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GUEULE DE MOTS -ARCHIVES 2010
Eric Dubois - Hélène Soris - Laurence Bouvet |
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GUEULE DE MOTS
Cette rubrique reprend vie en 2010 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR...Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage... libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture. etc
Ce
mois-ci, Charles Dobzynski se présente à nous.
Grand merci à Charles Dobzynski pour ce magnifique texte qui honore le site Francopolis. Je vous invite à lire son œuvre, poésie et récits. Cet auteur est une grande figure des lettres françaises.
Ceci n’est pas une confession. Ni une auto-fiction, comme le veut la mode. Ni même un auto-jugement. Qui saurait prétendre équitablement juger sa vie, ou la jauger ? Ce serait l’inscrire sur des fiches. Requérir ou plaider. La vie n’a pour avocat désigné que ses actes qui sont toujours des actes d’état civil en mauvais état, mal fichus comme les miens. Comment fait-on pour se traduire du présent à l’indicatif futur ? C’est que l’on appartient d’abord, corps et biens, à son passé. Le mien sort d’un trou à rats, un coin de la cave qui m’abrita un moment et contribua à me sauver la vie pendant la guerre. Ce qui m’a sauvé aussi, d’autre part, c’est un réflexe, le contraire d’un trou de mémoire : la réplique non préméditée du souvenir sous forme d’une chanson. J’avais été pris au piège de la rafle du 16 juillet 1942. Comme un policier me demandait où j’étais né, j’eus la présence d’esprit de lui mentir – répondre «à Varsovie» me condamnait à être embarqué vers Drancy… Ce qui me vint en tête et sur la langue, spontanément, c’est le refrain d’une chanson très populaire – on dirait un tube aujourd’hui – interprétée par Mistinguett. Et je lançais, sans fredonner : «Je suis né dans l’faubourg Saint-D’nis» provoquant l’hésitation du policier – l’ordre était en principe de ne pas s’occuper des enfants nés sur le sol de France – Il m’accorda un répit (était-ce voulu ? c’est plausible !) qui nous permit à ma mère et moi de nous éclipser sur le champ… Détail
anecdotique, dira-t-on. Certes, mais qui montre que la vie a plus d’un
tour dans son sac et que s’il lui arrive de ne tenir qu’à un
fil, cela peut être le fil d’une chanson ! Mon enfance a
connu le sévère apprentissage de la clandestinité,
de l’humiliation, de la mort partout aux aguets. «J’ai
porté l’étoile jaune / enfoncée jusqu’à la
garde» ce vers ponctue ma chronique des années noires et
mes premiers pas en poésie. Peut-être ai-je
découvert la poésie comme échappatoire, seul moyen
d’évasion d’une condition devenue inhumaine. C’était un
autre état, une seconde nature. J’ai même parlé de
seconde naissance qui modifiait radicalement la
configuration de la première et lui donnait un autre sens. Charles Dobzynski
*** Charles Dobzynski est
un écrivain et poète français, né en 1929 à Varsovie. Il naît en Pologne, mais sa famille émigre en France lorsqu'il est à peine âgé d'un an. Il échappe de justesse à la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale, mais sa famille doit se cacher. Sa mère l'incite à la lecture très jeune. Il dirige un temps une entreprise de textile.
Il
a publié une quarantaine de recueils de poésie, ainsi que des poèmes en prose
et des romans et nouvelles. Le dernier ouvrage, intitulé « J’ai failli la perdre » est édité aux éditions de la
Différence, 2010
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Quand les mots en ont assez Charles DOBZYNSKI
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