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Billet d'humour ou ballade d'humeur
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que se taire...

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Billets humeuristiques - archives

 

 

HUMEUR

Paris en pointillé

(suite, 2)

par J. Fleuret

 

Je me souviens de ses rues, ses monuments, squares et impasses, ses lieux où vécurent des hommes connus dans l’histoire, je me souviens…

 

13

Je me souviens du quai Henri IV, du monument dédié à la 1re Armée française. La plaque est immense, un long texte est gravé et, de chaque côté, des cartes d’État-major expliquent ce que fut cette page d’histoire : « Aux soldats de la PREMIÈRE ARMÉE FRAN­ÇAISE qui, devant l’HISTOIRE ont payé le PRIX DE LA LIBERTÉ… » Discours de Charles de Gaulle du 23 avril 1968. De plus, ce monument est éclairé la nuit par des projecteurs ce qui le rend féerique…

 

14

Je me souviens du n° 151 de la rue du faubourg Saint-Antoine : un moment crucial de l'histoire de ce quartier, je veux parler des journées de décembre 1851. Le député Alphonse Baudin (1811-1851) fut tué ici, le 3 décembre 1851, sur une barricade en montrant comment un député « se fait tuer pour 25 francs par jour » On peut lire la borne explicative au coin de la rue.

Lors du mouvement insurrectionnel provoqué le 2 décembre 1851, par le coup d’État du prince Napoléon, une barricade avait été dressée ici par les ouvriers de la rue Sainte-Marguerite, auxquels s’étaient joints plusieurs députés, parmi lesquels Baudin, représentant de l’Ain à l’Assemblée législative de 1849. Alors que Victor Schœlcher accompagné de plusieurs députés sans armes s’en allaient au-devant d’une compagnie du 19e de ligne qui venait de la place de la Bastille dans l’intention de parlementer avec les soldats, des ouvriers se moquèrent de ces représentants du peuple en disant : « Croyez-vous que nous allons nous faire tuer pour vous conserver vos vingt-cinq francs par jour » Baudin, un drapeau à la main,  monté sur la barricade les regarda fixement et leur dit : « Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs ! » C’est à ce moment-là qu’une balle, partie, on ne sait pourquoi, de la barricade, blessa un soldat du 19e de ligne. Ses camarades répliquèrent aussitôt furieusement, et Baudin tomba, mortellement blessé. Il avait juste quarante ans. Ses restes furent déposés au Panthéon, en même temps que ceux de Sadi Carnot.

15

Je me souviens de la statue d’Henri IV, la première statue équestre élevée à Paris.  A la Révolution, elle est envoyée à la fonte et ses morceaux jetés à la Seine. La statue actuelle date de 1818, c’est la restauration, c’est le règne de Louis XVIII.

 On plaça dans le corps différents documents comme L’Henriade de Voltaire en deux volumes ; une Vie d’Henri IV, le récit  du retour de Louis XVII, les traités de paix de 1814 ; des pièces de monnaie et des médailles.

16

Je me souviens du Pont-Neuf emballé par Christo, en septembre 1985.  Christo a assuré que cela ne coûtera pas un sou aux contribuables français. Tous les frais sont à ma charge. J'ai refusé tout mécénat, toute aide officielle. C'est un principe dit-il.

 

17

 

Je me souviens de la rue Le Regrattier. Au n° 1, subsiste le souvenir de Louis Aragon avec son person­nage Aurélien : ici, il rencon­trera son grand amour dans le roman «Blanche ou l’oubli »

18

Je me souviens de la rue Budé au n°1 de la maison natale de Félix d’Arvers, auteur du fameux sonnet. Une plaque en relief montre le poète en buste. On se souvient tous de ces vers : « Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,/ Un amour éternel en un moment conçu : /Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire, /Et celle qui l’a fait n’en a  n’en a jamais rien su. »

19

Je me souviens de la rue de Saint-Louis en l’Île, au n°51, l’Hôtel de Chenizot. Son architecture rocaille est toujours saisissante. Son porche à bossages vermiculés dotés d’une tête de faune rehaussé d’un balcon en fer forgé soutenu par des chimères à l’aspect terrifiant. L’hôtel devint la résidence de l’archevêché de Paris Mgr Affre. C’est d’ici que le 25 juin 1848, il se rendit place de la Bastille avec le désir de s’interposer entre les troupes et les insurgés. Il était sur le point de réussir sa mission de paix quand, malheureusement, une balle tirée d’une fenêtre lui brisa les reins. Il devait mourir deux jours après.

20

Je me souviens de la rue de Jouy, à l’angle de cette rue et de la rue de Fourcy de la plus ancienne enseigne en pierre de Paris : « Le Rémouleur » Elle était autrefois peinte. L'originale est conservée au musée Carnavalet. À l'origine, elle était située à l'angle de la rue de l'Hôtel-de-Ville et de la rue Nonnains d'Hyèren.

21

Je me souviens du boulevard Beaumarchais, à l’angle de la rue Saint-Claude, au n°1, l’hôtel de Cagliostro. En 1785,  Joseph Balsamo, comte Alexandre de Caglio­stro(1743-1795) loua cette demeure.  Après avoir parcouru l'Europe au nom d'une loge maçonnique mystique, il connut à Paris un immense succès pour ses talents de guérisseur et sa pratique des sciences occultes. Il prétendait changer tout métal en or, le chanvre en soie…

De plus, il affirmait qu'il avait connu le roi François Ier et surtout qu'il guérissait les malades. Le cardinal de Rohan fut un de ses premiers admirateurs, il faut dire que Cagliostro le guérit de l'asthme. De plus, il lui offrit un diamant qu'il avait fabriqué devant lui et dont l'estimation qui en avait été faite était de 25 000 livres. Le cardinal lui demanda, l'année suivante de venir au chevet du  maréchal de Soubise qui souffrait d'un commencement de gangrène. Son arrivée à Paris fut des plus médiatiques, dirions-nous aujourd'hui, il fit distribuer par des colporteurs son portrait aux Parisiens, ainsi il attira dans son salon une foule considérable; on dit que son salon ne désemplissait pas de 5 heures du matin à minuit. Ses remèdes étaient composés de tisanes, de bains, de gouttes dont lui seul connaissait la compo­sition.

Comme on savait qu'il était étroitement lié au cardinal de Rohan – compromis dans l'affaire du Collier de la Reine –  il comparut au tribunal  en 1786 et fut acquitté. Le soir de son acquittement, son retour ici même fut un véritable triomphe : dix mille personnes l'attendaient avec des fleurs. Des sérénades furent chantées, des vers déclamés, mais le lendemain, on lui signifia de quitter la France. Une fois retourné en Italie, il y fut condamné à mort pour cause de franc-maçonnerie. En 1791, sa peine fut commuée en détention perpétuelle. Il mourut quatre ans après.

Son vrai nom était Joseph Balsamo. Il vécut d'escroqueries, il exerça ses coupables activités en usurpant de faux testaments. À 27 ans il épousa une jeune romaine de 16 ans, très belle et assez riche, fille d'un fondeur de métaux. Il dilapida sa dot en voyages à travers l'Europe. Son hôtel rue St-Claude reçut des personnes du monde de la finance, de l'épée et de la robe comme le comte de Vergennes, ministre des Affaires étrangères, le marquis de Miromesnil, garde des Sceaux, le marquis de Ségur et le cardinal de Rohan qui venait ici trois ou quatre fois par semaine. Une fois au courant de l'affaire du collier de la reine, Cagliostro se montra des plus perspicaces et incita le cardinal à aller au plus vite tout avouer auprès du roi de France, mais malheureusement pour lui, il ne suivit pas ses conseils et le cardinal eut à répondre de ses actes devant la justice.

22

Je me souviens de la rue Éginhard et de sa fontaine tout au fond, mais surtout de l’atmosphère qui se dégage de cette toute petite rue du 4e arrondissement. En effet, sur le côté, à l’intérieur d’une cour fleurie, une stèle rend hommage aux victimes juives d’une rafle pendant l’occupation. Cette rue faisait partie du ghetto juif de la capitale.

23

Je me souviens du n°29 de la rue Quincampoix, un décor en trompe-l’œil cachant l’ouvrage de ventilation édifié par « la Société d’Économie mixte et d’aménagement des Halles. » Le décor a été peint en 1976 par Fabio Retri.

C’était « une première » dans Paris, je me souviens de la surprise des Parisiens quand ils ont vu ce décor…Les gens s’agglutinaient devant et restaient ébahis…

24

Je me souviens de l’emplacement de l’ancienne prison Mazas, juste devant la gare de Lyon, La prison occupait toute la zone entre les rues de Lyon, Traversière ; l’avenue Daumesnil et la rue Legraverond, soit 130 hectares. Commencée en 1845, elle fut terminée en 1850.

Son principe était la prison cellulaire. Cette prison devait remplacer l’ancienne prison de la Force qui fut démolie la même année. Cette prison comportait 1199 cellules distribuées  en six corps de bâtiments réunis les uns aux autres autour d’un bâtiment en colonnes dont le rez-de-chaussée formait comme un poste de surveillance avec vue sur chacun des six bâtiments périphériques.

Les cellules mesuraient 2,60 m de haut sur 1,85 m de large et 3,85 de long. Le plan­cher était en briques.  Le mobilier était composé d’un hamac suspendu à des crampons à 50 cm du sol, une table, un tabouret en bois, d’un bidon à eau, de deux gamelles en fer battu, d’un siège d’aisance inodore à ventilateur, d’un bec de gaz et de quatre supports en bois placés aux angles. L’air chaud, en hiver, était distribué par ventilation, de même en été avec de l’air frais. Inaugurée le 19 mai 1850, ce jour-là, elle reçut les 841 prisonniers alors détenus à la prison de la Force.

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte fit son coup d’État et fit enfermer  les députés de l’opposition comme Odilon Barrot, Berryer, le duc de Broglie, Falloux, Casimir-Perier, le duc de Luynes, Raspail et tant d’autres. Victor Hugo, en s’enfuyant échappa à l’arrestation.

On notera que jamais personne ne s’échappa de cette prison. Cette prison fut démolie en 1898. En vue de l’Exposition Universelle de 1900, il avait semblé que les touristes descendant du train à la gare de Lyon n’auraient pas goûté cette promiscuité… La prison Mazas fut remplacée par la prison de Fresnes.

Cette prison inspira nombre d’auteurs de chansons. Je voudrais citer le principal, Aristide Bruant, dans une chanson célèbre intitulée

À Mazas

Pendant qu't’étais, à la campagne

En train d'te fair' cautériser,

Au lieur cd' rester dans mon Pagne,

Moi, j'm'ai mis à dévaliser,

Mais un jour, dans la ru' d'Provence,

J'me suis fait fair' marron su' l'tas,

Et maint'nant j'tire d'la prévence,

A Mazas

C’est en dévalisant la case

D’un' gerce, un' gironde à rupins,

Qu'on m'a fait avec Nib de naze,

Un monte en l'air de mes copain.

Faut y passer, quoi ! c’est not’ rente

Aussi, bon Dieu l j'me plaindrais Pas

Si j'avais d'quoi m'boucher la fente,

A Mazas.

 


©J. Fleuret - décembre 2017

 

1ère partie : novembre 2017

 

 

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Créé le 1 mars 2002

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