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GUEULE DE MOTS
Où les mots cessent de faire la tête et
revêtent un visage...
Cette rubrique reprend vie en 2010 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR...
libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts
littéraires, de son attachement à la poésie,
de sa façon d'écrire, d'aborder les
maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle
à
l'écriture. etc.
Ce mois de novembre 2011
Libre parole à… Claude Lamarche
Une auteure
québécoise nous parle de sa vie portée par
l’écriture, son amour des livres, crayons, cahiers, voyages et
ce questionnement : Pourquoi j’écris ? Éternelle
question, réponse difficile ! Cette passion de
l’écriture, ce besoin quasi viscéral d’écrire,
cette volonté d’être publiée, ce désir
d’être lue, reconnue des autres, les lecteurs, tout cela nous
touche terriblement, membres de Francopolis que nous sommes. Cette
quête des mots, des images, des idées, douleur aussi de ne
pas être lu, joie de l’être. Une « voix-sœur
» en quelque sorte, comme un écho à ce que nous
pensons, nous aussi. L’écriture donne un sens à la vie,
à notre vie. L’essentiel est là. (Michel Ostertag)
Comment
m’est venu ce besoin d’écrire? Probablement qu’il a toujours
été là. Bien avant l’école, je ne
barbouillais pas des dessins ou je ne calculais pas mes sous, non,
j’accumulais les crayons, les cahiers et je lisais. Je
préférais les devoirs aux leçons et même mes
leçons, je les écrivais. J’étais bien avec
les lettres comme on peut l’être avec un biscuit au chocolat et
un verre de lait. Toute ma vie les livres et les cahiers ont
accompagné mes activités, mes voyages. Je parle
facilement, mais j’écris encore plus que je ne parle. Passer du
cahier à l’ordinateur a été un enchantement : je
pouvais écrire encore plus et plus rapidement. C’est
dans le cadre d’un atelier d’écriture où l’animateur nous
a demandé pourquoi nous écrivions que j’ai écrit
le texte suivant.
Pourquoi j’écris ?
Un chapelet de raisons
D’autres viendront encore quand tout aura été écrit, épuisé
aussi long que les jours et que les nuits
aussi lourd que le poids des mots qui se bousculent plus souvent qu’ils ne coulent
Autant de raisons que de raisons de vivre
Trouver un sens à la vie, à ma vie
Dire mieux et plus que la parole souvent maladroite et superficielle qui s’envole
Décrypter les silences
Expliquer les cris
Décortiquer les doutes
Dénoncer les révoltes
Démontrer la honte
Dénouer les colères après les avoir exprimées
Fleurir les tombes
Honorer les morts après les avoir déterrés
Raconter les histoires des autres après les avoir entendues
Parler au nom de ceux et de celles qui n’ont pas facilité de parole
parce qu’à moi elle m’a été donnée
comme à mon père, forte et aisée
Par mes parents, oui
dans tous les livres qu’ils m’ont offerts
dans les heures tardives, penchés sur leurs travaux
à chercher le mot juste
mais plus encore, parce que partage, une amie très chère
Des mots en cachette en classe
du morse chez les guides, un code entre nous
des petits cahiers noirs, noircis d’encre noire et bleue et verte
au gré des humeurs
Perdues de vue pendant dix ans, nos mots nous ont retrouvées
Depuis, des milliers de lettres
qui disent l’amitié scellée à vie
Faire beau
Faire littéraire si possible
Pour plaire
Dire aux gens que je les aime
Me faire aimer
M’aimer
jusqu’à l’épuisement parfois
jusqu’à me lever la nuit, réveillée par l’urgence de le dire.
Pour être entendue, pour être lue,
Publiée, publiée, publiée
Oh ! que j’aimerais pour gagner ma vie
Au Québec, si difficile
Non pour la gloriole ni la pérennité
non, simplement continuer, sans m’attarder à toute autre occupation
Pleurer ma peine
Consoler l’enfant en moi
Me réconcilier après avoir regretté
M’excuser
Comprendre
Tout et rien
Des petits riens, des listes
Ne pas oublier les bananes à acheter
Penser à la salade de betteraves à servir
Me souvenir des choses à faire
Me donner une raison de me lever le matin
Et de ne pas me coucher le soir
Le temps accordé si court
Pour oublier, m’évader
Conjurer le sort
Naître à ma vie
Goûter à l’allégorie, à la musicalité des mots
À cette douceur qui ne vient pas naturellement
L’inviter
Devenir tendresse
Laisser venir l’émotion sinon refrénée par la froidure des gens
du temps
Aller au-delà du regard des autres
Laisser couler le trop-plein
Cesser de parler aussi
Apercevoir le silence par delà le cumul des mots
Calmer la vague déferlante
Remercier
Sûrement copier
Tous ces auteurs admirés, lus,
dont je retiens à peine le nom, peu souvent le titre
mais toujours l’émotion ressentie, l’essentiel
Essayer de saisir cet essentiel
L’enrober dans un dédale de détails pour que les pages deviennent livres
Se servir de l’imaginaire
parce que l’essentiel, un diamant brut
une lumière aveuglante
Le dire dès la première page, dès la première ligne
On n’y verrait que du feu
Il lui faut une histoire
l’histoire d’une vie parfois
Jusqu’à être
Jusqu’à naître
Dans l’écriture des autres, j’ai trouvé leur vulnérabilité, leur sensibilité
Qu’on ne détecte pas dans l’effleurement des conversations.
Là que je m’y cache, là qu’on me déniche
L’écrit entraîne la mise à nu.
Dans mon écriture, le meilleur de moi-même
Tapi, enfoui
exploré
Laisser des traces
Moi qui n’ai pas d’enfants
En gestation souvent
qui souffre
qui crie
qui enfante pourtant
Rejetée souvent
qui marche vers la mort
mais qui jusqu’à ma mort
ne cesserai d’écrire
pour dire la vie.
**
Claude Lamarche
Elle
est née un printemps de 1950, elle connaît plusieurs
villes, une quinzaine de maisons, autant d’écoles jusqu’à
ce qu’elle s’établisse et travaille dans la Petite-Nation, en
Outaouais (Québec)
Elle enseigne le français au secondaire pendant quelques
années, essaie de devenir écrivain, et comme sa famille
achète un hebdomadaire, elle commence à s’occuper des
mots des autres et devient plus graphiste qu’auteure tout en continuant
d’écrire et de publier quelques textes ici et là.
***
Mes goûts littéraires :
Je suis de la génération qui a été
instruite avec la littérature française, alors il est
certain qu’entre un roman américain et un auteur
français, je choisirai d’abord la France. Bien sûr, la
littérature québécoise a toute mon attention et
j’essaie de m’intéresser à tous les auteurs. Je me suis
aperçue avec les années que je privilégiais les
livres écrits par des femmes, probablement par identification.
Mais, peu importe le pays, l’auteur, mon regard se jette
automatiquement vers le roman, les biographies, très rarement la
poésie. J’ai eu ma période policier qui s’est surtout
limitée à Agatha Christie. La nouvelle mode de
science-fiction et fantasy ne m’attire pas du tout.
Mes autres passions : Pendant longtemps lire, écrire et voyager
(en camping-caravaning surtout) m’ont accaparé, mais avec les
années, j’ai ajouté la généalogie et
à la photographie, mais en amateure, très amateure. Mon
travail de graphiste m’a menée au montage de livres, de
journaux, de dépliants, de sites Internet et chaque fois, ma
créativité y trouve son compte.
Mes publications :
À 26 ans, je croyais bien devenir écrivain, j’ai
réussi à faire publier quelques écrits : romans
pour jeunes, romans pour adultes, mais il a fallu ensuite payer mon
beurre et je me suis plutôt occupée des mots des autres,
tout en publiant ici et là quelques textes, à compte
d’auteur surtout. Disons qu’il me reste encore quelques exemplaires de
la biographie écrite sur mon père : Jacques Lamarche, un homme, une époque. En 2011, j’ai renoué avec le roman en écrivant Les têtes rousses qui raconte la vie fictive de mes ancêtres irlandais aux Éditions Vents d’Ouest.
Plus de détails sur mon site que j’ai monté, en autodidacte : Des pages et des pages
Quelques Liens :
Membre de l'AAAO
La Petite Nation et Voir, présente "Les têtes rousses"
Entrevue : Le tout pour le tout avec Claude Lamarche
son Blog
pour Gueule de mots décembre 2011
recherche Gertrude Millaire
responsable Michel Ostertag
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