La poésie existe. Elle n’est pas morte
comme l’annoncent
déjà certains oracles. La poésie se crée de
nos jours encore. Une poésie
profonde et travaillée, même si certains
considèrent la poésie actuelle comme
trop lyrique ou trop libre ou trop accessible. Quoi ? L’art serait-il
destiné
à être lointain de soi, à entrer dans un moule,
à demeurer réservé à une
élite ?
A l’heure actuelle, pas plus que dans le passé, le lyrisme ne se
détache
de la notion de travail. Si l’image du génie romantique a bien
engendré l’idée
selon laquelle il suffisait de se livrer au vertige de l’inspiration
pour
écrire un poème (idée qui sévit parfois
encore), le lyrisme n’est pas pour
autant synonyme d’un manque d’efforts. En effet, il est possible de
mettre
en valeur les sentiments vécus grâce à une
expression harmonieuse. Par exemple
Hugo, le déniaiseur d’alexandrin, utilise pourtant la
métrique pour communiquer
des émotions : « Je cesse d’accuser, je cesse de maudire,
Mais laissez-moi
pleurer. », traduit un élan tumultueux qui vient se briser
dans l’hexasyllabe
qui succède à l’alexandrin. En conséquence, le
lyrisme ne dispense pas de
travailler le poème. Au contraire, c’est un défi
lancé au poète qui doit
conformer ses écrits aux élans de son cœur : inventer un
langage « assez
souple et assez heurté pour s’adapter aux mouvements lyriques de
l’âme, aux
ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience
» (Lettre à Arsène
Houssaye - Baudelaire). Le lyrisme n’exclut pas le travail sur le vers,
même
si ce denier est dit « libre ». A la rhétorique
classique a suppléé une rigueur
sur le rythme et une recherche infinie d’images évocatrices dans
les poèmes
lyriques ou non.
Le vers libre n’est pas synonyme d’absence de travail ou de
méconnaissance.
La plupart des poètes utilisant les vers libres, savent pour
autant parfaitement
leur rhétorique classique, de même que Picasso savait
peindre dans le plus
pur réalisme. Il faut connaître la structure pour pouvoir
déstructurer !
Il ne faut pas confondre la rhétorique classique avec le travail
: un poème
en vers libre est « travaillé », ciselé
même puisque son existence en tant
que poème doit passer par autre chose que par la forme fixe.
Ainsi le poète
insuffle à son texte un rythme interne qui lui est propre et
qui, par là
même est peut-être plus proche du chef-d’œuvre puisque la
perfection de forme
ne saurait être donnée par un moule
préétabli. La simplicité du vers libre
n’est qu’apparence de simplicité puisque sa création
implique un processus
complexe, l’intériorisation par le poète de ce qui est
« poésie » et sa capacité
à aller au-delà du manuel de rhétorique.
Comme le vers libre peut avoir l’apparence de la facilité, la
poésie peut
être aisée à la lecture. Ce n’est pas le
degré de complication ou de sophistication
qui fait le poème. Un beau poème n’est pas
forcément un poème que l’on ne
comprend pas. La poésie n’est pas morte : elle est malade. Elle
n’est pas
en manque d’auteurs mais de lecteurs parce que ces derniers croient
qu’ils
ne vont pas « comprendre » la poésie comme si sa
lecture était réservée aux
seuls initiés. La poésie (comme tout art) a plusieurs
niveaux de lecture
et on ne lit pas un même poème de la même
façon à vingt ans, qu’à trente,
quarante, cinquante… Évidemment un poème recèle
des sens secrets, des références,
du non-dit, de l’inexprimable mais même si, d’aventure, on
comprenait tout
ce que l’auteur a voulu dire, cela ne signifierait-il pas que le
poète a
trouvé la quintessence du langage réverbérant au
millième près la lumière
de son esprit ?
Pour conclure, il faut prendre en considération les multiples
revues de poésie
qui paraissent chaque jour dans tout le monde francophone et font
découvrir
les poèmes d’aujourd’hui et de demain à des
passionnés de plus en plus nombreux,
les maisons d’édition qui publient de la poésie par amour
de l’art et non
du commerce, ces milliers de poètes qui taillent leurs œuvres
comme des pierres
précieuses. Un tel constat n’amène qu’une phrase :
«
La poésie est vivante,
vive la poésie ! »
Evelyne
André-Guidici
http://alter.texto.free.fr/
http://ultraviolette.over-blog.com/
(
N’hésitez pas à
me répondre car
la joute est une aventure et un jeu. Par ailleurs, vos avis
contradictoires
et/ou intéressants pourraient faire l'objet d'un autre billet
d'humeur. )