Billet d'humour -aphorismes-pensées
Ici dire vaut mieux que se taire.
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DÉCEMBRE 2011

Prononcer vingt-cinq aphorismes par jour et ajouter- : [Tout est là]
(Jules Renard)


par Aaron de Najran


GLANURES de Léo Ferré -  BENOIT MISÈRE - II
recherche Lilas

Sentir …

On n'a que les odeurs qui s'inventent à nous par hasard.

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Le sens de l'odeur ne s'apprend qu'à l'occasion de choc, tel celui de la fumée du train, de la couleur verte de la mer (…)

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La terrifiante entreprise de sentir… J'ai toujours accédé aux odeurs généreusement. Je laissais partir mon nez au-devant de moi, mais avec une souveraine lucidité qui me glaçait et dont le compte exact était tenu par ce qu'il me restait justement d'intelligence comptable parmi tant de fièvres de secousses, d'inventions sucrées ou acides, parmi toute cette montée divine ou sordide aussi, que les odeurs vinssent du froid ou de l'abject. Le chaud est toujours abject, je n'aimais que les odeurs froides :
l'air, un soir d'hiver, quand le rasoir de bise vient échancrer votre foulard et qu'on se retient de respirer, pas tout à fait, juste de quoi humer cette virginité de la nuit. 26

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Les hérétiques sont d'abord des olfactifs allergiques à l'odeur sacristine. 30

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J'écoute le chant Grégorien avec mon nez. Même dans la musique, ma terreur se tapit et s'informe: Quel mode ?  Le troisième, Authentus Deuterus, le Phrygien, de mi à mi, cinq heures de l'après-midi, l'aumônier regorgeait d'ail ; l'encens  brûlait tout (…) L'ail à l'encens : mon premier chagrin de musique !

***


                                                    La musique …


 La musique est secrète comme l'âme. Aujourd'hui, sur la place publique, elle est une putain. (105) 


La musique d'église est entre deux sexes.

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La guerre s'écrit aussi en cellules rythmiques. Dans les temps de guerre, alentour des nids de fers, certaines mitrailleuses sont dactyles. ( …) La guerre est poétique à l'oreille ; elle frappe une musique de mort. 46

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Tout est rythme. 45

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La vie n'est qu'une suite d'iambes et de trochées, compliquée çà et là de dactyles et d'anapestes. 44

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La première fille que j'ai baisée sur la bouche devait être  en si bémol. Je ne la revis jamais.

***


Des hommes et de leurs choses

IL me semble que l'on naît aux environs de la quarantaine, le cheveu avare, la dent creuse, le sexe oblitéré. 207

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L'homme est Sisyphe. Il remonte le caillou en jurant bien que c'est la dernière fois. Moi, je suis toujours redescendu vers de suspectes informations. Je ne m'en suis jamais retourné qu'ignorant et prêt à vouloir  franchir l'obstacle à nouveau et toujours arrêté au seuil de l'inconnaissable tristesse. Originel … cela doit voir dire quelque chose, originel ! C'est un mot de brouillard  que j'aime et qui m'effraie. La vie tient dans un spleen liquide. Nous sommes noyés. 185

*
Les pires choses prennent toujours leur commencement par les yeux. On regarde son malheur d'abord, avant de le prendre, on y percute, on s'y laisse aimanter. Le désespoir, à regarder, est d'une beauté farouche, il s'y mêle des couleurs et c'est toujours dans les ciels crépusculaires, qu'il gît, qu'il se terre, qu'il se pourlèche avant de foncer sur la tête des hommes. On le reçoit comme l'eucharistie, la gueule démesurée, avec cette joie sadique du malheur dans la solitude qui est un des fondements de l'anarchie. 146

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Le bonheur des malheureux se trouve toujours derrière la vitre. 62

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On ressemble toujours à n'importe quoi quand on est malheureux. 184

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Le sublime est parfois l'enfant du malheur.

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L'hiver, c'est souvent l'unique saison de l'âme. Tout au long de l'année, l'âme est gercée et rien n'y fait, ni la musique, ni les couleurs du temps, ni le maïs du ciel.

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Les insectes vont vers la lumière, les hommes vers les sous. 55

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Les actionnaires, ces techniciens du courage tapi derrière les catastrophes…

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L'âme humaine, quand ça pue, c'est pire que tout car on ne la sent pas… C'est comme les microbes : elle travaille en dessous. 151

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Les ordures, ça ne se noie jamais, ça surnage.
C'est ce qui fait l'écume de la société.

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Les soleils quand ils se couchent rougissent. Les hommes aussi, quelquefois, quand la honte leur délace les souliers…

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Le savoir-libre n'est pas être libre, c'est beaucoup plus fort, c'est la certitude momentanée que le monde ne vous est pas hostile, qu'on l'accapare. 231

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Les femmes fidèles trompent leurs maris avec les histoires des autres. Ce sont les aventurières des potins. 72

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On devrait penser à protéger le droit moral de l'enfant comme l'on a pensé à protéger le droit moral de l'artiste créateur. Les enfants aussi sont des créateurs dans leur genre : ils font l'insouciance … et c'est primordial l'insouciance …

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Les enfants qui jouent dans les rues, sait-on jamais à quoi ils jouent… 115

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Les jeux de l'enfance sont les jeux de la mort. 207

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La première éjaculation d'un môme est le premier signe de la mort. 146

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C'est sinistre les enfants concierges, c'est pire que les vieux parce que c'est vieux sans  les rides, un peu de cette cire humaine qui fait vomir. 239

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C'est bizarre les prénoms, c"est un peu de la poésie des braves gens qui s'arrête devant le nom de famille, celui avec lequel on va voter. Avec le prénom, on rêve, on est l'autre. 79

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Les retraités ne se reposent pas : ce sont les employés de la mémoire.

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Les objets dont l'homme use journellement - la cane, la pipe, le chapeau, le canif- ont tendance à dépasser leur propre définition et à devenir autre chose, un membre supplémentaire. 56

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La pipe favorise la dialectique, à la Sorbonne ou au jeu de boules. 58

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C'était déjà un collectionneur. Les lunettes aidant, il portait une fouine sur le visage, une fouine à manger de la culture. 106
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…un être médiocre qui ne lisait que les livres reliés. La valeur du livre, pour lui, était proportionnelle à son poids. Il avait un vernis de culture, comme un bouillon. 231

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Je ne suis pas bibliophile. Les livres ne m'ont jamais intéressé qu'en raison de leur densité d'âme.

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L'indifférent est un enfant aux cheveux gris : juste ce qu'il faut pour savoir, juste ce qu'il faut pour imaginer. 247

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La rue protège le cœur et le derrière des petites filles. 109

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L'apprentissage de la rue forme les ouvriers spécialisés de la vie. 107

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La crasse protège des intempéries et  conserve l'intelligence dans une sorte d'hébétude qui facilite le commerce avec les imbéciles.

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La laideur a un charme, comme une drogue, elle est inexplicable.

*
Le sublime est parfois l'enfant du malheur.

Les graffitis sont l'écriture du désespoir, ils sont la langue et le style du pauvre, ils sont aussi la poésie des gosses….. les murs sont des confessionnaux et la pierre bénit sans contraindre.

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L'anthropomorphisme n'est pas une vaine manie : les nuages, les pierres, le papier peint, fixés au-delà de l'utile et de l'agréable, semblent changer de destination, prennent des formes  qui nous menacent parce que ce sont toujours des formes d'homme. Les choses ont des têtes qui nous regardent, les solitaires le savent bien. 129

*
La laideur a un charme, comme une drogue, elle est inexplicable.



Et pour terminer, délions la gerbe
Ces phrases insolites ou innocentes
Orgueilleuses ou humbles, simples
Regards éveillés ou percées visionnaires…





Et si nous n'étions que des images, si notre âme n'était, en réalité, qu'une fonction mnémonique? Nous avons vécu il y a bien longtemps et nous revivons aujourd'hui un passé enfoui.

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La dernière philosophie sera celle de l'illusion.

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Le destin ou le hasard sont un peu les bretelles de la pensée : dès qu'on en relâche les fils toute idée se détruit, tout raisonnement se désarme. Le monde ne tient qu'à une illusion. 101

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Un jour, à trois cent mille kilomètres à la seconde, nous remonterons le temps.

                                                                                           
                                                                             LEO FERRE, BENOIT MISERE
                                                                             Editions La Mémoire et la Mer



Vous découvrirez dans ce livre, quasiment autobiographique, et le seul "roman" qu'ait écrit Léo Ferré, son enfance, animée de personnages pittoresques, puis son terrible exil dans un pensionnat religieux qui lui fit connaître souffrances et haines.
Indispensable pour tous ceux qui aiment les poèmes et les chansons de cet admirable poète, l'un des plus grands du 20ème siècle, et musicien compositeur au talent reconnu de tous.

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Glanures de Léo Ferré II
recherche Lilas
     pour Francopolis décembre 2011
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Créé le 1 mars 2002

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