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LES PIEDS DES MOTS

Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu.


Ce mois de mai 2006 :


URBAN FUNGI SONG

par  Ilex


Urban fungi song

Un cortinaire à pied guirlandé, clopin-clopant bas sous le fardeau d’un bolet de fiel, sur sa nocturne route rencontra, hop-là, une bulgarie salissante et une collybie beurrée qui ne marchaient pas droit. Lui que son helvelle crépue venait de plaquer s’approcha. Mais elles étaient maquées à un laccaire laqué et un hygrophore à dents d’or qui les suivaient de près, tenant l’escarcelle et guettant au tournant le pezize du populage. Aussi bifurqua-t-il prudemment sur les pas d’un entolome livide, derrière lequel il franchit le seuil de la Galère marginée, modeste enseigne qui seyait mieux à la modestie de ses moyens.

Derrière le comptoir, un lépiste sordide trafiquait des lactaires à lait brûlant, des agarics anisés et des lacrymaires flammées, qu’une limacelle gluante cabotait vers les tables. Évitant un rond de clavaires à crêtes, qui comparaient leurs piercings à grands cris, il s’installa sur la banquette du fond entre un couple d’amadouviers anciens et un ripartite poilu, plus silencieux que des aleurodisques amorphes. Un crépidote mou jouait mollement d’un piano sur lequel moisissait une mérule tremblotante.

Il commanda pour commencer une russule amère, puis passa rapidement, et nonobstant ses bonnes résolutions, aux marasmes brûlants. Après quelques verres dansa devant sa table l’image floue d’une pholiote flamboyante, qui parfois fondue s’enchaînait, sans qu’il comprît comment, en la silhouette d‘une étrange flammule pénétrante, qui l’aime et le comprend, il le sent. Encore un agaric anisé, bien tassé, et il lui tend les bras, un dernier marasme, bien brûlant, et il sort au sien, qu’il porte fier.

Dans l’air froid du dehors, s’efforçant péniblement à la verticalité, il se hissa sur la pointe de son pied guirlandé pour lui rouler un baiser torride … et reconnut soudain à sa haute stature un hébélome belle-Hélène, qui souriant penchait vers lui ses lèvres gourmandes. Il balbutia un borborygme de tubifère ferrugineux et s’enfuit comme une dédallée du chêne poursuivie par un satyre puant.




Ilex

Ilex (suivi d'aquifolium c'est le houx), c'est un nom de plume botanique, normal, je suis ingénieur forestier. Je vis et travaille dans le Jura français, plus peuplé d'arbres que d'humains.Je suis originaire de la ville, Nantes, portuaire et tournée vers la mer, ciels changeants qui vous apprennent très tôt que la vérité du monde est dans la variation. Je n'ai pas de formation littéraire, je m'intéresse aux sciences de la nature, à la physique, et voue un amour passionné aux mots, anciens, techniques, régionaux. J'aime la langue et le rythme, les sonorités et les images tressées.


    Pour  "PIEDS DES MOTS"  mai2006



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est de faire résonner un mot comme un instrument de musique,  si besoin est avec une certaine force et/ou violence.

Le principe des Pieds des mots,
est de nous partager l'âme d'un lieu,  réel ou imaginaire,  où votre coeur est ancré.



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Créé le 1er mars 2002- rubriques novembre 2004