Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...








 

 

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Claire Ceira

extrait de Lettres de l'absence (1)  
extraits des Encres (à Zao Wou-Ki) (3) (4) (8)
extrait de Trois poèmes sur les anges (1)  
extrait de Trois poèmes sur la voix (2)



Exposition: une porte derrière le papier peint 

extrait de Lettres de l'absence (1)   

Tu erres dans les bibliothèques, accrochée à la lumière oblique où ne frémit plus aucune poussière.
Tu cherches de rayon en rayon de nouvelles bornes sur ton trajet.
Plusieurs fois déjà tu es tombée en arrêt
Devant quelque chose d'étrange,
Quelque chose que ce monde-ci ne semble pas contenir,
Quelque chose qui engage à contre-courant.

Tu plonges la tête dans le torrent,
Tu déplaces les galets.
L'eau vient droit d'un glacier, coupante
Que fouilles-tu ainsi ?


Tout est en mouvement.
Dès que tu essaies d'y penser,

Le monde est comme une barrière d'eau,
Tu ne trouves plus de miroir.
Non, c'est le contraire :
Tu erres à l'intérieur de tes propres grottes,
Grises, organiques et chaudes,
Et tu y remarques sans cesse
Des traces de pas.


 





Encre 3: Empreintes fines
extrait des Encres (à Zao Wou-Ki)


Voilà l'animal.
Je ne vois que ses petites pattes avant;
C'est un de ces monstres que l'homme entoure de soins;
Quelque chose qu'il crée pour rendre ses cauchemars tangibles
(monstre lui-même affecté de sa haine)


Il y a le jouet qu'il tend à sa créature;
La demi-heure de temps qu'il lui consacrera
Il y a les traces laissées sur le sol: boue ou autre chose d'organique,
Que le monstre n'a pu retenir.
Il est vivant comme nous.....et ses liquides
Lui échappent parfois.


Il y a cette sorte de masse lointaine; au bord de l'écran qu'on tendait,
Blanc, autrefois, entre les arbres.....des fuyards ou des falaises.

Et dans le coin en bas à gauche, cette écriture.
Ce que je relie au sol.

Ce que je maintiens d’un peu chaud, d’un peu vivable.





Encre 4: Premiers livres
( extrait des Encres (à Zao Wou-Ki)

On ouvre un livre de contes.
On revient en arrière et on s'assied très bas,
Dans la voix de ceux qui lisaient;
Dans les images:


La pluie, les nuées accourues des orages,
La descente aux enfers et ses morceaux de nuit
Encore coincés mais sombrant, le malheur
Forêts vaquant d'un bout à l'autre
Des continents presque morts;
Crépuscule,
Déserts intérieurs, labyrinthes,
Ce qui s'entrechoque au loin
Et qu'on hait.


Sur ce fond vague de terreurs nocturnes
Brille et s'élève la beauté.
Lumière accrochant l'or d'un roi,
La garde d'une épée
La soie d'une traîne,
La baguette qui n’existe pas






 Encre 8: Bestiaire d'enfant
extrait des Encres (à Zao Wou-Ki)

Laissons de côté le combat du bouc et du coq,
Noirs de colère et bavant sur leurs pattes grêles
Leurs toupets leurs crêtes leurs médailles,
Ombres chinoises de l’écran supérieur,
Caricatures du siècle éternel.

Ils se reflètent à peine dans l’eau rapide des poissons baignant,
Taillée en longues tranches
Par le courant.

Couchons –nous dans la rivière,
Près du bord, là où on ne risque rien,
Au milieu du jeu des poissons gris,

Au milieu des rires de leur petite taille ;
Sauts de carpe dans la lumière,
Transparence verte et grise.
L’eau affleure les orifices
du visage.
L’eau dont le froid ne se sent qu’un instant.

Dans l’eau ce qui a été lié ne peut disparaître,
Tu le sais,
Ce qui a été lié
Le reste à jamais.







océan 2 de Laurence de Sainte Maréville

11 ans
extrait de Trois poèmes sur les anges (1)  
 
Ils gardent le feu
Dans les bivouacs indécis, le long des frontières, dans les mouvement lents des peuples décollés
Ils sont accroupis près des braises
Un peu de mousse à la main et se penchant pour souffler
pendant que les adultes sont absents. A côté des petits enfants endormis et des vieillards morts. Ils veillent près des corps légers, morts ou assoupis.
Tu restes liée à eux par une fil ténu
Tandis que tu cherches sans espoir un passage entre tes pi
erres
Tentes d’ouvrir un losange d’immobilité dans l’eau de tes rapides
Un endroit pour poser le pied

encore une fois.

Tu les entends toujours la nuit
Ils murmurent en contrebas, impubères.
Leurs longues jambes repliées près du feu,
Ils rient, légers et simples près des morts en voyage
Et des rêves d’enfants
petits. ***


 


 La voix, nom féminin
extrait de Trois poèmes sur la voix (2)

Je l’entends dans le cyprès, là
Où l’avait laissée celui qui la voyait.
Elle est toujours debout au milieu du feuillage,
Visage tourmenté par les rameaux verts
Et plissés.
Hanches plus larges là où il prend sa forme,
Des yeux d’eau noire
Et la bouche qui reste
Aussi.

Et les trous d’oiseaux à travers.

Ecoute-moi à ton tour toi qui t ‘allonges dans l’ombre et restes aux prises avec des histoires d’eau, perdues, des faits anciens et des chants haletants.
Ecoute-moi justement
Quand je ne sais pas quoi dire,
Assise au bord de la fontaine de pierre froide
Assise juste la plante des pieds dans l’eau.

On n’en a rien à faire pour le moment des chants d’oiseaux
Des ailes

Des bruissements à la limite de la nuit et du matin. On est seulement
Attentifs à ce qui n’est pas dit, et à dire,
A cette voix commune de l’arbre
Dressé dans sa question presque nocturne, bronze
Au bord du champ
du tombeau.




 

*  

Créé le 1 mars 2002

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