit par certaines de ses nouvelles, lui propose d’écrire un roman pour les éditions Fayard. Fin juillet 2005, Costes lui remet un manuscrit de 325 page : “Grand Père”. Un titre bien anodin pour un auteur considéré comme sulfureux !

Anodin en apparence seulement... Costes nous raconte la vie de son grand-père, mais ce n’est pas l’histoire d’un papi gateau dans son pavillon de banlieue. loin de là! Le grand-père de Costes était un arménien né en 1900. Il a subi les pogroms turcs puis bolcheviques. A 18 ans, il s’engagea dans les Cosaques blancs et mit à feu et à sang la Russie. Réfugié en France après la victoire des communistes, il fit la guerre du Riff dans la légion étrangère. Toute sa vie ne fut qu’une suite ininterrompue de massacres. C’est l’histoire d’un homme entrainé malgré lui dans tous les drames du 20ème siècle, et qui survit l’arme à la main.

Le style vif et concis de Costes nous plonge très efficacement dans un film d’horreur, qui tout à la fois dégoute et fascine. Les scènes de violence sont décrites avec une crudité et une puissance d’évocation peut-être jamais égalées en littérature. Les mots sont des images qui nous explosent dans la tête. Les balles, les cris et les lambeaux de chair nous perforent le cerveau. Ce roman a une force émotive et une violence que seul le cinéma paraissait pouvoir atteindre. Nous ne lisons plus, nous vivons littéralement les aventure du Cosaque perdu, que la vie emporte de supplice en supplice à travers l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, au fur et à mesure que le pogrom initial se répand dans le monde comme une trainée de poudre.

“Grand Père” un roman de 325 pages, se lit d’un traite, une nuit de lecture et on se retrouve le matin épuisé mais heureux. Car curieusement, la tête embrasée de toutes ces souffrances, on en ressort purifié et reconnaisant à l’auteur de nous avoir ainsi transporté dans les bas-fonds de l’humanité sans jamais nous lâcher dans les abimes du désespoir. Car ce livre très noir finit dans une lumière éclatante. Au moment de sa mort, le héros, victime et coupable de tous les crimes, nous apparait d’un coup, debout en sang, chancelant blessé, sabre à la main, au milieu de ses victimes couchées, tel un héros antique, un demi-dieu aux exploits mythiques qui a vaincu toutes les chimères, et consent enfin à se coucher. Non il n’est pas le papi ringard, le grand-père anonyme, le viellard courbé. Il est l’ancien guerrier, le héros immortel dans la tête de son petit-fils, le Grand Père, sans trait d’union et avec deux majuscules bien méritées. Et nous comprenons, en refermant le livre, toute la beauté et la grandeur du titre Grand Père.

Ce livre est à la fois un grand roman trash d’aventures échevelées qui vous tiendra en haleine d’un bout à l’autre. Et une profonde et originale évocation du Destin, un hymne au Passé qui changera votre vision des ancêtres, et donc de vous même.

Nous vous recommandons de lire absolument ce livre des morts qui finit en offrande à la vie. Vous vivrez une expérience unique, intense, indélébile. Il y a un avant “Grand Père” et un après “Grand Père”, aussi bien pour la littérature que pour le lecteur.

le site de l'auteur

 

Par Pierre Laurent
pour Francopolis
Février  2006 




Créé le 1 mars 2002

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