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Pieds des Mots : Actu 2010 - 2011

Omar M'habra par Ali Iken -  Khadija Mouhsine - Mohamed Loakira ... et plus

LES PIEDS DES MOTS
         Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...


SEPTEMBRE 2014

  1914 - 2014 la GRANDE GUERRE... CENT ANS  !



ILS ONT TUÉ JAURÈS... !


Quand je me suis retrouvé devant le comptoir, le porte-monnaie à la main, pris entre deux tabourets hauts comme des escabeaux, je me suis senti mal à l'aise. Pourtant, je savais où j’étais. J’avais fait le déplacement exprès pour venir ici : j’étais descendu à la bouche de métro la plus proche, changé une fois et me voici à attendre le petit café noir que j’avais commandé à l’une des deux femmes qui m’ont tout juste regardé tant elles étaient appliquées à essuyer les verres et à les placer au-dessus d’elles.

On n’entre pas dans ce café-restaurant comme on entrerait dans n’importe quel autre café, c’est évident. L'immense plaque de marbre fixée sur le mur de façade vous a changé en voyeur, a déposé en vous une dose d'histoire et pas de celle que l'on qualifie de petite, non, ici, il s'agit de la grande !

Une fois installé devant le zinc, ce qui me gênait c'était de sentir derrière moi le buste de Jean Jaurès, en plâtre vieilli, posé sur une espèce de commode à petits tiroirs où étaient disposés pour le service cuillers et couteaux.

J'étais au café du Croissant, à l'angle de la rue Montmartre et de la rue du Croissant, en plein cœur de l'ancien quartier de la presse et de l'imprimerie.

Une grande plaque posée à l'extérieur avertit le public qu'ici s'est joué un des plus grands drames de l'histoire de France : l'assassinat de l'apôtre de la paix, Jaurès, le 31 juillet 1914, deux jours avant la déclaration de guerre, de cette guerre qui fut l'énorme tuerie que l'on sait. C'était, il y a un siècle, jour pour jour.

Voilà, je me retourne plusieurs fois, regarde autour de moi, la salle, les quelques photos en noir et blanc qui sont accrochées aux murs, ce groupe d'étrangers qui n'en finit pas de déjeuner, ils parlent une langue que je crois reconnaître, l'allemand, ils donnent l'impression de ne rien savoir de ce passé historique du lieu, la fille qui est assise juste à la place où s'était mis l'homme politique ne prête aucune attention au décor historique ; elle parle avec ses convives comme si de rien n'était. S’ils étaient descendus dans un tout autre resto, au hasard de leurs promenades à la découverte de la capitale, aurait-elle eu le même comportement, qui peut l’affirmer ? À moins que ce soit moi qui leur prête des intentions qu'ils n'ont pas !

Je paie et avant de repartir, je ne peux m’empêcher de m’approcher du buste et de lire le journal l’Humanité et son titre choc : Jaurès a été assassiné !

C’était le soir, il était assis ici même, le dos tourné vers la rue, la fenêtre ouverte, il faisait tiède, nous étions en juillet, quand un type a passé son bras armé d’un pistolet et a tiré deux balles dans la tête du directeur et fondateur du journal l’Humanité.  La pièce est jouée ! Tous ces efforts d’un homme de bonne volonté anéantis par une simple balle de revolver. Le tireur s’appelait Villain… Un nom prédestiné… Il avait 29 ans et était natif de Reims. Une question saugrenue traverse mon esprit : Juste avant d'être abattu, qu'avait-il mangé ce soir-là, Jaurès ? Son dernier repas avait-il été copieux, au moins excellent ? Je ne sais pas, il faudrait lire les documents de l’époque, faire une recherche historique…


J'ouvre la porte, me voici sur le palier à côté de la grande plaque de marbre, je détourne la tête, je ne vais pas la relire, je le sais par cœur, le texte ! J’ai comme un goût de malaise dans la tête, je traverse la rue, me retourne une dernière fois devant la devanture et je m’éloigne l’esprit troublé par ce passé pas si lointain quand même, on peut le dire, mais subitement présent par je ne sais quelle magie : une plaque, un buste, des photos, une date, un nom, tous les ingrédients semblent réunis ici pour forcer le présent à faire une place au passé.

En rentrant chez moi, je plonge dans mes livres comme pour vérifier mes impressions, alléger mon sentiment d’angoisse car ce plongeon dans un passé tragique m’a déstabilisé.

Cet endroit est à aborder avec prudence, recueillement et connaissance des choses du passé. Prendre un « petit noir » est d’habitude anodin, mais pas ici. Cette simple démarche prend une proportion considérable !

Il y a comme du bruit et de la fureur qui finissent de traîner dans ce quartier…

Raoul Villain fut emprisonné jusqu'en avril 1919, puis jugé et gracié. Il mourut en 1936, à Ibiza tué par les républicains espagnols au moment de la guerre civile espagnole. On ne sut jamais s’il avait été reconnu par les soldats comme étant le meurtrier de Jaurès ou non. Il était ultranationaliste et ne voulait qu'une chose faire la guerre à l'Allemagne et s'opposait donc au pacifisme de Jaurès. Il avait été reconnu malade mental au moment de son procès.

Pourquoi l'a-t-on gracié, la maladie mentale à elle seule, justifie-t-elle son geste ?
Les juges ont-ils pris en compte cela au point de le gracier ? Le mystère reste entier.



Michel Ostertag
  septembre 2014

Jean Jaurès
homme politique - socialiste (1859-1914)

Wikipedia Jaurès

- " Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. "
- " On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir :
     on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est.
- " Les progrès de l'humanité se mesurent aux concessions
     que la folie des sages fait à la sagesse des fous."
tiré du site Citations de Jaurès


Ils ont tué Jaurès...
par Michel Ostertag

       Francopolis septembre 2014
 

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Créé le 1er mars 2002- rubriques 2010