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Philippe Rousseau
  sélection février 2006

il se présente à vous.


Glenda dans le glen

     Le ciel s'est soudain assombri, donnant du poids aux quinze dolmens de la clairière sur l'encre douteuse de la nuit. Nous avons piétiné une herbe humide, bleutée par un clair de lune complice. Elle est arrivée de Kerné jusqu'au cairn, de Ty Breizh jusqu'aux braises préparées dans un coin de pré bleu. Des voix ont crié les noms d'Abélard, de Saint-Guénolé, parce que sa robe laissait flotter dans ses plis comme la ligne de silhouette d'un moine halluciné, flottant parmi les pierres. Après avoir libéré ses nattes elle s'est installée, allongée sur le dos, bras écartés, le visage en lieu et place de cible pour les gouttelettes de pluie égarées dans la nuit, et c'étaient, disait-elle des aiguilles gauloises dont le passé criblait le présent à l'heure où fraîchit la campagne.
     Les éboulis de tumulus ressemblent à d'inquiétants contreforts pour un autel de circonstance. D'une voix monocorde quoique inspirée Glenda appelle ses ancêtres : Lothaire, Pasquétan, Gourvant, Judicaël. Elle prononce leurs noms comme des bulles de son âme voletant dans les lueurs rouges, comme une complainte vociférée qui lui intime l'invisible des pierres, ces pierres secrètement enracinées aux nuages, de sorte que leur pesanteur devient trompeuse.
     On ne voit de son visage qu'un halo blanc que la pleine lune éclaire obliquement, et tous les incubes de la nuit bretonne ne résisteront jamais à l'attrait de son cou altier. Tournée face à la voûte stellaire, avec pour témoin la permanence des pierres, elle livre sa saga et sa sagacité au grand plafond violet… Des elfes lumineuses dansent à présent sur les plaques des dolmens. Glenda s'est redressée comme une ombre et a sorti une serpe qu'elle pose à plat dans l'herbe, dans un creux noir, in the shadow of the glen. Elle semble enterrer son pouvoir druidique. C'est pour qu'il exsude en chacun de nous. Les alignements sont comme un chapelet de perles grises, les braises un soleil de minuit sans rayons, reflété en ses yeux. Sa pupille est alors gonflée à son comble, son œil comme une poignée de glaive. Son front entouré d'un bandeau ressemble à une voix celte. Dans le clivage du granit ses pieds s'unissent à la matière. Elle est devenue la conscience d'une soirée.
     « Passons le gâteau et l'hydromel, la nuit ne fait que commencer… »


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Créé le 1 mars 2002

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