Les Editions Chemins de Plume nous offrent un petit bijou en faisant
paraître le dernier ouvrage de Jean-Marc La Frenière
«
Parce que
».
Ces textes
poétiques interpellent l’arête friable de la
curiosité ; c’est sans doute la raison pour laquelle le peuplier
regarde par-dessus mon épaule ce livre étonnant qui parle
de lui avec des mots simples comme la transparence de l’aube qui
s’étire. Il penche son visage et comme je poursuis ma lecture,
il ose une feuille d’or ourlée de verdure. Elle se pose si
doucement, si délicatement qu’aucun mot de la page ne remarque
ce papillon végétal. Son souffle est si pur et son
rêve si léger qu’il pousse notre conscience au-delà
de cette ligne qui ferme le regard et dévore les formes qui
osent la toucher…
Le poète bouscule
notre regard sans cesse distrait par un obstacle appartenant au monde
matériel. Il nous oblige à dépasser la vue
étroite et minuscule du quotidien.
Jean-Marc vit avec un loup, au milieu des vaches qui volent et des
pierres qui pondent !... Alors, vous allez me dire que vous n’avez rien
de commun avec cet énergumène ! Je vous réponds :
bien au contraire. Ecoutez cet artiste qui « ramasse
les virgules dans les armoires… et mange les pépins pour
renaître pommier… », il vous mènera au
pied de vous-même, car ses mots sont des épices aux vertus
magiques. Le vent soulève la poussière, mais il n’oublie
jamais d’emporter nos pas sur la colline silencieuse de la
mémoire.
Cet ouvrage n’est pas
seulement à lire, mais bien à vivre. Le lecteur se
métamorphose en curieux qui hèle ou salue les images qui
passent. Ces mots sont comme des baisers qui cherchent des
lèvres pour s’enflammer, des yeux pour s’envoler, des visages
pour s’enfouir dans la blancheur des rêves encore à
naître.
C’est alors que tout bascule, tout change, le quotidien revêt ses
habits d’apparat et l’homme invente la rencontre avec l’autre ; celui
qui se cache dans le lit des mots, dans le regard de l’ombre assise
contre le mur, dans la tendresse des fleurs légères et
fragiles, dans cette encre qui s’accroche à la page et fige les
secondes…
Jean-Marc La Frenière, en un style admirable, avec des mots
discrets, des mots de tous les jours, nous saisit par le cœur et nous
entraîne dans une écriture où le jour et la nuit
ont un visage d’ange…
Lecteur, ne
résiste pas à cette invitation, elle bousculera tes
frontières, déplacera tes murs et en échange
t’offrira le royaume admirable qui exauce tous les vœux.
« J’ai trois épouvantails dans mon
jardin, dont l’un à bicyclette. Je le soupçonne de
pédaler jusqu’au village durant la nuit. Il a toujours des brins
de paille en sueur et le chapeau de travers. En fait, ils aiment les
oiseaux et ouvrent même la porte aux ratons laveurs. Sur le rang,
mon jardin est le plus pauvre en légumes mais le plus riche en
mots.
Plus
loin, j’ai un étang plein de grenouilles, de nénuphars,
de carpes japonaises et de cheveux de fée. Quelques canards et
un héron s’y posent quelques fois. Il sert aussi de patinoire
aux libellules du coin. Au premier flot du matin, la rosée me
réveille et me sert le café sur le comptoir des yeux.
Le murmure des
gnomes sous la galerie me sert de radio quand je me sens trop seul.
Entre
le vent et le flanc des montagnes, il n’y a pas de murs mais des
passages, des accalmies, des souffles. Les regards portent trop loin
pour s’encombrer de choses. Il n’y a que mon loup qui collectionne les
objets, les vieilles bottes à vache, les balles trop mordues,
les os trop secs, les peines de croc, les cœurs cassés, la
babiche des raquettes qu’il finit par manger. Elle lui sert
probablement de brosse à dents. Sur tant d’espace
nettoyé, je me repose dans mon songe. On y lave ses yeux, on
danse sur des rivières infranchissables. J’habite la
lumière où mes mots font un bruit de chevaux
emballés.
De
l’herbe pousse dans mes oreilles, de la luzerne dans mon nez. J’ai sur
la tête un chapeau d’absolu percé par la misère, le
bonheur et le temps.
Je compte les secondes en fragments
d’infini. J’ai des lucioles dans les yeux, l’odeur des chevreuils sur
le cuir des mots, de l’eau d’érable dans les veines. Je
goûte la framboise au milieu du mois d’août, les cerises
noires amères que picossent les pies, le cœur de pomme et le
cormier quand arrive l’automne. Je suis une roche qui a pris la parole,
un arbre qui se tait dans le chant des oiseaux, une rivière qui
déborde sous la crue des saisons, une épine, une ronce en
quête de tendresse. »
Victor Varjac
Le Panorama du Livre
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Parce que
Jean-Marc La Frenière
Editions
Chemins de Plume
ISBN-13 : 978-2-84954-054-1
EAN : 9782849540541
12 €