« La cinquième saison » est
son troisième livre, paru en 2003 à Bucarest aux éditions
Fundatia Culturala Libra, tout de prose courte, où se mêlent
le fantastique et l’imaginaire dans une double localisation spatio temporelle
roumaine et israélienne bien réelles. Le titre « La cinquième saison
» évoque déjà comme un mystère, puisque
le cycle du monde naturel compte quatre saisons, la cinquième est
celle plus secrète qu’il nous faut découvrir tout au long du
parcours de la lecture des dix-sept récits.
Dans ce livre, Madeleine
Davidsohn nous convie à un voyage dans chacune de ses nouvelles brèves,
un voyage où rêve, amour, espoir donnent un sens à la
vie, structurent un autre monde où les valeurs humaines prédominent
dans un ordre avant tout moral. Ses personnages à la vie et à
la trajectoire apparemment simples, au caractère doux, basculent à
un détour de l’histoire dans une autre dimension.
***
Le chat noir ( la suite... partie 2)
L’indien l’attendait.
Dans la cabane obscure, les sacs attachés par des ficelles étaient
alignés contre le mur. Quelques indigènes fumaient en silence.
Ils chargèrent la marchandise sur les mulets et ils se dispersèrent
ensuite. Un seul resta, adossé au mur du bas, attachant ses sandales,
une sorte de sandales faites de roseaux, pour résister durant les
longues marches. C’est lui qui devait les conduire.
- Les sentiers sont dissimulés et dangereux, dit l’indien. Il sera
ton guide dans la jungle. Et il désigna de la main l’homme appuyé
contre le mur. Il est habile, il connaît le chemin, néanmoins
il faudra faire attention. La police du Pérou nous fait des ennuis
à la frontière. Le lac Titicaca est tout près, ils arrivent
en barques quand personne ne s’y attend.
Ils partirent de nuit. Le ciel était nuageux et un vent froid soufflait.
Cela semblait incroyable qu’à une telle altitude, la terre fût
entièrement recouverte par de l’herbe verte. Chez lui en Russie, à
partir de trois mille mètres, les montagnes devenait sauvage, nues,
menaçantes. Ici, en Bolivie, à quatre mille mètres,
poussaient le maïs, les pommes de terre, et leurs dollars poussaient
dans les laboratoires de raffinage. De l’or pur.
L’obscurité était impénétrable. Les mulets marchaient
avec précaution, ainsi que les hommes. Le chemin était ardu,
plus rude qu’il ne s’y attendait. La sueur ruisselait sur son front, mouillait
sa chemise. Il aurait voulu s’arrêter un peu, mais le guide se dépêchait.
Il voulait se voir arrivé une fois pour toutes. La jungle diffusait
des miasmes empoisonnants et il était difficile de respirer. Maintenant,
il se maudissait en pensée d’avoir accepté. C’était
une mission au-dessus ses forces. Soudain le convoi s’arrêta. Un mulet
glissa, heurta un rocher et dégringola avec tous les sacs sur le dos.
Il poussa un hennissement aigu, qui lui donna l’impression qu’on l’entendait
au-delà de la montagne. Il l’abattit, priant pour que personne n’eût
entendu le coup de feu.
« Une véritable guigne », pensa Vova. De noires pensées.
Ils se mirent ensuite à charger les sacs sur le dos des mulets restants,
mais la tâche était au-dessus de ses forces. Un sac lui échappa
des mains, se défit, et la précieuse herbe se répandit
à ses pieds. La moitié de la quantité était pourrie.
Sans plus attendre, il contrôla également les autres sacs. Une
furie aveugle lui assombrit l’esprit. Ce maudit indien avait voulu le tromper,
il croyait pouvoir se moquer de lui, parce qu’il était jeune, sans
expérience, parce qu’il était nouveau dans ce pays. Il fit
le chemin du retour la nuit même. Il apparut à la porte de l’indien
à l’improviste et le tira hors de sa cabane.
Il se sentait malade à en mourir, le coeur empli de haine. La fièvre
obscurcissait son raisonnement. Une petite balle, rien qu’une seule petite
balle, lui apaisa les nerfs, châtia la tromperie. A ce moment, un hurlement
fendit la nuit et un animal sauvage lui sauta sur la poitrine depuis les
ténèbres de la cabane, le griffant et lui crachant dessus tel
un chat sauvage. « Un fauve » pensa t-il, puis il comprit. C’était
la fille de l’indien. Vova leva le revolver à hauteur de la tête
de celle-ci. Au dernier moment, il se ravisa. Il l’entraîna dans la
cabane, sur le lit étroit, recouvert d’une couverture colorée,
tissée à la main et revêche comme une brosse. Devant
ses yeux, tout était noir, la nuit était noire, et le visage
de la fillette de quatorze ans était tout aussi noir. Le lit gémissait,
encore maintenant il pouvait entendre le grincement dans ses oreilles, mais
elle restait immobile, presque sans vie. Avec un ricanement démoniaque,
il lui dit:
- Je t’ai tuée. A partir de maintenant, tu es comme morte. Tu portes en toi ma semence meurtrière.
Peu lui importait qu’elle comprît la langue. Maintenant qu’il s’était
vengé, il sentait son corps épuisé, sa tête vide
de toute pensée.
D’une voix menue, écorchant l’anglais, la fille lui cria en le regardant
avec des yeux brillants et en désignant sa poitrine de son doigt fin
:
- Toi mort ! Catote tuera toi ! Chat noir !
Il apprit plus tard qu’en espagnol, le chat se dit cato, et que c’était aussi le nom de la fille de l’indien, Catote.
- Que j’aie peur d’un chat ? quelle blague ! se dit-il en essayant de se
calmer, mais quelque part, dans son cœur, s’était nichée la
peur. Instinctivement, il évitait les chats toutes les fois qu’il
en rencontrait sur son chemin.
Avec le temps, il oublia. Puis, cela n’eut plus d’importance. La maladie suivait son cours et elle était impitoyable.
*
La station d’autobus était déserte. « Quel fou irait
attendre l’autobus à cette heure-ci et surtout par un temps pareil
? se dit Sima en laissant son sac à main sur le banc mouillé
pour regarder sa montre. Son horaire finissait à onze heures précises,
et elle ne pouvait jamais partir plus tôt. Son patron ne l’aurait pas
accepté, ne serait-ce qu’une minute. Elle avait la chance que l’autobus
n’arrivait jamais plus tôt. La firme en néon sur la façade
du bar où elle travaillait changeait alternativement de couleur, si
bien que la pluie se transformait en un rideau luisant, parfois rouge, parfois
bleu. Tout à coup, la femme tressaillit, apeurée. D’une clôture
toute proche ou peut-être d’une toiture, un grand chat noir aux yeux
phosphorescents tels deux phares, atterrit directement dans ses bras.
- C’est la pluie qui t’a fait peur ou tu attends, comme moi, l’autobus ? lui parla Sima, heureuse de la compagnie.
Le chat colla sa tête contre sa main, en minaudant, tandis que Sima
le caressait avec douceur. Finalement, l’autobus apparut dans le brouillard.
La femme laissa le chat sur le banc et monta avec précaution, évitant
les flaques qui s’amoncelaient sur le trottoir cassé. Le ronronnement
régulier du moteur, la chaleur dans l’autobus après le froid
du dehors, lui donnaient une légère sensation de torpeur .
Sima était orpheline. Elle ignorait qui avaient été
ses parents, s’ils étaient morts, ou l’avaient abandonnée.
Elle avait grandi à l’orphelinat. De temps en temps, certains ou d’autres
y venaient en visite, en quête d’enfants beaux, sages, éveillés,
et surtout blonds. Elle n’avait jamais fait partie de ceux qui étaient
choisis. Lorsqu’elle grandit, commença son éducation d’enfant
des rues, dans la banlieue de Tel-Aviv. Là, tous s’occupaient avec
de menus larcins, vagabondage, vol, en un mot, de tout.
Personne n’avait assez d’argent pour s’offrir une montre, un mouchoir en
soie, une pâtisserie, ni même un paquet de cigarettes étrangères.
Elle volait, elle aussi, bien plus pour se faire admettre dans leur société
que par conviction. Elle craignait les policiers.
« Je n’ai jamais été une vraie voleuse » pensa
Sima, en déroulant le fil de ses souvenirs, dans la tranquillité
de l’autobus. J’ai plutôt eu la guigne. «Şukul» (*le souk)
et la foule haineuse lui revinrent en mémoire. Dans sa tête,
résonnèrent à nouveau les cris hystériques de
cette grosse femme sentant le parfum bon marché, comme si elle avait
versé toute la bouteille d’eau de Cologne sur elle. « Attrapez
la voleuse ! attrapez la voleuse ! Police, appelez la police ! ». Sima
se figea avec le sac de la femme dans sa main. En fait, elle l’avait juste
ramassé pour le lui rendre, après l’avoir vu glisser de son
épaule. Mais à qui aurait-elle pu l’expliquer ? Le policier
l’avait tirée de l’endroit où elle restait figée et,
en un instant, sa main avait écrabouillé son nez, l’ensanglantant.
Sima tâta sa joue, sans le vouloir, soupirant amèrement à
ce souvenir. De l’orphelinat, elle changea alors pour la maison de correction.
Quand elle fut libérée, elle était pleinement préparée
pour la vie. Elle dégringola dans la misère, s’y enfonça
jusqu’au cou. Un espoir ténu, comme la flamme d’une allumette, dont
elle ne savait pas elle même d’où il lui venait, la maintenait
à la surface . « Qu’une fois, il m’arrive quelque chose de merveilleux.
» se disait-elle dans les moments de désespoir.
Elle connut alors George, « Jojo », comme on l’appelait dans
la rue. Elle avait quinze ans et tomba amoureuse de lui, le roi du quartier.
« L’autruche rouge ». Le nom lui venait d’un oiseau, une autruche
en bois peint, fixé par des clous au seul arbre du quartier. «
çà c’est notre coin de vie à nous », disaient
les habitants de l’impasse, par dérision. Jojo était grand,
fort, il avait les yeux noirs, brillants et une crinière de cheveux
bouclés, qui le faisait ressembler à un jeune lion. Quand il
la demanda en mariage, Sima pensa que le miracle s’accomplissait. «
Je suis à lui ! », et Sima se souvint combien elle avait été
naïve le jour de ses noces. « Il me protégera contre tous
les ennuis. Je suis à lui. » Mais hélas ! Comme elle
se trompait terriblement. A vrai dire, elle était à lui, mais
aussi à beaucoup d’autres qui payaient bien pour les charmes de la
femme-enfant.
L’autobus avançait maintenant rapidement. Les trous et les ruelles
de la banlieue étaient restés en arrière. Ils passaient
dans des quartiers propres, aux maisons avec des jardins. Les gouttes de
pluie coulaient sur la vitre, en formant de longues traces sinueuses. De
ce fait, dans son esprit, les souvenirs se dessinaient de plus en plus clairement.
C’était encore par un jour pluvieux. Ses bottes usées glissaient
dans l’argile noire. Devant la maison, les policiers l’attendaient à
la porte.
- Je n’ai rien fait, cria t-elle en les voyant.
- Calmez-vous, madame, nous ne sommes pas venus pour cela, lui répondit
l’un d’entre eux. Votre mari a été victime d’un accident. Il
a été tué dans une bagarre. On a tiré… il est
mort sur le coup, ajouta rapidement l’homme en uniforme, essayant d’adoucir
ainsi la malheureuse nouvelle .
Sima rentra chez elle. Elle défit sa veste mouillée par la
pluie et, d’un seul coup, se mit à pleurer. D’abord doucement, puis
plus fort, et encore plus fort, jusqu’à ce que les sanglots l’étouffèrent.
« Pourquoi est-ce que je pleure ? » se demandait-elle entre les
hoquets. « Par pitié pour lui ou par pitié pour moi ?
» Il la battait, il était méchant, il l’avait rabaissée
plus bas qu’elle ne l’aurait jamais imaginé, mais il était
son mari. Autrefois, au début, elle l’avait aimé avec toute
la candeur de ses quinze ans. Jojo n’est plus ! Et elle essuya son nez et
commença à penser aux choses pratiques.
Elle fut engagée pour travailler dans un bar. Le même bar où
son mari restait pendant des siècles. A ce que l’on disait, le patron
l’avait embauchée par pitié, pour qu’elle eût un morceau
de pain. Elle travaillait du matin au soir. Ivrognes, drogués, voleurs,
c’étaient là ses clients. Mais que pouvait-elle faire ? C’était
mieux de les servir que de coucher avec. Et puis, elle devait élever
sa petite fille. Madame Rose, la femme qui s’en occupait, lui demandait toujours
plus d’argent à chaque fois. Elle le méritait ! Sa petite fille
était si jeune, si douce et si innocente, comment aurait-elle pu l’amener
dans la boue où elle baignait ? Rina devait être élevée
autrement et sans même soupçonner qui était sa vraie
mère. Tante Sima. C’est cela, oui ! Une fois par semaine, tante Sima
allait la voir, lui apportant des jouets, des bonbons, du chocolat.
- Tante Sima ! Comme c’est bien que tu sois venue, se réjouissait
l’enfant. Maman Rose, ma tante est venue me voir, la petite courait annoncer
la nouvelle en secouant ses boucles noires comme de l’ébène.
« Seigneur ! Pourrai-je jamais lui dire qui est sa mère ? »
se demandait Sima en sentant les larmes s’étrangler dans sa gorge.
C’était pendant les heures de l’après-midi avec un hamsin (* vent brûlant du désert)
terrible. Le ciel était jaune-gris, le soleil diffusait une lumière
malade. On avait l’impression de respirer du sable, de mâcher du sable.
L’air conditionné ne parvenait même pas à tempérer
l’atmosphère brûlante du bar. Sima était étourdie.
Deux clients et une foule de mouches troublaient son calme. Les chiens restaient
allongés sous l’auvent, les chats, tapis dans les poubelles. Toutes
les créatures essayaient d’échapper à cette chaleur
étouffante.
C’est alors qu’entra Vova dans le bar, et le silence se fit brusquement.
Grand et beau, avec de longs cheveux blonds laissés libres sur les
épaules et des yeux bleus comme un ciel de printemps, il parut à
Sima tel un prince merveilleux, comme ceux qui étaient dessinés
dans les livres de contes, à l’orphelinat. Et justement, Vova était
un prince ! Un des princes de la mafia russe, suffisamment connu pour que
son nom circulât de bouche en bouche. C’est alors que se produisit
le miracle qu’attendait Sima. Vova avait besoin de quelqu’un pour le soigner.
Pas d’une épouse, mais seulement d’une maîtresse de maison.
Qui lave, nettoie, fasse à manger. Il pourrait peut-être engager
Sima pour ce travail ? Il s’adressa directement à la fille depuis
le bar. En échange, elle serait logée, nourrie et habillée.
Peu d’argent, pour qu’il ne lui vînt pas à l’idée de
s’en aller.
- Je peux ! répondit Sima.
Et c’est ainsi qu’elle commença une nouvelle vie. Au début,
elle pensa qu’elle devrait payer ce bonheur avec son corps, mais Vova ne
lui demanda rien. Plus tard, elle apprit qu’il était malade. Les gens
le craignaient. Par contre, Vova n’avait pas peur. Finalement, elle était
bien. La maison était grande, jolie, remplie de mobilier précieux
et de choses qu’elle n’avait jamais vues. Son cœur battait toutes les fois
où elle époussetait les merveilles des vitrines. Le jardin
possédait de l’herbe et de vrais arbres . Elle continua à travailler.
Elle devait payer Rose. Mais à présent, elle se sentait bien
mieux, bien plus tranquille, même si parfois elle travaillait encore
jusqu’à l’aube.
A l’arrêt près de l’école, Sima descendit. Elle ouvrit
le parapluie et, surprise, elle aperçut le chat.
- Comment es-tu arrivé jusqu’ici, s’étonna t-elle, tu n’es tout de même pas venu avec l’autobus ?
Quand elle entra dans la maison, le chat se faufila lui aussi par la porte
ouverte. Tout d’abord, elle voulut le chasser, mais se ravisa immédiatement.
Dehors, la pluie glaciale continuait. « Attends, petit chat »,
lui dit-elle, exactement comme on parle à un enfant, « reste
sagement dans la cuisine, car j’ignore si Vova aime les chats ».
Un bruit se fit entendre, en provenance du salon. « Cela signifie que
Vova est sorti de son lit et qu’il se sent mieux » en déduisit-elle,
heureuse. « Le cocktail d’antibiotiques prescrit par le docteur lui
fait de l’effet .»
- Sima, c’est toi ?
- Eh, qui veux-tu que ce soit à une telle heure ? lui répondit-elle,
contente de l’entendre, enfin, marcher dans la maison. Que penses-tu si nous
prenons le thé dans la cuisine aujourd’hui ? Cela me convient mieux.
- D’accord ! Comme tu veux. La fièvre a finalement baissé,
lui annonça t-il, de bonne humeur, en encadrant sa haute taille dans
la porte de la cuisine.
A ce moment-là, le chat lui sauta à la gorge, tel un tigre,
le renversant presque. Il crachait et miaulait, enragé, arrachant
des fils du pullover de Vova, essayant de transpercer la grosse laine de
ses griffes aiguisées. Vova se mit à hurler. Il empoigna le
chat de toutes ses forces et le jeta sur le plancher comme on jetterait une
vipère. Pour la première fois, il frappa Sima. Ses yeux brillaient
comme des étincelles
- Jette ce fauve dehors, et ferme toutes les fenêtres à clé, cria t-il épouvanté.
Il était blanc et trempé par la transpiration, épuisé
par l’effort. De ses dernières forces, il se traîna jusqu’au
lit. Sima ne l’aida pas. Tapie dans un coin de la cuisine, elle essayait
de comprendre ce qui avait pu provoquer une pareille réaction voisine
de la folie, et surtout ses paroles sans aucun sens.
- Catote ! le chat est venu accomplir la malédiction !
« Vova délire !», se dit la femme, et de fait, elle n’était
pas loin de la vérité. La fièvre monta de manière
alarmante, ses lèvres étaient livides. Malgré son désir
de le punir, Sima lui apporta ses médicaments, le recouvrit avec l’édredon,
lui essuya le front où perlaient de grosses gouttes de sueur froide.
Au bout d’un certain temps, Vova se calma. Le calmant avait fait son effet.
- J’ai été fou, sourit-il, mais maintenant, cela va mieux.
Je veux que tu me pardonnes. Je t’en prie ! Moi-même, je ne comprends
pas ce qui m’a pris. Va te coucher, tu dois être morte de fatigue.
Mais Sima resta près de son lit pour le veiller. L’aube parut baignant
la chambre dans une lumière grise lorsque Sima se réveilla.
Elle avait dormi là, recroquevillée sur la chaise, près
du lit de Vova. Lui, il dormait, le visage tourné vers la fenêtre.
- Je vais faire le café, décida Sima, marchant sur la pointe des pieds.
Elle ouvrit le gaz et lorsque la cafetière commença à
fredonner, elle entra dans la chambre pour lui demander s’il en voulait également.
Vova continuait de dormir immobile. Elle se pencha sur la tête de celui-ci
perdue dans l’oreiller et, dans la seconde qui suivit, elle porta ses mains
à ses lèvres, essayant d’étouffer un cri d’horreur.
Ses yeux grand ouverts et sans vie étaient rivés sur un point
fixe au-delà de la fenêtre. Dehors, sur l’extrême rebord,
le chat semblait le clouer du regard. Les fentes jaune-vert de ses yeux ressemblaient
à deux lames de couteau.
« La cinquième saison »)
***