Bonjour Yves
Ughes, je viens de lire votre recueil Par les ratures
du corps. Je voulais tout d’abord vous poser
une question, peut être indiscrète, mais elle
me vient de votre bibliographie qui débute en 1999
avec Décapole aux éditions de L’amourier.
Quel a été votre parcours d'écriture
avant cette première publication, et comment vous
est venue l'envie d'écrire ?
Comme de bien entendu, c’est une
longue histoire, qui s’articule autour d’instants
essentiels, de moments chocs, parfois même de
véritables commotions. Pour faire court, je peux
évoquer ce parcours en mettant en place deux pôles
principaux : le moment fondateur et la publication
de mon premier recueil ; 35 ans les séparent.
J’étais un très mauvais élève
en Français, je ne comprenais rien à l’orthographe,
la grammaire se présentait à moi comme des
séances d’élucubrations gratuites. Je
viens d’un milieu populaire, on parlait certes en
français, mais avec des trous, des déchirures
faites par le niçois et cet italien que mon père
immigré ne pouvait tout à fait abandonner.
J’injectais tout naturellement ces beaux mots marginaux
dans mes devoirs de rédaction et me faisait donc
vertement corriger par l’Ecole Républicaine,
soucieuse de traquer tout ce qui ne relevait pas de la belle
langue. Et ces vexations accentuaient mon aversion pour
les conjonctives, les relatives et que dire des locutions
conjonctives.
Rejet donc, indiscipline, élève agité
et instable.
En classe de 3ème un professeur étrange, costume
de velours, grande mèche à la Gérard
Philipe, commence le cours de Lettres, en nous annonçant
que pendant une semaine la grammaire et les dictées
sont suspendues. Liberté provisoire, conditionnelle,
mais liberté quand même. Dès lors j’écoute,
d’autant plus que cet homme ouvre un livre au titre
étrange : Les Fleurs du Mal. Il nous
lit «L’Albatros ». Là
se situe la commotion. Je me souviens de l’émerveillement
provoqué par le texte, je découvrais une sorte
de beauté qui m’était totalement inconnue.
Ni l’école ni ma famille ne m’avaient
transmis une telle force, une telle émotion qui
se nourrissait en l’occurrence de lumières
et d’espaces. J’ai tout simplement saisi ce
que l’on pouvait faire avec la langue et je me suis
dit que là était mon lieu, mon espace d’habitation.
Peu après, Mai 68 surgit, dans le cortège
de ce mois la découverte de la Beat Generation, Jack
Kerouac installa la découverte poétique dans
la durée.
Et puis la vie est venue, avec ses ballottements :
un paradoxe a voulu que je devienne à mon tour professeur
de Lettres. J’ai donc beaucoup voyagé, me suis
trouvé coupé, pour cause de mutation obligée,
de mon lieu solaire. J’ai donc écrit, mais
tout est resté dans les tiroirs. Je ne pouvais avancer
dans l’isolement.
Jusqu’à mon retour à Grasse, ville où
la poésie occupe une importante place dans la vie
culturelle. J’y rencontrai Jean-Marie Barnaud, qui
publiait déjà chez Cheyne Editeur et Alain
Freixe, auteur de nombreux textes, notamment à l’Amourier.
Ils animent des conférences sur la poésie
contemporaine. Je me forme au gré des rencontres,
constituant mon arrière plan théorique. On
ne peut pas écrire sans justifier sa démarche.
Par eux je trouve, à 40 ans, ce qui m’installe
définitivement dans l’acte d’écrire,
dans sa dimension vitale. Dans l’action se crée
de surcroît une amitié solide. Barnaud et Freixe
me font renaître. Mes tiroirs s’agitent. Mes
textes attendent, de plus en plus impatiemment. Je tombe
un soir, en lisant la Bible, sur le mot Décapole.
Encore une révélation : ce mot devient
le principe organisateur de mon livre : je ne voulais
pas publier un recueil qui n’eût pas de cohérence.
Je m’autorise dès lors à le présenter
aux Editions de l’Amourier, qui l’acceptent.
Ainsi peut-on renaître nel mezzo del camin della nostra
vita.
Un choc initial, de nombreux tâtonnements,
une fondation théorique, un élargissement
des découvertes, la découverte de ma propre
cohérence, voilà tout ce qu’il m’a
fallu réunir pour publier…si tardivement…mais
il est vrai que je suis de formation lente, sans doute parce
que je crois avoir toujours l’éternité
devant moi.
Dans Par
les ratures du corps, je constate qu’il y a peu
ou pas de ponctuation mais que cela ne gêne pas le
lecteur pour autant car on sent un rythme
dans les phrases, une certaine musique interne et parfois
même comme un retour à la ligne invisible.
Avez-vous toujours écrit de cette manière ?
Je crois que oui. Et cette pratique me
vient d’une double impulsion.
Je pense d’une part que la poésie est fondée
sur le rythme, la musicalité de la langue. Les mots
y occupent certes une place sémantique, mais ils
y figurent aussi par les sons qu’ils portent. Sans
quoi, comment pourrait-on expliquer Verlaine ? Les
sanglots longs des violons de l’automne : comment
un sanglot peut-il être long ? Dans le langage
poétique, la langue devient un instrument dont on
explore les ressources…Et c’est un élément
fondamental, fondateur de la démarche..
L’autre cause se trouve une fois encore dans ma formation…j’ai
connu l’émotion et donc la beauté, par
la musique…Nietzsche disait que sans la musique la
vie serait une erreur…et je fais partie de cette génération
émerveillée qui a découvert toutes
les musiques, grâce à la commercialisation
du Transistor et des Pick-up…Dès lors tout
y passait : de Brel aux Rolling Stones, de Brassens
à Bob Dylan. Leurs rythmes se situent désormais
dans ma tripe, dans ma façon de recevoir le monde,
de le dire…De là vient cette musique interne.
Mais il est tout aussi exact que j’aime ce qui déstructure,
parce que notre siècle appelle ce mode de perception…Au
lecteur de restructurer, de recomposer….J’ai
donc écrit de très nombreux textes avec Bob
Dylan, et son phrasé si particulier, dans l’oreille.
Je sais l’effort de reconstruction imposé au
lecteur par une pareil traitement déglingué
de la phrase et du vers…mais n’est-ce pas à
ce prix que la rencontre peut se faire ?
Parfois, j’ai comme
l’impression aussi que vous écrivez par fragments,
par listes, des pensées, des flashes qui surgissent
et que vous assemblez pour en faire une unité…
Ce qui m’amène à vous demander ce qui
vous pousse à écrire et comment ? En
d’autres mots, qu’est-ce qui justifie chez vous
le besoin d’écrire ? Qu’est-ce qui
vous influence et quels sont vos influents ?
Ce qui me pousse à écrire
c’est cette émotion appelée poésie,
pour reprendre un titre de Reverdy. Sous cette affirmation
apparemment simple, se nouent de complexes réalités
et exigences. Plusieurs éléments se combinent.
La quête de soi, tout d’abord. Comme le dit
Pirandello, nous sommes à la fois un, personne et
cent mille. J’ai toujours dans mes entrailles –qui
sont le lieu des émotions blessées- cette
perception aiguë de sur-existence et de non-existence.
Le sentiment que je ne pourrais jamais me connaître,
jamais mettre en concepts organisés ce que je suis.
Dès que je le tente, tel ou tel fait vient tout remettre
en cause. Nous sommes bien ondoyant et fluctuant comme l’affirmait
Montaigne. J’en ai pris mon parti, et je pense désormais
exister en fonction de mes émotions, des chocs ressentis.
Et je souhaite les cerner, leur donner corps, pour les justifier.
La poésie dès lors devient pour moi le moyen
de dire l’indicible. L’émotion provoquée
par un corps, une courbe, un sourire, un souvenir, une rencontre,
la joie de mes filles en train de rire, de la table, le
retour vers une ville…
Tout ceci ne peut s’accomplir par une perception purement
analytique…il faut laisser parler les mots, et chez
moi ils ne parlent qu’avec le corps. Quand le corps
marche, mâche, alors s’exprime l’impondérable
parce que la fatigue ne permet plus la construction…Dès
lors des images –oui, des flashes- s’imposent
et l’essentiel se joue dans ce qui m’échappe
et qui pourtant m’apprend une relation au monde, m’éclaire
sur ce que je suis dans ma relation au monde. D’où
mon attrait pour l’inconstance et le baroque. Tout
ceci peut paraître nombriliste, mais j’ai la
faiblesse de croire que la modernité nous a tous
plongés dans cette fluctuation, et que ma démarche
sinon ma quête peut trouver quelques échos
dans la vie des autres. Car, finalement, ne sommes-nous
pas tous et toutes, avant tout, intrigué(e)s par
le mystère d’être ?
Il y a aussi
dans Par les ratures du corps un soin particulier
accordé à la disposition dans la page, un
souci particulier de l’occupation de l’espace
et aussi l’utilisation de la numérotation ou
des notions précises comme « 5 millions
d’exclus au sommeil pourtant & 12 millions de
sommeils précaires et déshérités ».
Est-ce vous pouvez expliquer ce qui oriente ces choix ?
Les Ratures du corps présentent une contamination
progressive de la prose par la poésie, comme la vie
du personnage est progressivement travaillée par
le poème de Dante qu’il a découvert.
Je suis de ceux qui ne peuvent raconter, car l’ordre
que réclame la narration m’est étranger,
impossible. Dès lors la décomposition du récit,
au profit du verset poétique se perçoit physiquement
au gré des pages, dans l’espace de la page
même, et c’est un choix, une volonté
esthétique. Ma volonté, dans ce texte était
de dire l’émerveillement. Il fallait donc que
la langue soit travaillée, trouée, malmenée
pour que le bonheur puisse s’exprimer en mots non
encore usés. Il est très difficile de dire
la lumière, sans tomber dans le concept, l’analyse
ou le poncif. J’ai donc déchiré la trame
narrative par ces « montées »
qui ouvrent, qui laissent la langue jouer afin que des images
neuves puissent laisser le passage au ravissement. Les chiffres
jouent leur rôle dans ce processus, ils cassent le
côté littéraire. La « belle
langue » n’aime pas se commettre avec des
numéros, des statistiques. Chaque montée se
fait en 21 versets. C’est un chiffre qui s’est
imposé à moi. Il souligne un nombre régulier
toujours accompli, comme un rituel celui de la marche expiatoire
que j’ai régulièrement effectuée
dans les collines grassoises lors de la création
de ce texte.
Votre écriture
est du reste très imagée, une observation
du monde, pas toujours idéal. Un regard parfois qui
m’a fait penser à la bande dessinée
les eaux de Mortelune (connaissez-vous ?)
qui décrit un nouveau siècle où le
manque d’eau rend le monde désolant. Votre
vision du monde se rapprocherait-elle donc de quelque chose
de similaire ? Ou est-ce réellement le monde tel
que l’on peut le voir en s’appuyant sur des
faits réels ?
Je ne connais pas Mortelune, mais ne demande
qu’à connaître et m’en vais donc
chercher de ce côté-là. Je ne suis pas
très assuré sur ce terrain, étant plus
amateur de vin que d’eau. Je crois néanmoins
que je cherche à dire la souffrance physique que
l’homme impose à la terre. Elle vient de nous,
et passe par nous. Je m’impose un devoir d’optimisme,
et m’oppose donc à tous les prophètes
de malheurs, aux Cassandre qui nous annoncent le pire, justifiant
ainsi tous les obscurantismes et tous les abandons. Mais
je ne peux pas ne pas voir ces voyants qui s’allument,
disant l’alerte. Ce modèle unique qui a été
proposé et qui nous est désormais imposé,
ce pillage des ressources, cette mondialisation frénétique
qui soumet toute activité à la marchandisation
ravage le monde et les hommes. Je ne peux écrire
sans le voir, mon écriture n’a aucune légitimité
si elle n’intègre pas une révolte contre
cette folie accumulatrice qui confisque le bien de tous
au profit de quelques uns. De cette colère se nourrissent
également mes textes, pour respirer et pour se libérer,
par la véhémence du cri.
Teri Alves
me souffle également cette question que je trouve
intéressante : vos thèmes sont très
ancrés dans le réel, l'urbain, et pourtant
certains aspects de votre écriture ont des accents
parfois surréalistes, quelquefois même ce paradoxe
se retrouve dans une seule et même phrase, comme dans
le recueil Par les ratures du corps : "je
serais de la procession des échos calcinés
dans le bourdonnement du soleil sur les ordures de la cité".
Est-ce une façon pour vous d'appréhender la
réalité d'un point de vue plus détaché
?
Le rapport avec le réel est pour
moi intimement lié à la relation que nous
avons avec la langue. C’est elle qui établit
notre relation avec le monde. Et cette pratique n’est
jamais neutre, ni socialement insignifiante. Je veux dire
par là que tout concourt à ce que la langue
nous donne une domination du réel, une illusion de
domination. Comme le souligne M. Butor, toutes les ressources
du langage sont mobilisés pour nourrir une pareille
imposture : le langage économique, le langage
scientifique, le langage politique : tout est mise
en ordre, en équation du monde avec, en bout de course,
un sentiment de puissance organisatrice.
La langage poétique déchire cette illusion,
en bouleversant les pratiques. La langue poétique
ne joue pas sans concept, mais elle opère en-dessous
des concepts, les subvertissant par les sons, les rythmes
et les images. Tout est ouvert dans ce charivari, cette
transe des mots.
Dès lors une autre approche du réel se met
en place, mêlant tout ce que la raison pure isole
en temps normal. J’accepte ainsi tout ce qui s’offre
et se présente : la ville qui me fascine, mais
également les collines caniculaires dont j’ai
besoin, viscéralement. Au nom de quelle coupure devrais-je
choisir ? Si villes et collines sont convoquées
par ma perception, et unies dans le verset qui prend corps,
pourquoi les séparer ? La poésie accepte
le chaos, elle se situe hors de toute mise en ordre, n’acceptant
que sa cohérence interne. Et c’est en cela
qu’elle est, naturellement, irréversiblement,
subversive.
Je note également que
dans Par les ratures du corps, l’homme semble
se fondre dans le paysage, le monde et en subit toutes les
tensions, comme par exemple ces montées dans la partie
« Retable » où le corps semble
être en constant manque et arrachements. Il est d’ailleurs
souvent question du corps, la fatigue, la mort aussi. Un
peu comme si l’homme était en prison dans son
vivre. Pourtant sur la touche finale, le mot « émerveillement »fait
son apparition, est-ce que cela sous-entend qu’il
y aurait une suite ? Une nouvelle montée ?
Une vie autre que carcérale ?
Ce propos-là me touche profondément,
car il met l’accent sur ce qui m’est essentiel :
la coupure avec le monde. Qu’il me soit permis une
allusion littéraire : L’Etranger de Camus
fait partie des mes textes fondateurs. J’y vois la
démarche tragique de l’homme qui tente d’entrer
dans le monde, le désir de surmonter cette contradiction
traumatisante : la beauté éternelle de
ce monde nous renvoie à notre terrible finitude.
L’un des instants d’apaisement se situe dans
la mer…Meursault place sa tête sur le ventre
de Marie, se sent porté par les flots et jouit du
soleil…mer, ventre féminin, soleil…l’unité
est recomposée…C’est elle que je cherche
par mes textes et mes marches. Notre présence au
monde n’est pas évidente, elle se mérite
et va de pair pour moi avec un désir de purification.
C’est la raison pour laquelle j’évoquais
plus haut cette notion de « marche expiatoire ».
Pour moi, l’effort, la douleur de marche sont le prix
à payer pour participer à la vie de la nature
méditerranéenne en fusion. Et je n’affirme
pas cela qu’en termes existentiels, je crois à
la dimension physique de la communion. La sueur se mêle
aux odeurs du thym exacerbée par le soleil, et le
corps se livre alors, se dénoue, s’offre aux
paysages qui deviennent des lieux d’accueils. Dans
mes textes s’est installée la figure récurrente
de Judas, il porte nos trahisons, mais il se donne, et les
lavandes nettoient ses entrailles.
Vous écrivez :
« la violence d’arrachement que demande
la marche est la même que celle que réclame
le poème »… Ceci m’intrigue…
Ecrire un poème est-il un acte violent ? Ou
est-ce que cela provoque en soi quelque chose de violent
qui nous fait tournebouler ce qui touche au plus profond
de soi ?
Oui, je souscris tout à fait à
vos interprétations. Le poème est violent
par nature parce qu’il nous sort du confort, du comfort
dirait Rimbaud. Nous avons toutes les raisons du monde pour
pactiser avec l’ordre et la sécurité.
Nous avons un rôle social, parental, etc… à
jouer. Et il est si rassurant de se couler dans ces images.
On se rassure à peu de frais, on est quelqu’un,
on vit dans une perspective…et puis voilà qu’un
appel intervient, qui nous dit la mascarade, la comédie
sociale…et qui nous affirme que l’essentiel
est ailleurs, dans des profondeurs mouvantes…se lancer
dans le texte poétique, c’est répondre
à cet appel. Il s’agit donc d’arrachement…pour
un temps les mots vont vivre autrement, la relation au monde
va se faire autre…mouvementée, ouverte, incertaine,
tâtonnante, balbutiante, bégayante…et
de ces bribes il faudra bien faire quelque chose, y compris
en soi-même.
Dès que j’écris ces lignes, j’ai
envie de me corriger…en effet, il est hors de question
de faire du poète un martyre de la langue, un être
souffrant de sa condition…je veux aussitôt tirer
la barre de l’autre côté : celui,
jubilatoire, de la découverte.
Il y a donc violence dans la démarche, mais pour
une approche lumineuse de la vie. Violence de la lumière
donc.
Je vais passer
du coq à l’âne, mais comment et pourquoi
a débuté pour vous l’aventure avec les
amis de l’amourier ?
Encore une longue histoire. J’ai
rencontré les éditions à plusieurs
reprises dans les salons des Alpes Martimes. Et leur stand
m’a toujours frappé par la qualité des
œuvres présentées. Les textes y sont
accueillis en des supports dignes, faits de papiers choisis
et de caractères typographiques soigneusement élaborés.
Je pensais qu’être édité par les
Editions de l’Amourier était pour moi un honneur
hors de portée. J’ai pourtant envoyé
mon premier manuscrit Décapole. Il a été
accepté. La maison m’a alors demandé
de travailler avec un membre du comité littéraire,
chargé de suivre mon texte, Raphaël Monticelli.
Et ce fut une période intense de création.
Pendant quinze jours, mon texte a été interrogé,
sollicité. Il était tout en longueur et Raphaël
ne trouvait pas cet ordre pertinent, il m’a suggéré
le verset. Je n’osais aller dans cette direction.
Nous avons fait des essais, et j’ai dû me rendre
à l’évidence, mon propos réclamait
le verset. Ce travail commun m’a permis de m’accoucher,
en tant que poète, mais également en tant
qu’homme.
Par la suite, les contacts se resserrant, l’Association
des Amis de l’Amourier et Jean Princivalle, le Directeur
des éditions, m’ont demandé de faire
partie du comité littéraire, et du bureau
de l’association.
J’ai accepté et ne l’ai
jamais regretté.
J’ai pu y découvrir la vie
d’une maison d’édition vivant hors des
critères de rentabilité financière.
J’y ai mesuré ce qu’il fallait de passion
et de générosité pour qu’une
pareille aventure culturelle et littéraire fût
encore possible.
Et cette expérience se double à
tout instant d’une aventure humaine, l’amitié
permet toutes les discussions, toutes les corrections –j’ai
refait trois fois Les Ratures du corps, en intégrant
les remarques formulées sans ambages par le Comité
Littéraire. Et c’est aussi le partage d’une
aventure commune, où se mêlent ce superbe village
de Coaraze, son soleil et les plats de pâtes dégustés
ensemble. Et c’est encore la jonction établie
entre la littérature et les arts plastiques, par
l’action essentielle de Martin Miguel et Bernadette
Griot. Et c’est en fait l’allant donné
par un lieu où la notion de pouvoir n’existe
pas, espace gratuit où la parole se fait authentique
parce qu’elle se dégage, précisément,
de tout enjeu de domination.
Du bonheur donc, et quoi d’autre ?
Par Cécile Guivarch et Teri Alves
pour Francopolis - Mars 2006
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