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Pieds des Mots : Actu 2010 - 2011

Omar M'habra par Ali Iken -  Khadija Mouhsine - Mohamed Loakira ... et plus

LES PIEDS DES MOTS
         Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...


JANVIER 2014

Hommage à Nelson Mandela

Les colombes se sont envolées,
Emportant votre âme vers l’infini,
Plus loin que le bleu de l’océan qui ceinture
L’île prison de vos dix-huit années de solitude.
Le monde entier vous pleure : vous êtes parti,
Laissant la terre plus vide que l’absence.
Pourtant, votre cœur bat
À l’extrême de nos mémoires,
Au plus profond de notre histoire.
Votre cœur est l’infinie présence de toutes les races,
Paumes ouvertes vers la lumière.

Vous nous avez enseigné que, malgré nos différences,
Notre sang coule avec la même teinte
Par les lèvres de nos blessures;
Que nos larmes ont la même saveur
Qu’elles soient de joie ou de douleur,
Que nos cœurs chavirent avec la même angoisse
Sous le poids des malheurs,
Que nous désaltérons nos soifs ardentes de paix
Au même puits de la fraternité
Et que nous sommes de la même race de l’espoir.

Dans l’île prison de Robben Island,
Quand les soirs vous apportaient,
Dans le bruissement de l’écume, le cri
De vos frères martyrisés,
Quand les aurores prolongeaient vos nuits
De cauchemars,
Quand l’angoisse vous assaillait de toute part,
Invictus devenait votre seule raison de vivre…
Dans votre abîme de douleur,
Les ténèbres n’ont pas emprisonné votre rêve,
La souffrance n’a pas brisé votre espérance,
Les cris n’ont pas altéré votre voix,
Les tortures ne vous ont pas ébranlé.
Vingt-sept ans dans le gouffre du malheur
Vous ont forgé une âme plus indomptable que l’océan
Et plus fière qu’un baobab.
Vous avez dompté la colère et triomphé de la haine.
Invictus!  Invictus!
Le monde salue votre grandeur, votre courage et votre dignité.
Vous portez dans votre voyage d’éternité
La longue plainte des laissés pour compte,
L’insupportable angoisse des réfugiés,
Le désespoir des exilés,
La détresse des enfants soldats,
La souffrance des exploités,
La persécution des minorités,
La lente agonie des peuples colonisés,
La solitude des exclus…
Parce que votre humanité est liée à la nôtre
Au-delà même de l’existence,
Nous continuerons la longue marche
Par-delà les frontières de la peur qui nous guette
Et entonnerons sur tous les continents :
Asimbonanga
Pour rejeter l’apartheid et la haine.

Le soleil s’est assoupi dans vos yeux,
Le silence a scellé vos lèvres pour toujours :
Un autre voyage commence, qui vous conduira
À travers les âges vers la source même de la lumière.
Les cailloux que vous avez cassés dans l’île prison
Sous le soleil et dans la poussière sont aujourd’hui
Autant d’étoiles qui illuminent votre nuit,
Si longue si passagère…
Dormez,
Dormez dans l’étreinte des nuages,
Dormez dans votre demeure d’éternité,
Dormez en paix. Le pays de la vraie liberté
Figure sur la carte de votre cœur.


Yves Patrick Augustin,
Blainville, Québec, Décembre 2013


***


à Nelson Mandela,

à ceux qui ne se sont pas résignés

et à nous qui saurons encore nous indigner


Je sais la pluie à la folie, je sais le vent, son chant. Je sais que les mots bercent et se serrent de rancœur, et s’enlisent de toujours et d’encore, de promesses sans valeur, dans la panse repue d’une langue d’éventail.

 

Des jours et des jours que le vent replie sa traîne, qu’on parque les oies pour des miettes de foie gras, et certains hommes ici-bas. Et danse, sur le ventre de nos nuits, l’empire et le pire qui fête son reflet. Des nuits et des nuits que le feu survit à sa peine, qu’on repeint de bleu ou de rose l’univers vert-de-gris, qu’on mise sur des chimères, qu’on a la vie mise à prix. Et dansent dans ma tête souvenirs de bataille, désirs sans effet. Des heures et des heures que le renard perçoit la haine, que des écrans nous hypnotisent, nous aimantent, nous magnétisent, qu’on triche avec les mots, qu’on nous ment, qu’on nous fascise. La beauté se monétise, de grenaille en mitraille, flétrissent nos petits princes. Et danse la grenade dans l’œil du chasseur. Minute après minute, le grand épouvantail, de son nom, bas de laine, langue d’attrape-mouches, gang de choléra, nous prend pour du bétail, et son rire qui tient lieu d’idéal, fleur de sang sur le poitrail. Et dansent, sur les murs, slogans publicitaires en poursuite triviale.

Combien d’images par seconde… « Chéri, est-ce le Che en série ? », « et Jaurès, c’était qui ? ».

 

J’ai des larmes nomades au no man’s land de la tendresse, on me donne trop souvent des nouvelles de la détresse. J’ai la main libre et le poing fier, l’impatience de l’orage. Mais je sais que donner demande courage et souvent nous n’avons que la rage.

 

Je sais la pluie à la folie, je sais le vent, son chant, je nous souhaite caresse pour apprivoiser le printemps. Je rêve pour l’humanité d’un arbre-nation et sa sève en mes veines, et son cri et le bris de nos chaînes : révolution.

Yves Béal - 2010



***


MADIBA



Nelson Mandela  mort, mais d’autant plus vivant 
Qu’il sut, pour l’homme noir, être un soleil levant 
Capable d’éclairer jusqu’au fond de sa geôle 
L’âme de l’opprimé découvrant que son rôle 
Est d’aider l’oppresseur à briser les barreaux 
D’une haine où lui-même entretient son ghetto 
En niant l’homme en
 lui quand il opprime l’homme. 

Et bien qu’un matricule en sa prison le nomme, 
Mandela le transcende en se tenant debout 
De toute sa noblesse, en gardant jusqu’au bout 
L’idéal qu’on voudrait qu’il renie en échange 
D’une libération qui donnerait le change, 
Mais l’emprisonnerait dans une indignité. 

Aux cruautés du bagne opposant sa fierté, 
Il vaincra pour finir la blanche dictature 
L’isolant sur l’îlot que cernait la ceinture 
D’un océan muet le vouant à l’oubli. 

Or c’était sans compter qu’il contenait Gandhi. 

 

 

                                                                   Yves Letourneur, 6 décembre 2013

Professeur agrégé de philosophie, Yves Letourneur est aussi poète. Membre de l'académie Mallarmé. Son dernier recueil de poésie Vertiges est paru aux Éditions Le Scribe l’Harmattan à Paris en 2012.

                                                            

Hommage à Mandela
par Yves Patrick Augustin
et Yves Béal et Yves Letourneur

        pour Francopolis janvier 2014
recherche Dana  Shishmanian

 

Le principe des Pieds des mots,
est de nous partager l'âme d'un lieu,  réel ou imaginaire,  où votre coeur est ancré... ou une aventure.... un personnage...

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Créé le 1er mars 2002- rubriques 2010