L’île
aux chaussettes
par
Sylvie
Domenjoud
La
vie est un mystère qui m’enchante ! Vraiment ! Chaque
pas me le confirme. Je le dis et le redis ! Et
malgré
la technologie qui voudrait éliminer les
mystères, imprévus,
différences et donc toutes
inquiétudes, ils persistent ! Ouf !
Ce matin encore, je reste perplexe.
Je viens de vider de fond en comble ma machine
à laver le
linge et que vois-je ? Après séchage, comptage et
recomptage,
jeu de mariage, d’appariement des chaussettes, je me
retrouve une
fois de plus avec des célibataires. Mais
où sont donc
passées leurs âmes sœurs ?
Non ce n’est pas possible ! Ce n’est tout
de même pas la housse de couette qui a mangé
une chaussette sur
deux. Il n’y avait pas de housse dans cette machine !
Alors incroyable mais vrai. Malgré toutes les
précautions avant
l ‘épreuve de la machine, le compte n’est jamais
bon à la
sortie !
Je m’aperçois, à chaque pas, que
non seulement le mariage est consommé,
mais
que le divorce est irrémédiable. Est-ce le
fruit du hasard ?
Sont-ce les chaussettes qui ne prennent plus leurs pieds ou vice et
versa ? Très vite, les chaussettes ne font plus
la paire et
poursuivent leur route en solitaire. Et ce, quelle qu’en
soit la
marque, la taille, les rayures, les impressions de titi et gros minet,
ou des puces informatiques
qui dévoilent les
secrets d’alcôves !
Pour
certaines la technologie explicative vient à ma rescousse :
certaines s’usent, lâchent des mailles, se
trouent. C’est normal la vieillesse et même la mort d’une
chaussette… Et comme repriser est passé de mode, on
ne joue plus les
prolongations. L’une jetée, l’autre est
conservée… au cas où !
en souvenir !
Mais les autres disparues ? Celles qui n’ont
pas succombé à l’usure du temps.
Où sont- elles donc
passées ? Mystère !
Ces couples dépareillés par la force des
choses, prouvent tout
simplement que ce qui se ressemble ne
s’assemble pas pour
l’éternité. Qui n’a pas son tas de chaussettes en mal
d’amour ? Celles qui finiront leur
vie en
chiffon à poussière, à lustrer,
en extracteur de jus pour
gelée de groseilles - qualité acrylique
recommandée
- ou simplement à la poubelle.
Ces esseulées se retrouvent en tas, comme si
elles narguaient leur propriétaire. Comme
si elles
voulaient mettre le doigt sur l’importance de l’inutile qui permet la
remise en
question, le travail d’une mémoire défectueuse, la
créativité dans le disparâtre :
où ai-je donc quitté mes chaussettes pour la
dernière fois ? Etaient–elles
en couple dans le panier de linge sale ? Se sont elles
séparés avant la
lessive, ou coincée la bulle dans la machine ? Comment les
assortir à
nouveau ?
Certains règlent le problème - solution
masculine -
en s’offrant plusieurs paires identiques, sans
état
d’âme. Les femmes, elles,
s’inquiètent d’assortiments
impossibles, de séparations troublantes, de
défaillance à leur
perfection de femme d’intérieure.
Mais où sont donc passées les
âmes sœurs?
Eh bien, moi, je le sais…. J’ai découvert ce
mystère, un jour
de navigation en pleine mer, mer
chargée des
eaux de la terre. Je fus attirée par une île
magnifique, couverte
d’algues de toutes les couleurs, un peu comme une tombe sur
laquelle
on aurait jeté des monceaux de fleurs, aux pétales
épars. Des longs, des
bariolés, des rouges, des jaunes, des bleus, blancs, violets….
De mes pieds nus, je foulais cette île.
J’étais, je vous l’assure, sur l’île aux
chaussettes retrouvées et
dépareillées pour le meilleur et pour le pire.
De ce jour-là, je compris que le
mystère de la vie et aussi de la vie de
couple, résidait
dans l’acceptation des différences et inégalités.
Tout comprendre ne laisse pas
la place au verbe aimer.
Mesdames les chaussettes
dépareillées, applaudissez .....Florence
et Catherine à l’initiative de cette découverte d’un
mystère enfin élucidé
! Et unissez vos différences
Sylvie
Domenjoud
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L'île aux chaussettes de Sylvie Domenjoud
recherche Gertrude Millaire
pour Francopolis Février 2013