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Billet d'humour ou ballade d'humeur
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Billets humeuristiques - archives

Aglaé - Michel Duprez - Michel Ostertag...  et plus

 

 

HUMEUR

Cinq fables
par Michel Ostertag


Le chat trop zélé

 

Un matin d’été, un couple de mes voisins a recueilli un bon gros matou de couleur blanche qui était en déshérence, ils le virent arriver du fond du jardin et sans crainte ni peur se présenta à eux en leur caressant les jambes, le dos bien rond et le ronron assuré. Touchés de tant de gentillesse, ils lui donnèrent à boire et à manger et un coin dans la chaufferie de leur maison.

Le bon gros chat ne se fit pas prier et accepta l’hospitalité. Tout en gardant sa totale liberté, pas question pour lui de rester sagement assis aux pieds de ses nouveaux maîtres : il lui fallait vaquer à ses affaires, de nuit comme de jour. Et c’est le soir tombé que ses maîtres le virent revenir avec à la gueule un lézard qu’il venait tout juste d’occire.

Et tous les jours suivants, ce fut le même manège : qui une souris, un rat, un mulot, une clef de Saint-Pierre et quelquefois un oiseau… aucune de ces pauvres bêtes ne réussirent à trouver grâce devant lui.

Les maîtres n’aimèrent pas cette façon de faire, d’autant que l’animal n’était jamais mort au premier instant, le chat s’amusait de lui jusqu’à sa dernière extrémité. Ainsi, il se montrait par trop cruel et les maîtres, au fil des jours, n’aimaient pas cela, de moins en moins.

Chaque jour, ce fut identique démonstration de son talent de chasseur, au point qu’il lassa tellement ses bons maîtres que ceux-ci décidèrent de le donner à un ami lequel voulait se débarrasser des souris qui envahissaient son grenier.

 

Trop de zèle finit par lasser le meilleur des hommes. Dispensez votre talent à petites doses, ne vous montrez jamais sous un jour trop rutilent, mettez-vous sous la lumière le temps nécessaire à vous faire con­naître et sachez vous retirer avant que l’on vous précipite en bas de l’estrade.


 

 

Crime de lèse-liberté

 

Par ces temps de grand froid, à Paris, deux clochards souffraient de froid et de faim.

Le SAMU social s’intéressa à eux. Leur apporta une gamelle de soupe chaude, les incita à venir au foyer passer la nuit, à l’abri des intempéries. L’un des clochards accepta de monter dans le car tandis que l’autre refusa tout net. Il préférait rester là, sous ses cartons au risque de mourir de froid, au nom de sa liberté, il s’exprima ainsi.

On le laissa.

Le lendemain, on le retrouva mort de froid, raide comme une planche.

 

« Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »

 

 

 

Bavardages animaliers

 

Le serpent dit : je suis le plus venimeux des animaux, j’apparais et ce n’est que méfiance alentour. Le chat dit : je suis le plus doux et le plus tranquille de tous, plus discret que moi n’existe pas, mais je sais tout à loisir griffer et mordre. Le crocodile dit : dans les rivières, je suis le plus féroce qui soit, personne ne me résiste. L’éléphant dit : ma corpulence en impose à tous, je marche un peu vite et la terre tremble pendant longtemps. L’oiseau dit : vous autres ter­riens, vous m’amusez, je m’envole et me voici aussitôt loin, très loin de toutes ces petites mesquineries. Le guépard dit : je suis le plus rapide de la savane et le plus féroce aussi, à la course, je ne crains personne.

Et le lion dit : je suis le roi des animaux et n’oubliez pas que je peux le prouver sur-le-champ. À ces mots tous les animaux s’enfuirent sans demander leur reste.

 

De même, dans notre beau pays, souvent réputation vaut diplôme.

 

 

 

Les deux sœurs et les deux cousins

 

Deux sœurs vivaient en parfaite harmonie, l’aînée avait précédé la cadette de deux ans à peine et elles furent élevées par la même mère. Pourtant, leurs caractères étaient foncièrement différents. Autant l’aînée était d’une douceur angélique, n’élevant jamais la voix, toujours prête à rendre service, sérieuse à l’école, aimant avec dévotion son père et sa mère, autant la cadette faisait montre d’un caractère entier, prenant la mouche pour un oui pour un non, refusant d’étudier quand la matière n’était pas à sa convenance, n’hésitant jamais à refuser un ordre de sa mère sous prétexte qu’il ne lui convenait pas

La même année, le hasard fit que les deux sœurs tombèrent amoureuses de deux jeunes garçons, rencontrés en vacances, deux cousins germains, dotés chacun de solides diplômes d’ingénieur. Le mariage ne traîna pas et voici nos deux sœurs mariées aux deux cousins.

Issus de la même école, leurs caractères se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Attentionnés et timides, ils ne se faisaient remarquer en aucune occasion.

L’aînée des sœurs trouva en son mari le compagnon idéal, leurs deux âmes se conjuguaient à la perfection, à certains égards, ils semblaient en totale harmonie, un peu comme frères et sœurs. Quant à la cadette, elle trouvait son jeune mari trop timide, trop effacé et elle s’empressa de le modeler à sa façon, de le stimuler, de lui mettre dans la tête des envies de grandeur. Étant donné ses capacités de technicien, ses compétences d’ingénieur, elle n’eut de cesse qu’il montât sa propre entreprise. Ce qu’il finit par faire, deux ans à peine après leur mariage.

Quant au mari de l’aînée, il trouva un emploi dans l’administration, en qualité d’ingénieur des travaux publics.

Les années passèrent tranquillement pour l’aînée et son mari, seuls quelques déplacements en province égayaient la monotonie de leur vie ; ils se devaient d’être sérieux : les cordons de la bourse desserrés avec parcimonie. Il ne s’agissait pas de faire des dépenses inconsidérées, seule la paie du mari entrait à la maison ; l’épouse avait trop d’occupations à élever leurs  deux enfants.

La cadette s’était à la longue empressée d’accompagner son mari dans cette aventure. L’entreprise prospérait ; elle travaillait avec lui jusque très tard le soir : les commandes affluaient et il fallait bien y faire face. Un enfant non désiré vint agrandir le foyer. Sa venue avait compliqué la vie du ménage, mais avec une aide, les choses purent s’arranger.

L’argent entrait en masse au foyer. Ils déménagèrent plusieurs fois et à chaque fois pour des maisons de plus en plus grandes et luxueuses. A aucun moment, l’aînée ne se montra jalouse.  Elle appréciait trop la qualité de sa vie de famille et le temps qu’elle pouvait consacrer à l’éducation de ses deux enfants. L’attention qu’elle prêtait à son mari, qui le lui rendait bien, la rendait pleinement heureuse.

Quand les affaires commencèrent à tourner mal, elle n’hésita pas une seconde à venir au secours de sa sœur. Elle eut de la peine quand elle vit que le couple vendait biens immobiliers et meubles afin de faire face aux multiples créanciers.

Ils durent déposer le bilan. Des poursuites avaient été entreprises à leur encontre. Ils mirent deux ans avant de voir leurs affaires commencer à se régler et pendant ce temps la vie du ménage s’était sérieusement détériorée : le fils faisait de mauvaises études, perturbé qu’il était de la situation de ses parents.

On parla de divorce : la cadette ne supportait pas cet échec.

L’aînée eut beau accorder toute sa tendresse à sa sœur  rien n’y faisait. Le mari de celle-ci se confessa à son frère, lui avouant qu’il ne s’était jamais senti vraiment dans la peau d’un homme d’affaires et qu’il enviait sa situation, plus modeste en apparence, mais tellement plus « humaine ».

 

D’une telle histoire, que pouvons-nous dire de plus ?

Qu’en aucun cas, il ne faut forcer le destin, la chose est évidente et pas nouvelle. Savoir bien s’accompagner d’un conjoint en totale harmonie avec son vrai caractère et ne pas écouter le chant des ambitions quand il ne vient pas de soi-même.

Apprendre à se connaître et le plus tôt possible est chose la plus importante de la vie.

 

 

 

Le marcheur impénitent et le boiteux

 

Un homme dans la force de l’âge aimait marcher. Chaque jour il parcourait plus de dix kilomètres par les champs et les bois. La fatigue n’avait pas de prise sur lui.

Mais à ne fréquenter que la nature, son caractère s’était aigri. Il vous saluait à peine quand on le croisait et, quand il franchissait la porte du bar du village, ce n’était que pour quelques instants, le temps d’acheter un paquet de cigarettes, de commander un petit verre de blanc sec, de répondre à une ou deux salutations et il disparaissait aussitôt. On ne lui connaissait aucun ami. Sa femme l’avait quitté depuis un bon moment. On ne savait pas de quoi il vivait, certains disaient qu’il touchait une pension d’ancien militaire.

À proximité de son logis, demeurait un boiteux qui avait grand peine à faire face aux travaux de sa petite ferme. Jamais le marcheur ne répondait à son salut que le boiteux ne manquait jamais de lui lancer quand il le voyait longer son lopin de terre, mais l’homme restait indifférent.

Ces deux hommes paraissaient vivre dans deux mondes opposés.

Un soir d’hiver, quand il faisait déjà nuit, le marcheur eut un malaise cardiaque, un peu au-delà du terrain du boiteux. Celui-ci venait juste de descendre de son tracteur quand il le vit tituber et s’effondrer sur le chemin. Il remonta aussi sec sur sa machine et se rendit sur les lieux. Le marcheur venait à l’instant de perdre connaissance. À cet instant et, malgré son handicap physique, il trouva la force de le hisser à ses côtés et de l’emmener jusque chez lui. Sa femme appela le médecin, les secours arrivèrent et on le transporta à l’hôpital de la commune où il fut sauvé.

 

Cette petite histoire mérite bien une double morale : Ne vous éloignez pas des humains, vos frères, cela peut vous gâter l’esprit, voici la première recommandation ; la seconde serait : ayez toujours à l’esprit qu’un jour, peut-être, vous aurez besoin d’aide et cette aide pourrait venir de n’importe qui, même de celui que vous n’aimez pas… Alors, soyons attentif à nos proches.




©Michel Ostertag - septembre 2017

 

 

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Créé le 1 mars 2002

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