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Aglaé - Michel Duprez - Michel Ostertag...  et plus




Trilogue
Et si quelques aphorismes suffisaient…

par Michel Ostertag



PAUL. Moi, en prenant de l’âge, je lis de moins en moins de gros bouquins genre 500 pages. Trop long, mal aux yeux, manque de concentration, la lecture s’éternise, je finis par laisser tomber le livre et comme ça, j’ai dans ma bibliothèque toute une série de livres que je n’ai pas achevés.

GEORGES. L’avantage des gros livres, c’est leur poids, pour consolider une armoire, une bibliothèque un peu branlante, on les place tout en bas, bien au-milieu, côte à côte, et ça fait de merveilleux contrepoids… Je blague ! Je reconnais volontiers que ce n’était pas la vocation première de ces ouvrages.

MARCEL. Moi, je suis resté à la lecture de mon quotidien, ce qui ne m’oblige pas à lire toutes les pages. Je sélectionne. Et puis personne ne vient me demander des comptes, je lis ce qui me plait, basta !

PAUL. Alors, depuis quelques années, je me suis spécialisé dans la lecture de recueil d’aphorismes, vous savez ces petites phrases, courtes, pleines de bon sens, de sagesse, parfois philosophiques qui tendent à vous faire réfléchir ou seulement vous distraire, sans plus. Le roi en était Jules Renard dans son Journal qu’il a tenu toute sa vie, ou encore les frères Goncourt et leur journal écrit à quatre mains : Vingt volumes à la bibliothèque municipale de mon quartier, j’ai tout lu, sur plusieurs années.

MARCEL. Il y a quelques années, j’avais lu les « Brèves de comptoir ». Souvent certaines de ces réparties donnaient un sens particulier à une situation, une sorte d’éclairage pittoresque, j’aimais bien.

PAUL. Oui, il faut chercher le sens profond qui se cache sous une gaudriole. En fait, des aphorismes, il y en a de toutes sortes. Méchantes, pessimistes, franchement humoristes, voire philosophique, je pense à Cioran.

GEORGES. Je l’ai lu, il vous tire vers sa neurasthénie, à la fin du volume, si vous ne pensez pas à vous tirer une balle dans la tête, c’est que le goût de vivre est attaché à vous !

PAUL. Pour moi, quitte à me répéter, le maître incontesté du genre reste Jules Renard, à-travers son Journal. Au fil des jours, il vous assène  vérité sur vérité, une certaine façon de voir les choses et les gens, une manière toute personnelle, j’adore ! 

MARCEL. On devrait apprendre aux jeunes enfants à penser aphorismes…

GEORGES. Bien sûr, mais déjà avec les twetts ils manient ce genre de textes, 140 signes imposent une rigueur que les jeunes sont prêts à suivre.

PAUL. C’est une bonne discipline, c’est sûr.

MARCEL. Puis, il faut bien reconnaître que les gens dans leur ensemble n’ont plus tellement le temps de lire.

GEORGES. A part le temps passé dans les trains ou le métro, mais là, il y a les journaux gratuits, indispensables les journaux gratuits !

PAUL. Dans le temps où j’étais actifs, je lisais des nouvelles, du genre Carver ou mieux encore Bukowsky « Contes de la folie ordinaire », ce que j’ai aimé cette lecture !

GEORGES. C’est dire que depuis les gens ont encore moins le temps de lire !

PAUL. Au fond, c’est pas tellement le temps de lire qui leur manque, c’est la quantité de choses à voir, toutes ces images qui défilent sur tous les écrans et pas seulement des écrans de télévisions mais aussi des ordinateurs, tablettes, Smartphones,  le temps de lire se réduit comme peau de chagrin, n’est-ce pas ? Le temps  s’est rétréci ! Attention danger ! Quoiqu’on fasse les jours n’ont que vingt-quatre heures, pas une de plus !

MARCEL.
Sûr !

PAUL. Moi, ce que je fais, j’analyse le programme télé, jour après jour, émission après émission et invariablement, je trouve une soirée où rien de vraiment intéressant se profile, alors là, je prends la décision, avec ma femme, de ne pas allumer la télé ce soir-là et de consacrer cette soirée à la lecture, c’est toujours cela de gagné, non !

GEORGES. Sage résolution ! Mais on ne peut pas, pour autant, se passer de l’image. On y a pris goût ! Avec la 4G, vous imaginez ce que va devenir notre quotidien.

MARCEL. En fait, ça sera notre troisième main ! Comme greffée avec cet appareil indispensable. Jamais seul ! Le monde entre nos doigts, il pensera à notre place, il répondra à nos moindres envies.

GEORGES. Est-ce qu’il trouvera du travail aux jeunes ?           

PAUL. On peut toujours rêver ! Moi, j’ai vu des jeunes travailler avec un Smartphone planqué dans le creux de la main, tout en maniant l’outil de l’autre main. Ne jamais être débranché, sinon, c’est la mort avec le monde réel…

GEORGES. Pauvreté des mots mais richesse des images. Aujourd’hui, une déclaration d’amour, c’est autrement plus sexy que jadis, petite séquence filmée avec son appareil à 8 millions de pixels, musique suave accompagnant les photos de l’amoureux entrain de sauter à l’élastique du haut d’un pont au-dessus d’une rivière 60 mètres plus bas, c’est autrement plus excitant qu’une lettre bien écrite, certes, avec pleins et déliés, mais un peu « plan-plan », non ?

PAUL. Certes, c’est plus vivant, plus « dans le coup », comme on dit !


Trilogue
par Michel Ostertag
pour Francopolis janvier 2014




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Créé le 1 mars 2002

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