Pal des néons désaltérant les pupilles,
comme à regret, la préhistoire du froid se laisse
exhumer, les sillons grésillent, dans la rougeur de
sa couche la gueuse lentement ajuste ses bas de soie, l’ordre
règne sur les coupoles des villes pâles, sangs
juste séchés, seuils et pitances, souches et
levées, le sens de l’Histoire et le sexe des anges
sont des questions toujours indécidables ; déferlantes
rances, rides et rites, brûlures, trafics, persévérance
de rouilles, griffures d’essors, baillements androgynes, l’aube
lourde de crues se fait plaisir toute seule, tu danses sous
le profil intact des flagellants, « now is forever »,
d’ailleurs tu n’iras pas, tu n’iras plus, laquelle des figures
de leurs retours l’emportera , tu t’en moques, sourire dépecé
à l’arme blanche( tu vis l’enfer des hommes, là-bas),
poignets alanguis sous le sort, sillages à cracher
sur l’anathème, ou le contraire, il neige déjà
sur la dernière de tes attitudes, toutes les bavures
du monde n’y feront rien, puisque toujours tu y est, avec
le mutisme de tes délits, l’autodafé de tes
transhumances, devant ces foules sans regard, ou presque,
enfin laissant faire les gestes las de l’écran qui
se farde, la nuit mordue aux lèvres jusqu’au blanc,
jouissant des trêves, des soudures, des plis de cire,
loin, si loin de leurs déserts licites, les parois
tremblent, le crime parfait enfin rôde sous les cernes,
demain n’est plus que l’urgence de cette proximité
à marteler, fauconnerie d’haleines buissonnières,
égarement de l’eau sous l’Image...
Chaque fois que tu y goûtes, tu te dis que c’est comme
si on sut qu’il fallait couronner tout ce qui en cette heure
te condamna, puis retourner le gant...Tout ce qui nous fut
volé ira vers qui te blesse, ces parfums d’arrière-garde,
l’énigme des saisons en leurs lisières, voisinage
de jasmin, de branches sèches...Toi, tu fermes les
yeux, coules en toi, aiguises à ta propre obscurité
ces leurres lucides, tends la corde du jour déssaisi
comme un arc pour toucher l’avenir et l’entraver ; mais il
n’y a pas de cible, rien en face à couper, ébranler,
tout croule comme cette ville de sable au premier assaut de
la pénombre, non pour s’y dissoudre, mais pour rejoindre
cet océan autre qu’ils appellent mémoire, dague
que l’instant n’a de cesse d’assourdir...
Une seule fois l’insaisi, l’inguérissable enfance,
une seule fois les plombs au flanc, TOUT dans la balance cette
seule fois, contre coutumes et poisons, les tournesols des
routes, les lents feuillages...
( Telle heure ivre, tu chassais les caravelles, déchirais
d’impatience tes pourpoints, ne rêvais que d’orties
et salamandres de tant pressentir qu’il y a trop de mots et,
qui sait, trop de choses...)
L’enfance d’aujourd’hui s’efforce dans ces
ténèbres à ressembler aux nuits d’hier,
redurcies – alors qu’en nous s’égare cette forêt
qui soudain croise tes arbres, des fruits rancuniers comme
des poings serrés, le silence aux pieds nus, les neiges
inverses, la parole jamais dite...
Le grand miroir tressé de l’air guérit tes dieux
du sommeil, du fiel et du fruit, de l’attente et de ses escortes.
L’aube qui se lève est-elle trop vaste pour le temps
qui reste ?
Nous t’avons retrouvé, fils des steppes, vivant en
ce pli des terres, démêlant l’absinthe, guettant
les Tartares, sachant déjà que toujours il te
faudra hériter, recommencer...