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LES PIEDS DES MOTS

Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu.


Ce mois de juin 2006 :


LE PONT
fortement inspiré de la nouvelle “Le pont” de Frantz Kafka.

par  NICOLAS CHAPUT


LE PONT

Je suis un pont. Je suis raide et froid. Mes pieds sont enracinés en un point et mes mains empoignent le roc de l'autre côté. En dessous de moi, coule l'abîme.. Ma force et mon énergie sont unies pour m'aider à rester accroché. Un homme passe sur mon dos de temps en temps. Il est vêtu de noir. Il a un visage fatigué et une longue barbe. Il n'est pas très grand mais, il est massif et imposant pour son âge. Il passe sur moi avec ses dures semelles. Je sens les talons sur chacune de mes vertèbres. La lourdeur de son pas parcourt le long de ma colonne. Il a aussi une longue canne. Avec celle-ci, il me flanque un bon coup  dans les côtes. Je ne m'effondrerai pas. Rendu de l'autre côté, il laisse échapper un long rire rauque derrière sa barbe et il disparaît. Le temps passe comme ça sans que je m'en aperçoive.

Une petite fleur a timidement poussé près de moi. J'en étais indifférent mais, j'ai quand même jeté un petit coup d'oeil. Après quelques temps, ses jolies couleurs et ses formes m'ont fait redéfinir tout ce que j'avais jugé beau jusqu'ici. J'ai pourtant détourné le regard pour me re-concentrer sur mes obligations. Son arôme m'a fait détourner le regard une seconde fois. J'ai reconnu un être simple, délicat et dans lequel je me reconnaissais. J'ai écrasé mon orgueil et je l'observais de plus en plus souvent. Je me délecte de chaque instant de bonheur qu'elle m'apporte. Même si ma conscience me torture, j'ai pris l'habitude de l'observer de plus en plus souvent. On dirait que plus, je l'observais, plus elle s'ouvrait et plus elle se livrait à moi.

L'homme est revenu un matin. Il m’a piétiné férocement mais, je me sens plus fort et plus solide que jamais. Cette jolie petite fleur me donne l'impression que je suis infaillible. Elle est de plus en plus en moi.

Un matin pluvieux, ma petite fleur m'a montré des signes de fatigue. Elle a tout doucement commencé à faner. Elle a doucement retourné son regard de l'autre côté. Surpris, je me suis posé des milliards de questions. Je tentais de comprendre et j'essayais de faire détourner son regard dans ma direction. Je sais que le bonheur est éphémère et qu'il n'est pas éternel mais, ce ne peut pas être la fin. J'étais pris dans un état de tourmente. Qu'est-je fait?

L'homme est sorti de l'ombre sans que je l'aperçoive. Il a d'abord posé son pied dans le bas de mon dos. Une douleur atroce a parcouru mon épine dorsale. Il a avancé très tranquillement pour que je sente chaque pas m'écraser le dos. La douleur était pire que jamais. J'ai reconnu mes faiblesses en un instant. À son troisième pas, ma main droite a glissé. Je me suis fracassé tout en bas dans l'abîme.

C'était pourtant une si jolie petite fleur.

Nicolas Chaput

Amateur de fiction et de boutons à quatre trous, Nicolas aime bien passer du temps devant un café, une bière, un ami (e) ou dans le pire des cas, devant un professeur. Du haut de ses trois pommes, il se retrouve parfois, bien malgré lui, à grifonner sur une feuille de papier.




    Pour  "PIEDS DES MOTS"  juin 2006



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 Table des chroniques "Gueule de mots" et  "Pieds de mots"

                



Auteurs, voici la dernière chronique
pour
  Les pieds des mots.

Le principe des Pieds des mots,
est de nous partager l'âme d'un lieu,  réel ou imaginaire,  où votre coeur est ancré.

Merci à tous ceux qui ont participé à cette chronique.


 
 

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Créé le 1er mars 2002- rubriques novembre 2004