Qui perd la vie
N’en trouve pas une autre.
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Qui tue le temps
Ne sauve pas l’éternité.
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Mieux vaut marcher qu’attendre la voiture
Et les premiers arrivent toujours seuls.
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Gémissement des marches
Quand personne ne monte
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L’oiseau qu’on tire à la volée
Laisse dans les nuages
Le début de sa mort.
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Chaque minute
Diminue
Ce qui me reste
De la vie.
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Un oiseau quand il a fini de chanter
Ne se retourne pas sur la peine qu’il a voulu dire,
Mais un homme, écroulée toute la cendre du poème,
Doit remuer longtemps les mots qu’il a brûlés.
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Tirés de Les armes
prohibées, Robert Lafond
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LES APHORISMES
DE MICHEL OSTERTAG
Il parlait en points de suspension.
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Il avait l’art de dire tout haut ce que les autres ne pensaient pas
tout bas.
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Elle n’ouvrait jamais son parapluie de peur de faire mal aux gouttes de
pluie.
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Il y a des mots qu’on devrait mettre en prison pour mauvaise
fréquentation.
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Chaque recoin de son corps était un nid d’amour.
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Je crois qu’un livre pèse plus lourd quand on l’a lu.
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(aphorismes inédits)
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LES
APHORISMES DE THOMAS VINAU
Le bruit de la rivière marque le temps qui passe.
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Le jour est un rouleau qui s'écrase vers la nuit.
Il aplatit jusqu'au sommeil l'idée d'une quelconque
nécessité.
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Il n'y a que l'amour qui dessoude les paupières.
Pour voir il faut aimer.
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Entre les ailes des libellules,
Entre la mousse et le galet,
Dans le ventre vert d'un ruisseau,
Au fond des cuisses d'un fossé,
Le rire de l'eau sur les pierres qui répond au chant des oiseaux
devient une langue accessible,
Et pour quelques secondes au moins,
Du bout des gros doigts boudinés de sa pensée,
L'homme cultive l'illusion persistante
D'être à sa place dans le monde
comme une grenouille sur son roseau.
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Le détail est une maison
Au fond du minuscule.
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Entre la roche et le serpent
caché sous les plumes d'un oiseau
habite le secret.
C'est un palais immense
à l'abri du vacarme
qui donne à la lumière la couleur de tes yeux.
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(aphorismes inédits)
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LES
APHORISMES DE ROBERT SABATIER
Parfois les écureuils font tourner une sphère;
Leur supplice est celui des maux perpétuels.
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Pardonnez-moi d’être ce que je fuis.
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Le temps s’en va comme un bernard-l’hermite
De sa coquille à celle qui n’est pas.
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Le mot n’est que l’esprit qui saura l’inventer.
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Le cœur du roc fermé sur un brin d’herbe
Cache le jour aux géants qui l’observent.
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L’homme va seul et serrant dans sa gloire
Une planète, un vieux ballon d’enfant
De peur qu’il roule au fond de sa mémoire.
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Tirés de Dédicaces
d’un navire, Éditions Albin Michel
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