Trilogue
L'expression de la liberté passe d'abord par les pieds…
par Michel
Ostertag
MARCEL. Après toute cette marche, mes
amis, que mes pieds me faisaient mal !
GEORGES. Et moi, donc !
PAUL. C’est toujours la même chose, l’expression
de la liberté passe toujours par les pieds !
MARCEL. Oui, c’est à croire. Et moi, qui n'ai
jamais aimé le métro à cause de sa trop grande
fréquentation, on a été servi, mais bon… !
GEORGES. Ce n'est pas tant les kilomètres que
nous n'avons pu faire, mais rester debout, à attendre de pouvoir
faire un pas, les uns contre les autres, serrés comme des
sardines à communier pour une même et juste cause.
PAUL. On avait l'impression de connaître tous ceux
qui étaient à nos côtés, même ceux au
balcon qui nous faisaient des signes. Quel spectacle !
MARCEL. Moi, j'ai fini ma course chez Djamel, le
café au coin de ma rue, un pote. Il m’a offert un thé
chaud, nous nous sommes regardés et nous nous sommes compris
sans échanger un mot.
GEORGES. En fait, on ne savait pas que toute cette
journée a été un entraînement pour les jours
suivants…
PAUL. Comment ça !
GEORGES. Dès le lendemain, à l'aube, le
public français s'est précipité à son
kiosque pour acheter le journal tiré à quatre millions
d'exemplaires et l'heureux gagnant passait pour un gagnant du loto !
MARCEL. Moment unique où les gens font la queue,
chaque jour pour acheter un journal que certains n'avaient jamais lu
auparavant !
PAUL. On dit même que l’ouvrage de Voltaire sur la
tolérance devient un best-seller, de quoi faite pâlir
Houellebecq !
GEORGES. Ce qui est cocasse, c’est que je n’ai pas pu
m’empêcher de me souvenir de Mai 68… Une foule énorme, qui
criait des mots de liberté, de démocratie, d’unité
républicaine, vous vous en souvenez…
PAUL. C’est vrai, pour des gens comme nous, il a
été impossible de ne pas y penser. L’expression de la
liberté prend souvent des figures différentes, mais c’est
toujours le même mot, le même cri, la même
détermination.
MARCEL. Une très grande différence, tout
de même : les applaudissements unanimes envers la police,
jusqu’aux embrassades, il fallait voir ces gestes de reconnaissance,
tandis qu'en Mai 68, c'était plutôt cocktail Molotov et
pavés lancés à leurs têtes, au cri de CRS SS…
PAUL. Bien vu !
GEORGES. Les temps ont changé, les individus
aussi, les jeunes d’aujourd’hui n’ont qu’une vague idée de cette
époque. Ils réinventent leur démocratie. Une lutte
pacifique face aux injures, aux meurtres.
MARCEL. J’ai pas arrêté d’avoir les larmes
aux yeux. Avec ce sentiment d’impuissance face aux armes de guerre.
PAUL. Et puis, il a fallu rentrer, se reposer, se
changer les idées, reprendre la vie courante, « faire avec
» comme on dit !
* * *
Trilogue
par Michel Ostertag
pour Francopolis février 2015
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