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Pieds des Mots : Actu 2010 - 2016
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  PIEDS DES MOTS
sakurai06.gif Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...

DÉCEMBRE 2016

Les glaïeuls
 
de Mireille Diaz-Florian

 

 

Lorsque j’ai vu pour la première fois la photo des fiançailles de Mariette et Jean, elle trônait sur le buffet Henri II de la salle à manger. On disait en parlant de lui «  le pauvre Jean ». Ce qualificatif  servait alors à désigner un homme mort à la guerre. Jean n’était pas mort à la guerre.

 

A côté de Mariette, il se tenait bien droit et fixait l’objectif d’un air tranquille. Je le découvrais comme on me l’avait décrit : un homme calme, dont la gentillesse faisait l’unanimité dans le bureau de Poste où il travaillait. On disait aussi : « le Jean c’est le portrait craché de son père, l’Emile, toujours prêt à rendre service… »

 

Mariette, elle, sur la photo, est exactement comme je l’ai connue, même si je l’ai connue beaucoup plus tard, lorsqu’elle était déjà vieille. Elle porte une robe de satin moiré dont l’ourlet raffiné et le bustier révèlent l’habileté d’une couturière. La toile peinte qui sert de décor chez le photographe, représente à merveille sa passion pour les fleurs.

 

Toute son enfance, elle avait aidé sa marraine à décorer les oratoires et les calvaires de la paroisse pour la procession du mois de Marie. Elle avait coupé tôt dans la matinée des brassées de fleurs, placées ensuite délicatement dans un grand panier où s’égouttait la rosée. Elle affectionnait les glaïeuls pour leur port élégant et la couleur délicate de leur calice.

 

Elle avait connu Jean au mois de juin 1939. Elle faisait partie des filles qui sautent le feu, la nuit du solstice. Elle lui était quasiment tombée dans les bras, après avoir franchi d’un bond les braises du bûcher. Il avait ri. Ils avaient dansé sur la place. Les fiançailles auraient lieu en août de la même année, juste avant la mobilisation. Après l’armistice, Jean rejoindrait les camarades du maquis. On attendrait la fin de la guerre pour se marier. 

 

Mariette n’a pu épouser Jean. En juin 1944, une colonne de SS remonte vers le Nord. Jean est venu la voir chez sa mère. Ils ont parlé tard dans la nuit. Ils savent que la fin de la guerre est proche. Il l’a serrée fort contre lui. Il est parti. Arrêté le lendemain, Jean a fait partie de la centaine de jeunes gens que les SS ont pendus aux balcons de la ville.

 

Mariette s’est mariée. Chaque année, elle a aidé d’autres femmes à décorer les balcons d’une tresse de glaïeuls fraîchement coupés. 

 

Mireille Diaz-Florian

 

FRANCOPOLIS
décembre 2016

 

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