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GUEULE DE MOTS


Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage


Ce mois de mars 2006:


LE MÉTRO HUMAIN
Poème sur l’uniformisation et le vide des troupeaux de moutons humains, avec illustration en noir et blanc

PAR

DAVID MYRIAM


Encerclé de barbelé lumineux,
sous terre,
dans un fracas d’enfer,
je suis assis par terre
loin de la queue,
mon pinceau à la main.
Au milieu des bipèdes
qui s’enfuient en tous sens
non, pas en vélocipède
oui mais, dans quel sens ?
Mais cela a-t-il un sens ?
Une énorme masse grise et noire
se traîne en hurlant et suant
entre les couloirs,
avec sous sa carapace de vent,
du liquide pour un an.
Elle tire aussi son coffre-fort portatif
et son existence de plaisirs factices.
Une ménagère édentée
entre ses oreilles étoilées,
sous sa fourrure «  époilée »,
piétine rapidement le temps
en tirant ses poches de plastique
pleines de nature en plastique.
Elle traîne aussi son mal aux pieds
et toutes ses heures de télé.
Un affamé passe avec sa gaieté,
un mort-né passe avec son blé,
un fantôme trépasse dans la masse.
Une palette de peinture
dégouline jusqu’aux murs,
elle brille comme un néon
sur des pieds en accordéon.
Enfarinée, ligotée, empestée,
elle recherche son ombre
dans les couloirs glacés.
Mais l’horloge l’a emportée.
Les pendules tournent, tournent...
Tic tac tic tac tic tac...
Tip tip tip tip tip tip...
Les pointes acérées
martèlent le temps.
Enfermé dans sa grille
et sa gaine oppressante,
un tas de chair molle
offert au dégoût
de ses idoles
clapote dans la boue.
Son petit pois sautille
au rythme de ses pas.
Poings crispés,
mâchoire serrée,
marche calculée,
tueur assermenté,
froid carnassier,
ca-rapace numérotée,
un représentant du désordre établi
déambule à la recherche d’un délit.
Il protège le "bien"
des masses grises
et des femmes de Noël.
Fier comme une publicité,
un vieux con tyrannique
coincé dans un froc fané
court dans un carré fermé.
Il est l’élite de la clique.
Deux trous ternes et cruels
au fond de ses cavernes
cherchent une proie
pour lui soutirer son temps.
Mais il finira masse grise
car l’argent c’est du temps perdu.
Un loqueteux passe avec ses baveux,
un coq passe avec ses doc,
un bab passe avec ses fables,
un joint passe avec les siens,
un "noir" passe avec son noir,
une guitare passe avec son histoire,
des yeux vagues passent avec une vague,
un rire passe mais ne s’arrête pas.
Un enfant passe avec ses parents,
mais il se retourne,
mais il est traîné,
il veut me supplier,
il ne peut plus jouer.
Enchaîné à une main,
qui pourtant voulait son bien,
qui voulait avoir le sien
pour lui imposer leur vie...de rien.
L’oiseau de la revanche
volette de planche en planche.
Il ne peut plus s’envoler,
les hommes l’ont entraîné
avec eux dans l’obscurité.
Mais soudain un engin luit
et surgit dans le bruit,
et la pâte à modeler
se rue dans ses flancs mécaniques.
Dans un fracas d’enfer
les hordes grises,
les sapins en plastiques,
les paumés, les modelés...
sont emportés dans la terre
à tout jamais pour leurs vies de vers.
Un ronflement lointain s’amplifie,
une masse difforme apparaît lentement.
Inexorablement,
elle aspire, broie, nettoie
tout ce qui gêne la loi.
Elle enlève les ordures
pour rendre le béton des murs
lisse et étincelant
avant la venue du prochain chargement.
Mais lentement je me suis levé,
elle ne m’aura pas pour dîner.
Pour se venger de ma liberté
elle efface aussi cette histoire
que j’ai tracée sur son béton.
Alors je remonte vers la lumière
et je finirai de l’écrire...
dans ma tête.
L’horloge s’arrête.


Illustration du poème "Le métro humain"
Dessin en noir et blanc pour illustrer la poésie sur le métro

David Myriam

Né le 25 août 1969 de Nationalité française.
C’est au début des années 1990 que j’ai en quelque sorte découvert ma vocation d’artiste, je me suis mis petit à petit à faire du dessin et de la BD, puis du cinéma d’animation à partir de 1994, tout en pratiquant l’écriture de poèmes, nouvelles et autres écrits.

VISITER son site
Mieux le connâitre, lire l'interview fictive de David Myriam


                           pour Gueule de mots mars 2006



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