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Si je ne tiens
pas compte de l’aéroport de Bangkok, le Cambodge est le premier pays
asiatique où j’ai mis les pieds.
A peine arrivée, me voilà submergée par un flot d'images, d'émotions et jamais auparavant je n’avais éprouvé aussi fortement ce sentiment : celui d'être une étrangère ! Expérience que je souhaite à tout le monde de vivre au moins une fois
Nous sommes venus jouer Don Quichotte à Phnom Penh !
Capitale aux ruelles de terre battue, jonchées de détritus, de bouis-bouis enchevêtrés, pleines de parfums, de relents et de miasmes douceâtres. Des rues transformées en marécage à la moindre pluie, la moindre pluie étant torrentielle ! Atmosphère lourde, parfois suffocante. Un nombre incalculable de moto-taxis et autres petits véhicules, vrombissent dans un formidable désordre, soulevant des nuages de poussière, tassés sous les chargements divers les plus invraisemblables : petites familles, cochons, matelas, empilement de plats cuisinés défiant l’équilibre... Étalages de fruits : des écrins de soleil multicolores ! Appétissant mais parfois risqué... Tant pis ! Les gens vêtus simplement, couleurs neutres. Manches et pantalons longs protègent des morsures du soleil et des moustiques, quoique en ville il n’y ait pas de quoi être parano. Cela évite aussi probablement de se brûler sur les pots d'échappement des meutes de taxi-motos, ce que je n’ai pas manqué de faire à deux reprises, une pour chaque mollet…
S’asseoir au pied d’une colline miniature où se dresse un temple,
observer l’éléphant triste qui en fait le tour pour les rares
visiteurs.
S’arrêter auprès d’un arbre de légende, au tronc immensément large, qui abrite dans l’entrelacs de ses racines, d’un côté un temple miniature où fument des bâtonnets d’encens, et de l’autre un petit bouddha en lotus sur un socle, orné de couleurs si vives, rose dominant, que l’on pourrait croire à une pâtisserie orientale ! Il y a aussi une grande coupe peinte, en forme de fleur de lotus et des offrandes. Surtout ne pas y toucher. Respecter ce qui est sacré pour autrui, même si nous ne comprenons pas, nous pouvons au moins saisir la beauté, elle transcende les cultures. Moi j’y cherche les traces de ce que je ne connais que par des lectures et quelques années de yoga. Je cherche.
Donner ! Donner car « tout ce qui n'est pas donné
est perdu » mais plus je donne et plus il y a à qui donner,
de quoi en avoir le vertige !
Je ne pas la prétention de sauver le monde, je n'ai pas de mauvaise conscience à mettre en paix, simplement un peu d’amour et la chance d’être née du bon côté.
J'ai vu les rizières où les enfants se baignent, frêles
tiges de peau brune, pleines de joie et de soleil. J’ai vu les buffles couleur
parchemin et les paysans avec leurs grands chapeaux de paille, qui lentement
à travers les siècles et les rizières, s’acharnent à
pousser la charrue. Juste de quoi assurer la subsistance d’une famille mais
jamais plus et trop souvent pas assez…
J’ai passé ma main sur les côtes douces et efflanquées d’un bufflon, couché au milieu d’un chemin, dans ce hameau, ce campement dans la forêt près des rizières, où une jeune adolescente rêve de vivre à la ville et ne choisira probablement pas son mari, où les enfants s’inquiètent de ces étranges étrangers venus acheter des feux d’artifices artisanaux fabriqués là en famille pour les fêtes populaires. Insolite est un mot trop faible pour décrire la situation. Unique! Je ne suis pas prête d’oublier.
J’ai vu aussi le large Mékong, -ai-je fait un vœu ?- ses
eaux boueuses, ses rives sauvages où les bateaux amarrés m’évoquent
d'anciennes gravures. Ces bateaux dispersés tout au long, où
s’entassent les familles et où les filles attendent le client, parfois
un étranger de passage…
Combien y a t'il de petites fleurs trop vite fanées en Asie, quand bien même les femmes là-bas seraient différentes des Occidentales ? Elles seules pourraient répondre, mais qui les interrogera ?
Un repas chez l’attaché culturel, nous sommes nombreux, Français
et Cambodgiens. Soirée chaleureuse, émouvante, fort agréable,
dont je repartirai pieds nus, mes tongs bleu électrique ayant dû
plaire à quelqu’un d’autre. Ennuyeux mais cocasse, même si j’ai
certainement râlé sur l’instant.
Et par-dessus tout, ce qui frappe aux yeux et frappe au cœur, c'est le sourire
! Ce sourire empreint de douceur et de patience qui fleurit sans cesse sur
les visages des Cambodgiens, un sourire qui recouvre sans aucun doute de
bien profondes douleurs. L’impossible oubli d’un génocide même
s’ils préfèrent ne pas en parler. A l’occasion de cette soirée, rencontre avec la musique et la danse traditionnelle. Je suis fascinée par la souplesse des doigts des fillettes, dessinant une trame où érotisme et sacré se rejoignent. Plaisir d'essayer bien-sûr, mais je ne peux éviter de penser à nouveau au violent contraste qui existe entre la beauté de cet art et le sexe rapide, banalisé, vendu tout au long des routes défoncées, des chemins de boues et sur les rives troubles du Mékong où patauge la misère. Phnom Penh. Dépaysement total accompagné parfois d'étranges solitudes, de salmonelles musclées et d’une herbe locale puissante, utilisé comme condiment dans la cuisine khmère et vendue discrètement par de vieilles femmes sur les marchés. La haine vaincue se dissout au fin fond des forêts mais les
traces rouges et griffues de l'Histoire ne s'effacent pas comme ça
!
Le principe de Gueule
de mots, Le principe des
Pieds des mots,
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Créé le 1er mars 2002- rubriques novembre 2004