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GUEULE DE MOTS


Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage


Ce mois de avril 2006:

ÉCRIRE  EN  ATELIER


PAR

PHILIPPE VALLET


Je sais, il y a écrire et puis écrire pour écrire des livres,
et puis il y a écrire en atelier.
Est-ce écrire Monsieur ? Peut-on le dire ?

Écrire juste un geste sur du papier, des mots concentrés en bout de main, cristallisation.
Un geste écrire ? Quelles raisons pour s’offrir ce geste et agiter notre main ?
Pourquoi ce tracé en mots ? Faire danser nos mains ?
Ecrire un geste dans le vide, pour remplir ?
Geste lié à la pointe du crayon, 0,5 millimètre d’une pointe, d’un stylet à ancrer les mots d’une langue, gravure pas douce en lettre sang sur le souffle ?
Ecrire un geste fondé sur le  papier, puis papier froissé jeté à la poubelle du quartier, entassé, ramassé par le vent de chaque croisement ?
Ecrire en atelier est-ce écrire vraiment ?
N’avoir pas d’autre projet que le temps de cette écriture-là, dans l’atelier. Et si l’atelier crée les conditions de l’écriture, de l’expression écrite, du geste d’écrire. A quelles conditions le geste se fait-il ? Pourquoi écrire là et pas ailleurs ? Pourquoi le faire en atelier ? Comment l’atelier rend-il cela possible ? Peut-on s’éloigner de l’atelier et continuer à écrire ?
Faut-il s’oublier pour le groupe ? Peut-on se concentrer par le groupe ? Faut-il seulement l’envie de le faire, être en vie pour le faire ?
L’envie liée à un besoin ? Aux besoins de mots, d’une expression, écrire serait user des mots les sortir d’une cage de poussières, oser les enflammer d’une proximité, si nouvelle que l’instant éclairé donne une lumière au gris quotidien ?
Ecrire ? S’autoriser?
Quel objet vient naître là à cet instant de l’écriture !
Sous la main malléable vocabulaire, terre encore et toujours vierge confiée aux tourbillons de l’instant d’écrire. Ecrire, c’est configurer, aménager, arranger, assembler, façonner, constituer une pensée en puisant en dessous d’une surface opaque. La surface opaque des idées reçues, des raisons de ne pas le faire, de ne pas savoir, de n’être pas capable, de ne pas en avoir besoin, que cela est inutile. Et pourtant écrire rend accessible la zone hors frontières, hors la peau, il s’agit de cette zone du dedans de nos pensées, au-delà de la scène coutumière. Et bien sûr qu’il ne faut pas agiter cette zone en arrière, cette zone de ce qui nous raidi, celle-ci, elle ne se suffit pas de décrire ce que je vois, mais veut, oblige, contraint aussi de laisser courir les mots sur l’élan.
Ose l’écriture d’un espace où s’explore le temps de nos regards, de nos souvenirs, le temps du présent.

L’atelier, la mise en écriture provoque, donne cela. L’écriture appelle l’écriture, elle nomme le mot comme intermédiaire d’une mise en mouvement, d’une réalité que se présente comme on découvre un pays, un pays étranger dont il faudrait apprendre la langue..
Ecrire est une mise en marche, mise en marche de l’homme debout.
Il ose se coucher sur le papier, abandonnant les traces des transpirations oubliées.
Écrire c’est réveiller l’endormie, celle qui patiente dans nos bras et d’un baiser au mot à mot, réveiller l’eau dormante, la belle de la source, pointer le flot. Écrire naît d’une attente, l’attente qui travaille dans notre boutique parmi nos journées lisses et complices.
Donc Monsieur l’écriture en atelier : Pourquoi pas? Et pourquoi pas là aussi ?
En atelier d’écriture le groupe vient étayer la nécessité partagée d’écrire. Le groupe est l’atelier ; l’animateur fait partie du groupe il écrit également. L’animateur est celui qui provoque et contient, garanti et induit, propose et préserve, rien d’autre que le partage d’une conviction liée à l’écriture, il devient l’âme active du groupe. Et au besoin d’écriture, il offre un moment entre un seuil et une porte où l’écriture est l’outil de la langue, où seul l’exercice de l’outil en donne l’usage. Et l’usage offre une compréhension différenciée et créatrice de la langue et des mots. Cette expérience écarte le sens suffisamment pour éclairer de soi ce que nous propose le monde. Re-création de l’image du monde avec ses mots, aux mérites de se relire, de se regarder, de ne pas s’oublier.

Ecrire en atelier, monsieur est-ce possible ?
Je sais, il y a écrire et puis écrire pour écrire des livres,
et puis il y a écrire en atelier.
Est-ce écrire Monsieur ? Peut-on le dire ?           




 


                           pour  Gueule de mots   avril  2006



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