http://www.francopolis.net/images/humeurtitle.jpg

Billet d'humour -aphorismes-pensées
Ici dire vaut mieux que se taire.
.. 

ACCUEIL

ARCHIVES: APHORISMES

 

SEPTEMBRE - OCTOBRE 2019



La vieillesse est un exil…

 

par Michel Ostertag

 

*La vieillesse est parsemée d’exils successifs ; de renon­cements quotidiens ; de petites morts sans impor­tance ; d’abandons de volonté au jour le jour ; de mise en pointillé de sa vie, à chaque heure, pour des riens, des désirs inassouvis ; des paroles qui ne peuvent plus se prononcer ; des rires étouffés ; des pleurs qui mouil­lent trop sou­vent des yeux si fati­gués.

Plus rien ne sera plus comme avant, le temps a dévoré le temps, l’écume des jours a disparu, la volonté de changer sa propre vie devient fantôme parti dans les cou­lisses

 

*Un instant d’exil, comme une cicatrice portée à même le cœur, au fond de l’âme, depuis l’enfance, recouverte par les linges du passé, un peu comme un bien reçu en héritage, trans­mis de génération en génération, sorte de viatique à usage interne, jamais évoqué, jamais montré et que l’on porte en soi tantôt comme un fardeau, tantôt comme un bien pré­­cieux : l’exil est en nous et seuls certains mesurent le poids de cette connaissance.

Jour sombre où pour la première fois on s’aperçoit de cette chose inattendue, cette cicatrice visible de nous seuls et qui deviendra, au fil des jours, comme notre passeport, notre marque d’une nouvelle identité.

 

*L’indifférence d’un regard vous cloue au ban de l’exil ; le temps d’une question restée sans réponse ; d’un refus de vous écouter vrai­ment ; d’ignorer vos dolé­­ances ; d’une souf­france non partagée et subite­ment vous voici plon­gé dans cette sensation désa­gréable d’être pour les autres un étranger, un exilé et c’est comme cela dès cet instant et pour un long moment de dépression…

Sensation bizarre de ne plus exister vraiment aux yeux des autres ; fatal dédoublement de soi ; questionnement insoutenable sur sa propre identité, sa propre existence.

 

*Minute d’intimité telle qu’en nous-mêmes elle se forme, roule en cascade, s’insinue dans nos fibres, nos tissus : poison à chaque minute plus virulent et qui finit par obscurcir toute lumière et jeter en notre esprit le voile noir de l’abandon de soi.

Minute prise à son propre temps, comme une petite rupture que nous nous offrons entre deux fracas de la vie, entre lumière et ombre, entre soi et soi.

  

*Au vent des grands équinoxes, l’exilé à toute sa place, sa marque est de même taille, même mesure, même destin. Ô exilé en toi autant que dans les autres.

Ton exil est incessamment effacé, mais sans cesse renaissant.

Ta marque d’exilé est ta marque d’aristocrate, ton titre de noblesse, ton manteau pourpre, Seigneur à la tiare disloquée, aux chants du désespoir, tu apporteras ta voix.

Ton passage laissera une trace dans les esprits de ceux qui t’auront connu ; ton message sera le leur ; ta voix ressemblera à la leur ; ton angoisse sera de même nature, mais ton espérance sera sans limites et ta gloire sera tout intérieure.

Gloire à toi, mystique du verbe ? Tu sais l’art de la dissimulation pour mieux atteindre à la vérité des choses.

  

*Exilé de nulle part ou bien d’ici, du Nord ou du Sud, ta voix est porteuse de plus larges hori­zons, de pensées sans limites, ton com­portement peut déranger, ta poi­gnée de main n’a pas la même trajectoire que celle des gens d’ici, mais n’importe, tu sauras recouvrir la cica­trice de ta vie d’avant d’un nuage de tris­tesse qu’on prendra pour de la mélan­colie. Mais toi, tu sais la vraie nature de ton mal…

N’évoque jamais à voix haute tes tourments et tes inquiétudes ; secret sur ton passé, ignorant de ton avenir, toi seul sais qui tu es et d’où tu viens.

 

*Nous portons tous en nous une part d’un exil qui nous est propre. Parisien en province ; provincial à Paris ; ici nous nous sentons exilés de la vie que nous menions là-bas : jamais tota­lement ici, pas davan­tage ailleurs.

Qui sommes-nous vraiment pour n’être jamais tota­­lement heureux ?

Notre jeunesse alimente ce sentiment d’exilé qui nous donne ces instants d’absence et qui feront le charme de la vieillesse.

Dit-on !

La part de cet exil que nous portons tous en nous depuis la naissance jusqu’à notre mort, gardons-la comme un trésor vivant, un diamant à nous seul connu.

 

*Devenir vieux dans sa tête comme dans son corps ; manquer à l’appel au petit matin blême des mouvements de troupes ; perdre son attention aux propos sans importance ; man­quer de dis­cernement et confondre l’un pour l’autre, le bon et le mauvais, le subor­donné et le prin­cipal ; devenir petit à petit un exilé de soi-même, un étranger pour soi, à son corps comme à son âme, une sorte d’inter­mittent, oui, c’est cela, nous sommes deve­nus un « intermittent de la vie » ! C’est cela vieillir !

Couvre-toi le visage du linge de la probité et de la sagesse que t’offre le grand âge, celui du bout des ans, des derniers quarts d’heure, juste avant le coup de sifflet final.

Deviens une ombre transparente aux yeux des autres pour mieux renaître dans le sou­venir de ceux qui t’ont connu.

 

 

©Michel Ostertag

     pour Francopolis – septembre-octobre 2019

 

 

Accueil  ~  Comité Poésie  ~  Sites Partenaires  ~  La charte  ~   Contacts

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer