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Un rien de terre

Marcel Migozzi

Editions de L’Amourier, collection Grammages.

 

Ainsi donc la vie ne serait rien et ce rien serait de terre.

Et le jardin devient dès lors le lieu de nos os ; espace d’ancrage lucide, même si d’intermittence.

Car le temps importe peu à qui sait percevoir l’émerveillement. Sous la peau du jour, demandent à être saisis ces bruissement d’herbes qui répondent aux froissements de nos membres, aux épaules posées contre un mur d’été, chaud et blanc.

L’écriture de Marcel Migozzi se dégage de ces gelées blanches qui menacent les mots de saisissement. Elle est pas rythmé sur cette terre et fait qu’on se souvient en toute simplicité des pommes croquées dans l’enfance. Et le souvenir cimente toujours plus solidement les pierres du mur.

Au gré des pages se compose un monde qui aspire à la limpidité ; on se bat dans la langue pour y accéder. Après le gel les géraniums
N’ont plus la crudité du sang.

Installer la transparence dans les mots pour que le monde se donne, travailler la langue pour que les mots se lavent en même temps qu’ils s’écrivent ; tout concourt et contribue à la fluidité des frissons éprouvés.
Contre le malheur et ses prophètes patentés se cultive ici une parole de reconquête. Les douleurs et les blessures n’y sont pas occultées mais, pleinement saisies, elles sont placées face au soleil. Et la concurrence ne tient pas. La lumière l’emporte, car son parfum est le nôtre. Nous sommes de ces fibres là, même si nous l’avons –temporairement- oublié.

Il fallait donc des accents nouveaux qui aient l’audace de nous ouvrir aux frémissements impatients, aux palpitations sensuelles de l’éternité faite terre

Si les touffes de thym partageaient les douleurs
Comme elles prennent le soleil,
Puis les dissipaient en petites fleurs de meurtrissure,
Souffrir serait sourire à la prochaine terre
Qui parfumera le corps, et l’écriture, enfin
Ne plus noircir son âge.

Au gré des saisons passent les textes, en phase avec leur rythme. Il en va ainsi quand l’écriture se fait si humble qu’elle concourt à la floraison du monde. Ce sont les mouches qui meurent de grosseur. Et c’est une leçon.
En s’allégeant, les mots affichent leur modestie, et nous redonnent accès aux saveurs du jour, des jours.

Et la vie va sa voie.

Quant aux drames, une fois
Versés dans nos paroles,
Ils ont des eaux courantes et un oiseau
S’y baigne dans leurs ombres.

Yves Ughes, pour Francopolis.

Frontispice de Bernard Pagès


 

Marcel Migozzi est né à Toulon en 1936, dans une famille ouvrière d’origine corse, et il est resté fidèle (une tare, selon certains) à son Var natal où il habite toujours. Après avoir animé lui-même deux revues de poésie, La cave(neuf numéros en 1959-60) et Chemin (onze numéros de 1965 à 1968), il a fait partie des comités d’Action poétique, de Sud et d’Estuaires, éditée au Luxembourg.

Autant dire qu’il est un « militant » doublé d’un poète d’expérience. Il a reçu, en 1985, le Prix Jean Malrieu et, dix ans plus tard, le Prix Antonin Artaud.

(source : Revue « Friches », numéro 90, cahier consacré à Marcel Migozzi ou la permanence tranquille.)


Bibliographie :

Le fond des jours (Action Poétique, 1963)
Poèmes domestiques (P.J. Oswald, 1969)
Jusqu’à la terre (Chambelland, 1976)
De chair et d’os (Saint-Germain-des-Prés, 1979)
Juillet, voyages, Prix Jean Malrieu (Sud, 1985)
Enumérer reste aux vivants (Tétras Lyre, 1992)
Visages (l’Art et la Manière, 1994)
Une fois encore, ensemble (Clapas, 1994)
Des heures jardinières (Autres temps, 1994)
On aura vécu, Prix Antonin Artaud, (Telo Martius, 1995)
Nuit et jours (Phi. 1995)
La montagne vive, suivi de Bergeries (La Bartavelle, 1996)
D’autres étés, plus au sud, (L’Harmattan, 1996)
Et le rouge comme une impasse (Tipaza, 1997)
Toit de bruyère et de feu tourbé (Encres Vives, 1999)
Un rien de terre (L’Amourier, 2000)
Accueil, nocturne (L’impertinente, 2000)
Retour d’âge (Tarabuste, 2001)
Un monde dévoré d’ailleurs (Encres Vives, 2003)
On commence par une bouche (La Porte, 2003)
Dans le jardin sans porte (Telo Martius, 2004)
Qu’orange et paille (Nan’Nigi, 2004)
Ensemble d’être (L’arbre à paroles, 2004)

Source : Revue Friches, opus cité.

Un rien de terre.
Editions de l’Amourier,
Collection « Grammages »
Format 17 x 23 cm
80 pages
19 €uros

31 exemplaires de tête, accompagnés chacun d’une gravure originale signée de Bernard Pagès sont numérotés et signés par l’auteur et l’artiste (230 €uros)


Par Yves Ughes
pour Francopolis
Janvier  2006 




Créé le 1 mars 2002

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