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L'homme à l'harmonica joue nos notes passées, présentes et à venir.

par Stéphane Méliade

"Où vont les chevaux des manèges ?" François Vigneault, éditions le Loup de gouttière, Québec, 1997.

 

***Chronique dédiée à Joanie et à son coeur à étages.***

 

 

"Et si tu restes éveillé dans l'ombre, la lumière, c'est toi" (El Chura).

L'écriture et l'enfance, c'est un petit peu comme un western spaghetti: Il y a les bons, qui écrivent des choses bien lisses avec des petits noeuds dans les cheveux. Il y a ensuite les brutes, qui, sous prétexte qu'ils s'adressent`aux plus jeunes d'entre nous, en profitent pour dire strictement n'importe quoi, du moment qu'il y a un lapin explosé de rire et trois couleurs d'un coup dans un même vers. Il y a également les truands, qui ont compris la recette, la dose d'infini, de lunes, de questionnements sur la vie et d'ombres mouvantes à mettre dans un texte pour qu'il soit considéré comme un "grand texte".

Et puis, comme dans "Il était une fois dans l'Ouest", il y a l'homme à l'hamonica. Celui-ci échappe à toute classification. Il se tient dans l'ombre et la lumière, les deux à la fois. Il n'est ni "bon", ni "brute", ni "truand", il est vivant, tout simplement. Il n'écrit pas "pour l'enfance", mais "avec l'enfance". L'homme a l'harmonica s'appelle aujourd'hui et dans cette chronique François Vigneault.

Les enfants de François Vigneault sont un peu des enfants carnivores avec des rêves à coulisse, dans lequel on peut se coincer l'indice Dow-Jones, mais ce sont aussi des enfants tendres, prodigues en petites perles futées et visionnaires

Pour les souriceaux et souricettes à moteur huit cylindres en V au moins, cet auteur nous demande donc :

"Où vont les chevaux des manèges ? ".


C"est vrai ça : où vont-ils ? Où vont les étages des coeurs ? Où vont les saisons que l'on coupe comme des cheveux ? Où va l'amour que l'on pose sur les manèges pour le faire tourner ?
Petites gouttes pour grands récipients, ces questions font des bruitsde pas dans les casseroles.

"L'heure plonge dans l'heure
Lac étrange escalier
où ma vie demeure
pêche immense
multipliée
par les branches de tous nos yeux"

Les adultes sauront également apprécier ce livre, enfin pour les décideurs du complexe militaro-industriel de Bush, je ne garantis pas à 100% qu'ils vont tripper dessus mais les autres subdivisions de l'espèce humaine risquent d' adorer. D'ailleurs, comme toujours chez le Loup de Gouttière, la présentation est simple et belle, riche de sa richesse mais aussi de la nôtre.

Moi, j'ai mis un petit moment à rencontrer ce recueil, je l'avoue. Au début, je ne sais pas pourquoi, je l'ai un peu pris du mauvais profil, parce que je le trouvais inégal, aussi parce que la simple idée de "poésie pour enfant" a tendance à me disjoindre un peu les plaques tectoniques par crainte d' y retrouver bien vite du chamallow pour les yeux.

"Quand les hommes vivront d'amour", chantaient Félix, Gilles et Robert, peut-être un début de réponse à la question-titre ?
Pour signaler la direction de demain à l'usage des randonneurs de mots, encore un petit extrait ou deux, ou même trois :

"Il faudrait prier le soleil
de ne pas s'en mêler
de ne rien dire
de continuer
comme si de rien nous étions"

Être discret, pour voir où vont ces fameux chevaux, se tapir comme s'ils étaient des animaux sauvages, le soir dans la savane ?
Regarder avec son amour, mais aussi avec sa crainte :

"Petite peur
au creux de mes mains
oiseau de papier
pour me voir plus grand"

Celui qui ne craint pas l'immensité de la Vie n'a pas tout compris et restera petit. Les chevaux nous le disent, en tournant dans un cercle apparent.

Et ce cercle, quelle figure réelle dessine t-il ?

"Bout de ciel
entre les ombres
qui nous rallongent
tes dessins ceignent l'avenir"

Alors, on peut fermer un instant les yeux qu'on avait gardés trop
ouverts,
trop longtemps, juste un instant pour se reposer et regarder le cercle
s'agrandir, et
les chevaux aller de plus en plus loin.
La vie prend le train, exactement comme dans le tableau de Magritte :

"Petit train du monde
au milieu du salon
poussée de vie
instant suspendu
à la branche d'une étoile".

Peut-être n'y a t-il en réalité pas de manège ? Mais des enfants qui courent plus vite encore que les chevaux, vont plus loin, rêvent plus loin. Avec des mots toujours trop courts, toujours plus petits qu'eux pour le dire :

"Je file mot à mot
sur l'écheveau du monde
des poèmes trop courts
pour te couvrir"

Ça fait cinq extraits au lieu de trois, comme les doigts d'une main ?
Les chevaux des manèges vont toujours plus loin qu'on ne l'aurait espéré dans ses rêves les plus grands. Peu importent les vérités et les mensonges du monde, ce manège en forme de coeur leur donnera le vertige.

 

 

Stéphane Méliade, 31-10-2002

Ou vont les chevaux des manèges ? François Vigneault, éditions le Loup de gouttière, Québec, 1997.

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Créé le 1 mars 2002

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