Écrire
Écrire,
c’est croire que quelqu’un va entendre ce que tu dis.
Écrire,
c’est entretenir ce leurre-là, le nourrir, même
si ce quelqu’un – et tu le sais au fond – c’est toi, l’autre
de toi. C’est ça le leurre.
Tant
que ça marche, tu continues,
et puis vient un moment où le leurre se
démasque et tu te sens un peu abusé par ce que
tu as créé.
La
vitre s’est brisée, tout est
possible alors.
Le
leurre n’a plus lieu d’être,
tu es seul, tu as perdu
ton reflet, ton ombre s’en est allée, et tu continues à
marcher tout de même, le soleil est au zénith et tu
marches et tu transpires, il fait chaud dans ce désert, tu
ne sais pas t’arrêter ou tu ne peux pas, c’est pareil, tu
marches comme ça, pour rien, tu sais que si tu
t’arrêtes, c’est fini, alors tu marches sur cette route
droite en plein soleil dans ce désert – nuage de
poussière, essaim de mouches bleues –, ta silhouette
se perd, peut-être n’as tu jamais existé,
peut-être
n’étais-tu
que poussière, leurre de poussière qui s’évapore au
vent.
François
Minod, in L’homme
au banc,
Editions Hesse, 2013
Francopolis
janvier 2016
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