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Thierry
Roquet Sélection décembre 2003
Il se présente à
vous.
On fêtera pas Noel
On était aux environs du. Pas loin en tout cas.
Elle m'avait demandé d’aller aux cadeaux et d’ouvrir les trottoirs.
On devait s'y prendre de bonheur, disait-elle, pour éviter les longues
files, tu les ouvres en trac, à l’indienne, en embuscade, n'importe
peu, tu n’échoues pas au pied. Elle était résolue.
Passez muscade !
J'avais descendu la voiture pour prendre mon pied, mon pied droit devant,
le pied maladroit par la gauche : les deux enfilés de coton, de cuir
neuf, une grande marque, l’argent n’a pas d’odeur, sur le goudron.
Et les crottes? J'avais plus l'habitude de les combattre, il me fallait
un inventaire à faire, écrire aux urgences concernées
par la non-solution, c'est ainsi que j'avançais en théorie,
j'avais envie de bien. C'aurait pu être LE combat final, fatal, total,
foetal, gazoil, avec des airbus-crottes, des panzers-crottes. Mais je n'étais
pas l’homme d'un aventurier.
Encore moins l’âme d’un damné. Je n’allais pas leur
fêter Noël aux hosties. En grandes pompes !
Il faudrait donc que j'y merde les pieds, indifféremment le droit,
le gauche, d'une lanière terriblement concrète. Les crottes
de chiens: les rues en sont jonchées, de leurs nombreuses, la ville
en regorge, la poitrine et gorge, les odeurs m'égorgent, tout me
forge en fer, en dur à cuire, et marcher dans les rues me fait glisser.
En V . Patiné artistique, glissades mélancoliques, pas de travers,
tourner à droitàgauche.
J'avais vu passer un passant, qui faisait les cent pas. Sentinelle des
crottes aux pieds mâles. Il se dévisageait, j'avais envie de
le taguer. Il était statue sans stature, il avait marché dans
le nouvel immonde, immense, « c’est un monde » disait-il, potelé
en plein milieu de la rue, il s’essuyait aux voitures, aux lignes blanches,
il sentait, je marchais, évitant les crottes avec astuce. J'avançais
tête en l'air et de rien, tête baissée vers les trottoirs,
cognant peut-être, cognant des gens et des poubelles.
Toutes ces couleurs me fredonnaient la nausée, la migraine, la tempête
du cerveau, la déliquescence de toutes mes liqueurs, l’humeur, mise
au parfum, j'entrais en pente maturation avec un chewing-gum... un peu de
saveur dans la largeur agile d'une réflexion sur le contemporain.
Catapulte et goret. Le monde est dégueulis et lasse.
Du temps perdant. Je devais renoncer, y'en avait trop, des crottes,
des visqueuses, des gluantes, des coulées, des séchées,
des écrasées, des rabiotées, des cabossées,
des découpées, des filandreuses, des dynamiques, des supputées,
des dégluties, des mal farcies, des rondelettes, des maigrichonnes,
des pâlottes, des boulottes, y'en avait trop que ça m'en donnait
le torticolique imbu d’informes, que ça me faisait frissonner d'impatience
de regagner ma voiture, tant pis pour les courses, tant pis pour la ballade,
tant pis pour les achats, tant pis pour le tant pis que je lui dirai "tant
pis", on fêtera pas Noël à cause des chiens cette année.
J’ai plus que du dégoût à l’aguets des égouts.
Les gouttes et les douleurs... C'est pas demain la veille que je foulerai
l'entorse à de nouveaux trottoirs, je suis bien mieux assis devant
le chez-moi sur le meuble télé.
J'ai pas une gueule d'asphalte. Foutre! Assis.
***
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