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HUMEUR

Faudra pas s'étonner
par François Minod


Il est bizarre, tu ne trouves pas ? Gentil mais bizarre.
On ne sait pas trop ce qu’il pense. Toujours à sourire.
Ça fait longtemps qu’il habite le quartier ?

On ne l’a pas vu arriver en tout cas. D’une discrétion.
C’est ça qui me soucie, cette discrétion qu’il affiche.
Jamais un mot plus haut que l’autre.
Il n’est pas catholique à ce qu’on dit, c’est son droit
tu me diras, on n’est pas obligé.

On dit aussi qu’il est arrivé sans papier.
Il ne vient pas de nulle part, je ne suis pas dans le
secret mais.

Oh, je sais, ça ne préjuge de rien, mais ça pose des
questions, un type qui arrive comme ça, surtout quand
on sait ce qui se passe.
 
Note bien que personnellement, je n’ai rien contre
ce type-là, à titre personnel s’entend, il est plutôt plaisant,
en plus il est propre, ce qui n’est pas toujours le cas, tu en conviendras.

Bon, on ne va pas passer la nuit à parler de ce type,
il est comme tout le monde, sauf que.
C’est la seule réserve que je ferai : sauf que.

On en a vu d’autres, avec tout ce qu’on voit. Des
types comme tout le monde, y en a beaucoup, beaucoup
plus qu’on croit, des types comme ça. Ils ne payent pas de mine,
ils se fondent dans la masse, tu ne les vois même pas,
tellement ils sont comme tout le monde,
c’est ça le problème, tu ne les vois pas,
ils passent devant toi, ni vu, ni connu,
ils sont comme tout le monde, sauf que.

Tu vois ce que je veux dire, n’est-ce pas ?
Eh bien, ce type là qui est comme tout le monde, tu
n’y prêtes pas attention, il va, il vient, il passe là,
devant toi, il te sourit même, histoire de...

Il va faire ses courses au supermarché, il fait la
queue à la caisse, il paye et il s’en va. Qu’est ce que
tu veux dire après ça ? Rien, y a rien à dire, il est réglo.

Que faire, alors ? Ne rien dire ? Laissez faire ?
 
Accepter qu’un type comme ça continue à vivre
comme nous, chez nous, alors que.

Encore une fois, je n’ai rien contre cet individu en
particulier, tu me connais, je suis un homme plutôt
ouvert, charitable, mais il y a des limites si l’on veut.

Tu es d’accord, n’est-ce pas ? Y a des limites, des
frontières à respecter si on ne veut pas.
Surtout quand ces gens là se font passer pour tout le
monde, je veux dire notre tout le monde à nous.

Tu es d’accord, n’est-ce pas ?
Tu ne réponds pas ?
Personne ne dit rien.

Étrange tout de même qu’on laisse faire, faudra pas
s’étonner si.
 
Faudra pas s’étonner.

*

François Minod, in L’homme au banc, Editions Hesse, 2103


François Minod
octobre 2015


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Créé le 1 mars 2002

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