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Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage

L'A P P E L   A   L'E V A S I O N

par Maud Pace


Nous prenons la foudre, je ne vous dirais pas comment, car nous-mêmes nous ne savons pas.

Je prends des photographies de moments en fuite, pour demain aussi, parce que je ne veux pas oublier ce qui est beau.

Prendre le geste à graver à la main, faire une avancée dans le réel à l'oeil, pour une image qui lorsqu'elle n'est plus sous nos yeux, se prolonge et nous emmène au-delà de ce qu'on ne veut pas, de ce qu'on ne voulait pas. Cette image disparue de la quintessence de la lumière, réapparue dans tout le brasier que je voudrais inscrire indélébile sur le filigrane des jours, de tous les jours, vivre, le constamment du cœur en plein soleil.

J'ai longtemps attendu l'indisponible vent, l'éclair jusque dans la gorge, la photographie de ton air qui m'envelopperait, ton esprit dans l'objectif, ton baiser à prendre, à rendre l'aura, la photographie de toutes nos nuits, de toutes nos vies idéales pour après notre cœur de sang.

Apprendre les trous d'air qui font bifurquer tes routes, atteindre l'unique échappée et ne plus nous quitter des yeux.

Il pourrait alors rester un paradis et surgir l'accordement des instruments avant la représentation, ces tintements intemporels où que l'on soit, sourds, vibrants, la langue râpeuse dans l'accordement des cordes, dans l'entrebâillement vocal de l'œil qui écoute, je veux voir plus que ça, ce que je vois ou croit voir de la solitude, je veux entendre tes grandes routes s'emplafonner en profondeur dans ma tête.
S'écouter fuir, se parler au travers de nos paupières translucides, t'écouter me fuir, comprendre tout ce temps par siècle qu'on n'aura pas, respirer tout le présent qui nous aspire la chair et les os, faire naître un autre temps, un temps aux immédiates et saisissantes faces neuves d'an neuf secondes pour que l'amour ne se perde pas, ne coule pas, ne se perde pas dans le passé laissé, laissé avec la mort blanchie comme des langes chauds noués à cette odeur de naissance.

Désirer c'est prendre, c'est perdre ; Aimer c'est donner, c'est atteindre ; s'Evader c'est vivre, qu'est-ce qu'on fait de ce paquet de temps morts ou perdus…, en vivre la tête brillante jusqu'aux étoiles et nous dire oui.

Les temps morts où le temps ne fait plus partie du jeu d'ouverture spirituelle qui s'écarte comme l'horizon du brouillard, les phares se détachent de la mer, un guide des brumes, des cannes d'eau bénite dans les petits ruisseaux qui creusent les joues, tout donner maintenant et ne plus se sentir mourir.

Un soupirail blanc dans les lichens, des lucarnes d'oxygène, des négatifs fuyants dans la voix, un soupirail sous l'océan, des chants mystiques pour visage, les temples au grand Himalaya, l'opium dans la neige, je veux m'allonger au seuil des temples comme l'alcool s'étale sur les pavés de sable, des fenêtres des lucarnes s'infiltrent coulées dans l'eau pour monter au ciel, dans l'eau des lanternes grises, nos doigts ouverts dans la bruyère et monter au ciel, notre pensée en particules de feu allongé et de plumes éclatées, des coquelicots tendres et fragiles sur les seins, hémorragies intimes percées imperceptibles, hémorragiques, hémophiles danses, inaudible âme oiseau se fondant aux draps, en exil s'envole adoucit, l'évasion attrapée en plein vol bas et sombre, l'évasion voulue comme un enfant, les poissons volants dans l'entrée, des enfants aux cheveux blancs, les volants bleutés miroirs mourant dans nos bras, les poissons d'argent d'argile blanc, les bateaux à tes pieds dans mes coquillages, l'âme attachée se détache, l'âme délivrée casse les loquets, l'âme libérée décrispe les verrous, vaporeuse trace de ton doigt dans les serrures.

Le dehors appelle pour perdre nos dedans, y retourner, un cri lié à la porte, l'évaporation libératrice, l'exploration nécessaire, je rejoins, en fuite, je sors de chez moi, je me cognais, je titubais, je me cogne aux tableaux, je souris à fondre dans tes sourires, un soleil magnifique en brûlure périphérique, je dépose un autre grain de sable à la dune de questions.

Continuellement à m'harnacher d'évasions, piquets d'alpinistes et soleils aveuglants plantés dans les côtes embrassées, m'effacer dans mes propres pas, architectes enjambées, en marche les blessés main dans la main, avoir mal aux jambes, aux talons, dans les talons la faim d'amour, continuer, s'annuler et monter dans les vibrations, je vois ce que je veux voir, toi, je crois que c'est dans cette direction, mon ailleurs, les matières transpercées de lumières, la clarté dans les doigts, ronger de toutes mes dents et mordre chaque couleur, nous ouvrir un chemin dans la lumière libre.

J'ai vécu par respirations longues et profondes, je me suis écroulée dans tes feuilles d'encre mouillée tombées demi-mortes rousses à la boucle d'azur soufflée, je marche encore sur ton ciment, gravillons d'asphyxie de joie et détritus, des cauchemars, mes inconsolés, mes sans bras, mes emprisonnés, nos cauchemars de pureté scellée aux pores, mais toi.

J'ai fini sans voix par ne plus penser entre les murs, à penser me dégager du noir, ou ne plus penser qu'on s'évade vraiment, je ne cherche plus entre les murs l'interstice qui sauve qui bascule d'un autre côté, je cherche le ciel à construire et les arbres éclatants, le feu fauve qui bouscule et nous ouvre la langue en deux, le silence coupant, mais dans mes poumons déposer l'espace immense, l'évasion qui nettoie de tout, le mouvement de ton regard dans un autre mouvement d'air sur la chair, un cataplasme, hors de tristesse je creuse un trou, je ne repose pas les clefs que l'on voudrait perçu comme un appel à l'étouffement, mon hors sujet sain et sauf sur les oreillers de paille et de pluie de sueurs. Un appel à l'étouffement, une abeille sur tes feutres, dans nos poumons l'espace immense, les cadenas défaits sur le sable, hors de vue.

Une disparition entre les allées, se décaler et disparaître un momentm ou disparaître pour de bon, je pense au vent qui emporte tout, les échelles de souvenirs envolées au-dessus des toits, une tranchée dans le sable que j'avais creusée par mauvais temps, des poumons comme des caves incendiées, des bourrasques pour les morts, je suis restée allongée à l'abri de la fumée dépotoir, à raser le sol, à manger les embruns, les mains droguées avec ta langue d'algues douces, le doigt glissé dans la bouche, on se crée l'évasion dans nos yeux qui se ferment, dans nos corps qui marchent, dans nos corps qui se replient, dans nos corps qui dégringolent, nos paupières éclaboussées d'air, l'air de ta bouche qui rampe, sur nos corps qui se peignent, nos yeux d`eau battante recouverts, et nos cheveux d'oiseaux fous, et nos cheveux dans le toucher de l'eau et des fous de Bassens, le toucher de ta peau qui ne voudrait glisser qu'entre mes mains, les pluies d'orage dans nos glaces, cette finesse appuyée et humide des liquides qui coulent sur les membres, tes grains de beauté, mon évasion d'eau salée, nos clapotis à boire et la buée pour se dessiner dans la terre.

Un bonheur d'air pénétré, j'ai longé suintante tes pénétrations, j'ai marché dans le rouge, dans la mousse garance en foncé, dans le verre j'ai crié l'oxygène à la maximale profondeur orgasmique de respirer notre vie en se tuant d'Amour et qu'est-ce que ça m'fait trembler.

Mes sensations, le plasma qui coule de tes plaies.

S'insuffler l'Or d'Aimer, libérer la bouche, la bouche de la statue, ma statue assise en position d'homme aspiré, le cœur balançoire au cœur d'une larme, un sourire à ne pas faire, les sourires sans ailes, les sourires sans mains, les limites imberbes.

L'évasion, la substance vitale m'aime, le grand huit et vomir de plaisir, des lettres ad infinitum ouvertes, des lettres qui remontent à la surface, un asile de suicides colorés illuminant le noir continuellement, l'obscurité déchiquetée, par cloque, en claque exerçant la pression des mains qui poussent le corps à se relever, ma bouche dans tes aspérités.

Continuellement comme un mouvement thérapeutique, l'évasion. Des vœux d'évasion, beaucoup, un apaisement au ciel qui s'effondre, toujours, un brassard de chair chaude bienfaisante aux déchirures, même sans se bander les yeux, même sans musique pour la première pendaison, les marches à l'opium sur l'heure libre, un fil, un de tes cheveux sur le piano, une de tes cicatrices, un empêchement de rire, le monde de mon propre corps, un empêchement de rire, sans les dentelles blondes
éphémères cousues sur la nuque, avec les vies d'une heure sans ailes ni lui, ton index dans mon corps, un fil photographique dirigé par l'expression de nos suicides évadés.

Sous les coudes la sève, des fleurs livrées écrasées, la poussière sucrée des fruits secs, le rouge des roses qui devient bleu marine, sous la pulpe douce le bras reforme l'épaule au doigt s'effrite la peau redessine les grains et les murmures frottés aux frissons, j'évade les envies enfermées dans tes absences, partez toutes.

L'âme en exil dans les jambes, l'âme prise à l'arrache sur un comptoir d'assassins, sur les muscles démis déchirés dans les fleurs comme de la rosée aux yeux en larmes, à genoux dans un trou, dans votre déchirure, on crache, on part empoisonnés.

Nos corps déplacés pour s'évader, pousse-moi plus loin, relève-toi, à genoux dans un trou ; les chaussures perdues à la recherche du ciel venu voler nos yeux d'enfants, la langue immobile dans les flashs pendant la plus forte respiration, pendant l'affolement par une silhouette qui tambourine sur la vitre,  la chute réverbère des souvenirs à notre ventre, la boue les cordes la force tirée possédée par les nouveaux battements, les images qu'on ne veut pas à nous, au milieu du sang les cuisses, les nouveaux matins aux odeurs adorées pour se recoudre en corps premier, en corps unique, les mains au fond d'une crevasse, glacier plein, au sommet la foule au ralenti ; les sources cramées, les racines mortes enterrées dans votre jardin, je vole mon évasion et ce sol que je ne touche plus, aveuglée.

Les ailes lissées, plume lissée à plume lissée à la bouche blanche, lissée au bout de la langue entre les lèvres et voir s'envoler le mot du temps de vivre « l'évasion », l'évasion prisonnière des yeux ouverts qui nous échappent.

Mes yeux dans ta direction, on s'éloigne, je m'approche de la lumière, je te porte d'une nuit, on se rapproche, on se voit au présent, à la corne de vieillesse de la jeunesse, les caresses, les évasions contre les paralysies, les musiques `désériennes' bleues, trop belles bleues baisers, ces anges-là tes bras pour monter au ciel, les couchers de soleil sur ton visage et dans nos voix qui savent trembler, les rires de sables organiques.

Du calibre sur la tempe à la pointe dans les veines, le temps de vivre, vibratoire évasion, les mains réunies, les mains tenues, les mains données, les doigts frôlés, l'enlacement, Tout l'Amour, l'évasion en pleine apogée lorsque tu me prends la main.

Maud Pace, janvier 2005


 

à sitefrancopcom@yahoo.com

 

Créé le 1 mars 2002- rubriques novembre 2004

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