Marie
Mélisou, trois
poèmes que j’apprécie beaucoup,
nimbés d’une certaine tristesse qui m’émeut. Je vous
invite à partager ces beaux moments de poésie. (choix
Michel Ostertag)
Les longs
mots sur les secondes du sable
il a effacé tous les jours de l’année
sur le sable de la plage pour en arriver là
il a réduit encore et encore
en cendres les cailloux
à tuer les longs mots sur les secondes du sable
puis a demandé pardon encore et encore
comme si le noir d’un très long corridor
où le sable de la plage n’a pas sa place
dont les portes fermées tiennent serrés le temps
la vie la respiration aussi
pouvait avancer sans brûler notre anéantissement
il a tué encore et encore
chaque lettres de longs mots
tous ceux nés d’amour sur les secondes du sable
puis accablé s’est frappé avec les grains
encore et encore comme se flagelle en punition
la grêle qui détruit l’ampleur du comprendre
il a gommé tous les jours de l’année
et les longs mots sur les secondes du sable
à néant il n’avance plus
sur la plage pas davantage
pourquoi un jour fait-on les choses
les choses en attente depuis si longtemps
à terme en saillie à l’heure nouvelle
comme passer en abscisse en ordonnée
d’un temps d’épices à un pas de velours arraché
ni long mot ni secondes
même plus un seul grain de sable
**
Si tu le lis
si tu le lis
alors que j’écris petit
mes mots ont encore un cœur
Si tu le lis, parce que je l’écris, voici : Durant la
nuit il est arrivé quelque chose au vent. Troublé d’un
frémissement plus que grand, une ampleur l’a tiré
d’où
il se vautrait à terre.
Ce vent, qui semble être déguisé, pose des touches
de couleurs et porte le bonheur d’un jour né.
Il renifle, monte, caresse. Il oublie ce que je
dis. N’entend pas ce que je crie. Il laisse des traces
de mon âme partout, ouverte à tous les sentiers. Chante
que personne n’est vraiment soi. Ni entièrement autre.
Si tu le lis, c’est que je le vis.
Et que je l’ai dit.
***
Sourdine
à deux temps
entrent
des faisceaux
sans
couleurs
ils
absorbent malgré
moi la chaleur
assise
seule sur la chaise
où
nous
étions deux alors
je te
peins en sourdine
de
portraits musicaux
utopie
voyage
d’un
inexistant face
à face
j’habite
seule la
pièce
où
nous
étions deux auparavant
les notes
sont mes
éphémérides
à
combler le
néant
comme une
cale sans air
au bout
du fond de tout
la
couleur moutarde
revêche
rythme
l’esclavage qui
bondit souvent
une heure
de temps en temps
mon cœur
dort sur le sol
où
nous nous tenions
à deux
n’effectue
par son
entrée
se
protège des
voleurs
et mon
cœur en docks
déserts
oublie un
peu les pas de
deux
grouille
de rats
agités et sourds
ils
troublent
d’émeutes à réprimer
tous les
airs
désemparés
même
ceux mis en
sourdine
Marie Mélisou, écrivaine
jeunesse, poète, une enfance heureuse, sans histoire… remplie de
mille histoires en livres...
Des
déménagements qui se sont succédés, Paris,
Toulouse, Paris, la Corse longtemps… puis en France. Je n’ai pas pu
garder d’amis de ma tendre enfance. Une boulimique de
lecture. Lire et écrire, obscurément,
étaient déjà indissociables. Je fête mon
trentième roman publié (souvent chez plusieurs
éditeurs…) D’autres romans sont en gestation ou commandés
pour les années à venir...
la rencontrer sur son Site.
Paule
Doyon, poète, romancière et
conteuse québécoise, j'aime son imaginaire et son sens
d'observation, sa poésie
nous emmène le pas léger dans des sentiers connus. (choix
Gertrude Millaire)
Deux soeurs ce matin en robe blanche
ont surgi entre les herbes
profondes.
les ombres un moment ont
joué avec elles.
le soleil s'est baigné
dans leurs corolles ouvertes
éclaboussant le
feuillage autour
de ses gouttes de
lumière…
2.
Les graines des
xylis éclatent
dans le marécage soyeux des couleurs
leurs délicates fleurs d’or
essaiment vers leurs tiges et feuilles nues
se dispersent et nagent sur le silence
meurent à l’ombre du réel
3.
Dans
l’ombre des sous-bois
vêtues de blanc de pourpre de couleurs
par grappes ou sur des tiges grêles
parées de feuilles
ces fleurs écoutent le chant des rivières
ou dorment dans les érablières
ou groupées en ombelles
emmêlées
dans l’humidité des marais de l’été
4.
Des
petites cloches roses
rampent dans le printemps
à travers les cailloux
sur les terrains siliceux
brillent leurs feuilles luisantes
friandises pour les ours
leurs baies rouges
éclairent les rochers
5.
D’autres
s’échappent
de leurs capitules
toutes fripées et violettes
sur des tiges poilues
elles courent
enlacées par leurs feuilles
le long des routes
tout l’automne
6.
Des petits
souliers or et pourpre
s’agrippent à des lacets de feuilles
pour hanter printemps et été
trotter sur les berges des rivières
galoper le long des fossés
jouer à cache-cache
dans les forêts de conifères
7.
Cinq
pétales écarlates
au centre de feuilles droites
et de fruits globuleux
animent les platières des rivières
les graviers le sable sec
et la pierre des rochers
8.
Des ombelles blanches
toutes petites
s’emmêlent en bouquets
dans les champs
pour fêter le printemps
9.
Des fleurs
solitaires
aux longues tiges
aux feuilles robustes
aux fruits de laine
dans les bois rocailleux
de juillet
10.
Des épis
beige et jaune
se bercent près de l’eau
sur leurs feuilles-plumes
avec de minuscules fleurs
des disques d’or
éclatent
haut ou bas
à travers de folles lances vertes
dentelées
11.
Dans un
fouillis de tiges fines
elles se balancent bleues
sur leurs feuilles étroites
dont meurent les basilaires
pour les laisser naître
les laisser folâtrer
sur les plateaux et les falaises
les rivages rocheux
12.
Échevelées
elles
émergent
de capitules frangés
de noir
à travers des
feuilles
vaguement pennées
roses pourpres
blanches
leurs couleurs bordent
les chemins oubliés
consolent les terres
incultes
et près d’elles parfois :
le roc silencieux
écoute le chant d'un ruisseau
qui court dans ses veines
brise le silence des arbres
dont les branches se penchent
pour respirer la fraîcheur de l'eau
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tiré ce poème.
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