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Dans notre Salon de lecture, honneur ce mois-ci à Xavier Jardin.

  
Fais chanter le piano à bretelles
© Pierre Darcel


Présentation des textes
de la SÉLECTION
DE
JUIN 2006

n*37

Par  Gilles Bizien



Francopolis : sélection de juin 2006



Les mois défilent et passent sur nous comme le font les vagues sur la plage, la fontaine des jours égraine des minutes infinitésimales et nous nous retrouvons déjà en été, en saison de feu, en brûlure, en voyage. La chaleur, les flammes mauves des nuits vont nourrir nos poèmes, nos langues tourneront dans des verres glacés le long d'une table de hasard, d'un bistrot, d'une île impeuplée. Nos peaux seront liquides, on guettera la naissance des ombres, on rêvera aux pluies et aux nords perdus. Il faudra alors trouver des repos dans des cathédrales de verre, des niches polaires au coeur du feu, il faudra bouger par gestes lents, marcher avec la grâce du fantôme, pour ne pas périr par le bouillon solaire.

L'été est là et Francopolis s'allonge sur le hamac doré du repos, Francopolis fait sa petite pose estivale mais les lecteurs découvriront le prochain choix du comité en septembre et pour l’instant voici nos auteurs de juin.

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Orlando Jotape Rodriguez

C'est en passant par le mot que " Mémorial " ouvre ses portes lourdes d'années, c'est d'un poids d'homme, d'une mémoire humaine, que le poème lève ses piliers d'ivoire, qu'il organise le monde sensible d'Orlando Jotape Rodriguez. Poids du corps, de l'homme: "pieds nus", "poitrine et fesses et ventre et sexe", "tout nus" :

« hommes femmes
enfants vieillards
dans

la
neige
très longtemps »

Corps dans l'humilité, le dépouillement, l'ultra sensibilité, en traces, en points. Les mots deviennent autre chose que des liens vers le sens mais une langue ordonnée, un langage comme peut l'être les pas ou les traces d'un oiseau dans la neige, une fragilité. Mots entre humilité et lumière, pierres précieuses, braises indispensables, sur le support ultime de la page, qui en fait sourdre l'éclat, la magie. Liette résume ce que contiennent ces mots si peu prolixes et si efficaces: "le peu de mots par ligne fait penser aux mitrailles, aux grenades lancées, à la respiration hachée. Et pourtant, à travers cette douleur sans nom, cette mémoire des cendres, les lucioles viennent comme pour déposer des lueurs, des flocons d'espoir impossible, mais le poème arrive à faire son chemin au travers de cette mémoire là".
Voici les lucioles dont parle Liette :

« reste sans doute
une lueur
un vers luisant »

Teri Alves ajoute: "chaque retour à la ligne semble inviter à la réflexion, parfois la contemplation".
Et que dire de cette souplesse dans la simplicité :

« moins enfer que cet enfer
c'est l'arrivée
avec la promesse
d'un peu d'eau »

Le solaire de la langue d'Orlando Jotape Rodriguez se mélange aux facettes sombres, à la noirceur invariable de l'homme, non pas de façon délétère mais comme une donnée mathématique aussi bien dans la mémoire que dans le tragique de chaque seconde.


***

Oudadess Mohamed

Sobriété et élan, comme désert et océan, langue et mot, parole et souffle. Pourquoi sobriété ? Après tout le poème n'est rien d'autre qu'une exaltation ou tout au moins une sublimation, pour le coup, ici, on se situe dans un amour fervent envers sa terre. L'amour dont il est question est de ceux que peuvent porter les exilés aux terres perdues et aimées.
Ne pouvons nous pas dire simplement comme Liette ? par exemple : "Là je sens le rythme, les échos sonores portent, et surtout il affleure une mythologie, un regard mémoire d'un passé symbolique où l'on se reconnaît et l'on sent l'Afrique".

« ville d'accueil,
terre attachante
grandis,
embellis. »

Car il existe des villes, des lieux, pour l'exilé comme pour le voyageur, ou même le promeneur, qui rappellent des souffrances et des solitudes, qui renvoient à la douleur, à l'émotion. Des villes, des lieux d'éveil, qui remuent en nous toute une part douloureuse de notre intimité et de notre histoire. C'est de cela dont le poème "Nouaakchott" parle insidieusement, car pourquoi souligner la beauté naturelle des paysage et des matières comme dans :

« tapis d'or
de sables et de safran.
dunes agiles
invites caressantes
touffes sèches décorent les dunettes. »

Sinon pour en dévoiler toute l'absence et la mélancolie. Sinon pour en ressentir une dernière fois l'intolérable intemporalité, le puissant degré de nécessité.
Revenons plutôt vers l'axe que propose le poème, révélé dans le dernier vers :

« veilleur fidèle,
raconte ta vie
mer et désert. »

"Veilleur fidèle", qui est donc celui qui regarde? Qui veille? Le poète lui-même dévoilé, regarde et marque par sa fidélité, par son besoin de poser le regard toujours là où il le doit, souligne en définitive sa condition d'oeil, de veilleur, son besoin de tenir à distance sa douleur tout en y étant inclus.
Pourquoi regarder, est ce que celui qui regarde peut donner du sens à ses visions? Est-ce que cela a un sens? Pourquoi regarder sinon pour traduire l'essence de ce que nous sommes. En effet, judicieusement, c'est ici que le vers second de ce tercet: "raconte ta vie", prend une dimension révélatrice. Veiller sur ce qui nous a construit, sur ce qui permettra de témoigner, de raconter, comme pour se rassurer, pour trouver le force, l'énergie de dire, un peu illusoirement même, mais enfin de dire fondamentalement son expérience de vie.


***

Jean Michel Mayot

Comme le dit Philippe Vallet :
"Et si les mots voulaient mourir, c'est pour ça qu'on écrit, les faire renaître à chaque fois, neuf sur une page, nous ne sommes que les marionnettes que les mots agitent".
Cependant Jean Michel Mayot propose :

« Le poème est-ce une tentative

De purification ?

 

Un sourire

Devant la honte d'écrire ?

 

Un bond d'orgueil

Vertical ? »

De quelle tentative parlons-nous exactement, de quel questionnement ? De quelle poésie ? Une écriture qui pourrait nous éclairer sur nous même tout en étant une tentative et non moins une expérience de vie ? Écrire est loin d'être un bond d'orgueil vertical comme le dit par provocation Jean Michel Mayot. Écrire doit être un acte de foi, une violence, un empire imaginaire, une vision réelle ou mensongère, un ultime hurlement de vie.
Bien sûr le poème est une tentative, toutefois l'est-il de purification :

« Le poème est-ce une tentative

De purification ? »

Sans doute, car il s'agit de dire et d'expulser hors de soi l'émotion, le ressenti. cette expérience de reformulation du réel est le corps même de cette tentative.


***

Sylvain Fetet

Il est toujours difficile de souligner l'originalité d'un texte ou d'un auteur sans prendre un certain parti pris. Nous aimons l'originalité mais lorsqu'elle peut agir en nous vraiment comme de la nouveauté, nous aimons comme le dit Teri Alves : "Cette façon de créer un monde en quelques vers et l'animer avec talent."
C'est cela, un monde animé, rendu au lecteur, propre et compréhensible. Cette résonance originale qui se refond en nous et parle la langue de la poésie.
Par exemple :

« Dans la cité de Nyodé les savants sont si nains que leurs chapeaux ne touchent pas le haut de leurs bibliothèques. »

Pour la part d'ironie ou même d'humour.
Ou encore :

« Les géants détiennent l'odeur du premier bouc à avoir brouté la menthe. »

Le ciment des poèmes de Sylvain Fetet est à mon sens le fait que le merveilleux est très marqué, où "Les dents des géants sont des livres de guerre", où "Les géants sont lyriques, parfois, ils font craquer tous les os de leurs lèvres pour s'embrasser."
Ce postulat poétique propre au conte trouve une expression dans la forme choisie, une couleur lointaine que nous avons tous connus dans l'enfance. Est-ce du conte en poème? Est-ce de la magie ? Oui, parce que l'on parle encore une fois de mots, de langue, de création, nous évoluons alors dans un monde magique sans en être tout à fait conscient, sauf lorsque l'auteur nous le rappelle ostensiblement.
Je relève:

« La boutique du pont où dorment des enfants pliés comme des pages. »

Ou bien :
« Rue
Coffre à groseilles. »


***

Et venez donc découvrir notre invité au salon de lecture, Xavier Jardin.
Comment donner un aperçu du travail poétique de Xavier Jardin sinon par le poème lui-même. Parfois lire suffit, pardonne le mutisme, complète nos vies, lorsque le poème est sensible et clair, délicat. Parfois l'eau d'un rêve suffit pour trouver les chemins dont Xavier Jardin nous parle.

espère un rêve
encore
au creux de la paume
élargie

la veine fouille
la terre noire
moite jusqu'aux racines
amères

encore la sève
renouvelée des silences
surgit
inonde les yeux

chemin de pluie
à la peau dérive
l'eau d'un
rêve encore

Xavier Jardin


***

juin 2006
Gilles Bizien
pour le comité de Francopolis


 

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Créé le 1 mars 2002