La lumière nocturne éclaire l’engin aux reflets rouillés. Silence lunaire.
                                Dans l’habitacle,
          le corps est calé entre le tableau de bord et le dossier du siège,
          (pied en appui sur la pédale,  doigts crispés sur le volant,)
          bien protégé sous le bouclier transparent du toit.
Près du rétroviseur latéral, sur la console, les clés pendent à la bobine de démarrage. Le starter est enclenché. Un grincement déchire à plusieurs reprises les entrailles du véhicule. Enfin, le moteur démarre, la carrosserie est prise d’un effroyable tremblement et le microprocesseur chauffe entre les pistons. Sous le compteur d’eau où s’allume un bouton rouge, le radiateur ronronne d’une voix rauque. Les orgues d’échappement lancent leurs notes monocordes.
Toute la cage métallique s’ébranle. Un clignotant stridule tandis que, derrière les élytres, les chenilles se déroulent sous le regard oblique des phares. Une jambe articulée se déploie plus haut que les antennes, vrille dans les airs, pour se poser plus loin dans un nuage poussiéreux. Les vitesses craquent, les aiguilles s’affolent. La cabane ambulante effectue une rotation à quarante-cinq degrés toutes les trente secondes.  Le tractocabine chauffe, tourne et pétarade. Il progresse entre les cratères, de sa démarche d’insecte vibreur, à petits bonds maladroits. Le corps reste lové au creux des pattes d’acier dans la
                                     cabine,
          protégé par les ressorts qui amortissent les à-coups.
 
Dans la nuit de son désert, derrière le bouclier,
tandis que l’engin avance avec un bruit de ferrailles froissées,
le visage à l’envers
contemple les yeux de l’univers….
 

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