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GUEULE DE MOTS -ARCHIVES 2010
Eric Dubois - Hélène Soris - Laurence Bouvet |
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GUEULE DE MOTS
Cette rubrique reprend vie en 2010 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR...Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage... libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture. etc
Ce
mois-ci, je vous présente Jean-Pierre Lesieur, une figure incontournable de la
poésie contemporaine. Poète lui-même, éditeur de revues de poésies, il est la
« bonne âme » de tous les poètes en recherche de soutien. Par un
accueil indéfectible, le poète de talent est accueilli et publié dans sa revue.
Jean-Pierre Lesieur, à-travers ses écrits et ses poèmes a le talent de mettre
son grain de sel dans le microcosme
poétique ; de ses Landes où il vit, il décoche ses flèches acérées sans
crainte ni remord. Il n’hésite pas à dire les quatre vérités à tous ceux qu’il
dénonce. Un
grand merci à lui, au nom des lecteurs de francopolis. J’aime la poésie, j’aime
la poésie. Je l’aime tellement que c’est la troisième revue que je publie en
fabriquant moi-même les numéros un à un et en les diffusant par correspondance.
La première s’appelait Le puits de l’ermite, la seconde, plus
innovante, Le pilon et la dernière que je fabrique encore
aujourd’hui Comme en poésie. Mon activité poétique
s’étend sur une cinquantaine d’années durant lesquelles j’ai été au cœur de la
poésie. J’ai connu une poésie qui ne se faisait pas chez les grands éditeurs,
souvent même pas chez les petits, mais plutôt dans cet Underground qui a mené
beaucoup de poètes vers l’édition, ou vers l’abandon pur et simple, quand ce
n’était pas vers la mort comme André Laude. J’ai connu aussi le compte
d’auteur et ses arnaques contre lequel fut fondé le CALCRE et qui aurait dû
moraliser l’édition, ce qui, quand je vois aujourd’hui le nombre d’éditeurs,
qui demandent aux poètes de l’argent, pour faire simplement leur boulot
éditorial, n’est pas une réussite totale. J’ai connu des petites
revues ronéotées, tirées sur des presses à épreuves, ou simplement manuscrites
et leurs animateurs pétri de foi en la poésie et de désir pour mettre leurs
textes à la portée du plus grand nombre. J’ai d’ailleurs réuni,
dans mon garage, que j’ai baptisé « garages aux poèmes », tous ces
fascicules tirés parfois à très peu d’exemplaires et dont il ne doit plus
rester de traces dans le monde poétique avec un grand nombre de recueils,
mettant le tout en lecture publique et gratuite. J’ai tenté de mettre de
la poésie tract, dans les rues, dans les facultés, dans les écoles, dans les
postes et les transports, avec Dagadès, Jean-Paul Besset, Claude Ardent,
Cussat-blanc, et d’autres. C’était en 68/69. Tout ceci pour dire que j’ai
vécu la poésie de l’intérieur mais avec un œil de revuiste, souvent
impécunieux, et sans soutien de l’establishment, auquel je n’étais inféodé ni
d’une manière, ni d’une autre. J’ai connu aussi les
lettristes, Isou et Lemaitre qui inventaient une poésie parfaitement inaudible
et qui n’avait aucun sens, qu’ils allaient déclamer devant des travailleurs de
chantier, éberlués. C’est de tout ce passé
que j’ai tiré un jour la leçon que pour ma poésie et pour celle des autres le
meilleur vecteur était de fabriquer soi même une revue. Je me suis donc donné
les moyens de mettre cette réflexion en acte. Avec des casses d’imprimerie et
une petite presse Freinet, au début, une Gestetner ensuite, puis plus récemment
des moyens plus actuels,( ordinateur, photocopieuse, reliure à la colle et à la
main, j’ai réalisé mes besoins d’impression. Et j’ai publié en revue la
bagatelle de plus de 500 poètes contemporains. C’est une ambition comme une
autre. Ma propre poésie a hérité
de cette manière d’être sous-jacente d’une certaine révolte et d’une recherche
vers la simplicité en poésie qui n’a pas toujours été bien comprise de mes
contemporains. J’aime bien aussi utiliser des petits personnages Petit plus, mi
ordinateur mi homme, Zébane Fanfreluche le doudou qui vit au fond d’un
sac de dame, et les faire évoluer dans un univers où tout n’est pas
facile. Ma vie aussi me sert de descente dans les dessous de la
poésie : infarct que j’ai écrit après un infarctus en hôpital, ballade
bitume, ma vie pendant la guerre dans les rues du Marais à Paris, le mangeur de
lune, journal d’une vie réinventée et réelle, Olga saudade for ever, une idylle
qui ne finira qu’avec moi. L’animal poétique et ses munitions, qui prend le
poète comme cible. Depuis quelques temps
j’ai découvert le théâtre pour jouer mais aussi pour écrire et j’ai commencé
une collection en ce sens aux éditions Gros textes avec Portes ouvertes ou
rouges, qui mêle des poèmes et des courtes scènes et donne un souffle
particulier à la poésie dite. Si je jette un regard en
arrière et que je vois la production de poètes que j’ai vus démarrer en même
temps que moi je me dis qu’il y a entre eux et moi une grosse différence de
publications. Je pense que je ne suis pas dans la ligne de la poésie qui se
fait, en maniant l’humour, la dérision et la révolte pas toujours maîtrisée. Je
n’ai pas publié chez de grands éditeurs mais en avais-je envie ? Je me suis toujours
ressenti comme un petit poète, quelqu’un de dérisoire, qui dit ce qu’il peut
dire et qui réalise ce qu’il peut réaliser, un artisan de la poésie, plus qu’un
artiste installé c’est comme ça que je me sens en accord avec moi-même. Je trouve que la poésie
actuelle part dans tous les sens, il n’y a plus d’école, plus de chapelle, on
trouve de tout sur Internet et hélas beaucoup de déchets poétiques et je veux
me battre jusqu’à mon dernier souffle que la revue papier reste l’aune de la
publication en poésie. Je reconnais à Internet,
la vertu du relationnel, les possibilités énormes de mélange des différents
arts en une fusion poétique, la puissance de la communication et le pouvoir de
diffuser des idées. Mais pas pour le poème. Je disais que la poésie
actuelle, plus peut-être que celle des autres générations est le fait
individuel. Les poètes qui demandent à faire partie d’un groupe sont
inexistants, d’ailleurs il n’y a pas de groupe et aucun éditeur ni organe pour
les fédérer. Beaucoup me parlent de leur solitude, des difficultés qu’ils
rencontrent à se faire publier, de la déception de la diffusion de la poésie
que plus personne n’organise. Les revues remplacent les comités de lecture chez
les éditeurs qui se servent souvent à même les revues pour faire leur marché.
Ils publient bon an mal an quelques poètes dont ils ne peuvent aider l’édition
par les autres diffusions plus rentables. J’ai côtoyé des grands et
de moins grands poètes, personnellement et dans leurs écrits. J’ai vu vivre de
petits éditeurs, qui se battaient comme des chiens, pour éditer de jeunes
poètes, au début, à compte d’éditeur, et qui viraient leur cuti quand ils se
rendaient compte du peu de bénéfice, qu’il pouvait retirer de leurs ventes. La poésie m’a apporté
beaucoup de joie, de plaisir, mais surtout par les contacts que j’ai pu établir
avec les uns ou les autres et dont j’ai gardé trace, en moi, pour toujours.
*** Jean-Pierre Lesieur (né en1935 dans le Marais à Paris) est un poète français contemporain. Son œuvre
Il a participé à la création de plusieurs revues de poésie :
Il est l'auteur d'un certain nombre de recueils de poésie :
Il participe à ne nombreuses revues de poésie et apparait dans
quelques anthologies. FAIRE SURFACE
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