Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...








 

 

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Juliette Schweisguth:

 Haïkus et battements de saison


   

infographie de Bernard Flucha

 

 

 

Trois haïkus

 

 

L'escargot hésite
d'une antenne puis de l'autre
soulève la pluie

 

 


Chambre d'hôpital
l'enfant compte les étoiles
s'endort avant dix

 

 

 

Le chat noir et blanc
découvre l'appartement
et le jeu des ombres.

 

 

 

 

 

 

Et quelques battements de coeur...

 

eau sans eau
(écrit sans o-lipogramme)


désert dans un verre
cri de langue sèche
dans mes bras de pierre
j'ausculte ma dèche
ailes en exil
je glisse et salive
devenu reptile
je rampe et dérive
de peau en écaille
je chante le sable
je cuis ma marmaille
et me mets à table
buvez le pur jus
du pèse humanier
égarez la vue
dans le sablier
ça brûle la tête
ça saigne le ciel
la guerre est en fête
un peu plus de sel ?


 

 

 

Rêves désaccordés
(pantoum)


les yeux perchés sur la racine
la statue rêve dans sa terre
son ombre se cendre et se ruine
sa voix demeure dans le taire
la statue rêve dans sa terre
aux mouvements qui reviendraient
sa voix demeure dans le taire
au fond de sa langue on boirait
aux mouvements qui reviendraient
sa main esquisse une caresse
au fond de sa langue on boirait
le suc des gestes qui nous blessent
sa main esquisse une caresse
où les oiseaux viennent goûter
le suc des gestes qui nous blessent
et nos rêves désaccordés


 

 

 


 

La clé de neige

 

Douleur ! Viens ma douce te coller à mon front.
Laisse mon coeur se recroqueviller dans sa cage de silence
Tais-toi, douleur.
Je demande la neige, de la neige sur une plaie à nue.
Qui viendra y faire pousser une fleur ?
Juste un doigt d'étoile, juste une lueur.
Où regarder ?
Toutes les lumières sont verrouillées.
J'ai perdu la clé, tout au fond, loin dans la mémoire.
La clé de la vie.
Y a-t-il une main pour me la tendre ?
En moi, elle n'y est pas, elle est fausse.
Il y a un trou dans mon coeur. Une balle s'y est logée, longtemps, longtemps avant moi.
Laissez-moi tous avec vos fausses couleurs, ne me faites pas croire.
Ma couleur est écrasée sur un trottoir
S'il vous plait, enveloppez-la légèrement, sans bruit, juste avec un battement de coeur, et couchez-la, étendez-la, qu'elle se repose.
Peut-être alors, plus tard ou plus tôt dans le temps, je la retrouverai, vivante.

 

Une infographie de Bernard Flucha

 

 


 

 

 

en un jet


en un jet je vide mon rêve à ta santé
pur jus de peau à s'enivrer
la goutte tombe dans les étoiles
le sexe croqué en croissant
craque croque grignote
les miettes à vider le désir
suce bouffe respire
les vies à violer les soupirs
ça saigne ça gicle ça tangue
j'ai le mal des mots
brisée, beuglante, j'avale ma mémoire
la mémoire m'engrosse comme une mer
vers ma pâle histoire, je débarque et traîne
casser le présent, encroûter le corps
j'ai mal à la mer
mal à la mémoire




 


Aux veines de l'oubli

 

la corde au bout du vide
je lui plante mes formes
pas faite pour l'amour
je cours au précipice
j'implanterai la vie
sous la plaie de la terre
je creuserai mon antre
pour  une fois me taire
détourne ton regard
ma peau est transparente
tu n'y verrais qu'un coeur
en panne de vivant
sans mots et sans odeurs
tu y verrais l'avant
prendre un train de retard
la couleur arrêtée
quand le temps s'est garé
j'égare ton regard
dans l'enceinte des vents
le verbe au creux du ventre
j'enfante le néant
passez votre chemin
je vous gomme des mains
dans ma maison de sang
globules blancs en cendres
mon temps qui bat trop vite
cogne contre vos vitres
demain je me marie
aux veines de l'oubli
hier je serai morte
craquement dans l'aorte


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Feu aux mots !


Des flammes ensorcellent les mots.
Je gratte la feuille.
Ca grince son écorce cruelle.
Les mots gisent.
Papa papa boum boum.  Padaboum tchim poum !
Je vous poursuis, mots-gésiers, gémissant
gosiers.
Ma mort, je te poursuis.
La rage m'a enterrée.
Le souffle noir de mes mains
sur la chair pourpre des mots
se resserre, souffre.


Coeur égorgé. Badaboum !


 

 

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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