Ils
sont assis à deux places de distance, séparés par
la rangée centrale. Le métro avance par saccades
brusques. L'arrivée dans la station se fait dans un crissement
de pneumatique. Cela paraît l'agacer. Il jette des regards aigus
en direction d'un quelconque voyageur susceptible de croiser le fer. Il
est assis à côté d'une femme
élégante. Elle regarde loin devant elle. Ils ne se
parlent pas. On devine que c'est sa mère à la
façon dont il s'en éloigne, le corps arqué, en
défense. Il affiche une moue dédaigneuse. Son front se
plisse. Il tire de ses doigts repliés la manche d'un tee-shirt
informe dont il accentue manifestement la longueur. On devine qu'il est
le plus apparent d'une couche successive de tee-shirts qui le
protègent de cette insupportable traversée de
l'adolescence.
Justement
le métro semble-t-il un instant s'arrêter sur le pont
avant Bir Hakeim, qu'il déteste, la Seine et la Tour Eiffel et
tout ce tableau convenu, qu'il devrait peut-être trouver beau. Il
détourne la tête. Il bluese, quoi.
Elles sont deux, en
face de lui. Enfin, presque. L'allée centrale les sépare.
Tant mieux d'ailleurs. Elles ne l'ont jamais regardé depuis
qu'il est monté. Elles n'arrêtent pas de parler,
penchées l'une vers l'autre. Elles ont le même âge
que lui. Il le sait. Il tire plus encore sa manche. En fait c'en est
une autre, la couleur est celle d'un rose délavé.
Une des
filles pétrit sans arrêt son sac à dos. Il a pas vu
la marque, mais bon il lui plait bien. On dirait un GAP. Il aime bien
le gris un peu argenté. Bon ça l'intéresse pas
vraiment. Tiens l'autre lui a jeté un coup d'oeil. Enfin, on
dirait. Qu'est-ce qu'il en a à faire d'ailleurs.
Bon voilà ce
métro qui ralentit encore. Et puis l'idée de descendre
avec sa mère à Montparnasse, il n’ose pas y penser. Il
voit déjà la bataille à mener au long de la rue de
Rennes. Lui faire comprendre qu'un pantalon doit se porter trop long,
trop large parce que c'est comme ça. Sinon d'ailleurs, il n'en a
pas besoin de ce pantalon. Il ne veut rien. Il fourbit ses armes.
Celle du sac à
dos l'a regardé. Elle a de jolis yeux. Elle a dessiné un
trait sur sa paupière et le vernis bleu de ses ongles, ça
lui plaît bien. Les filles l'agacent un peu en
général. Elles n'arrêtent pas de parler. Elles
rient. La fille aux ongles bleus pétrit son sac. Elles partagent les écouteurs d'un
même Walkman. On peut distinguer un léger
grésillement de la musique. Il peut pas savoir ce que c'est. Bon, d'abord ça
l'intéresse pas vraiment.
Mireille
Dias-Florian
mars 2016
|