Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...








 

 LOUVE

Elle avait comme de tout sur sa peau
Des feuilles aux passants
Du sujet au roi
Car de reine, elle avait le pas
De tant de cailloux sous sa paume
Une alliance d'écriture vaguement contrainte
À la prose
Qu'elle lassait sur son chemin

Les arbres s'arrêtaient d'un coup
L'eau vacillait émerveillée
Quand sa bouche prenait le temps
De quelques mots
Pour y entendre le vent

Et l'harfang, toujours amoureux
De son élan sensuel
Sur sa couche étend son aile
Froissés de draps noirs
Leur dernière nuit à s'emmêler

Et encore,
ronde
Marie-Lune
Portera le jour
Jusqu'à l'aube

 


24 décembre

une nuit parmi tant d'autres
perdue dans ce qui me semble une pensée
puisque la neige n'a pas cessé d'exister

tant qu'elle tombe
on lève la tête

un regard plutôt en biais
en travers du vent
cette partie blanche
que me donne l'infini
dans ses flocons

si l'existence par elle-même
ne cessait de tourbillonner
je pourrais les compter
un à un
recouvrir ainsi ma peur

voir la trace de ce qui tient mes pas
m'arrêter à la porte de la lune

dors ma blanche
que je te prenne

dans ma tête
l'aventure nuptiale se termine
en opus
intransigeant
celui de la violence
des mots

quelques comprimés
refoulés
se terminent sur mes lèvres

il neigera
sur ton absence





elle repose.

les couteaux détaillent les pans
de sa peau,
quelques échardes d'eau
enfoncent ses écorces.

sa voix débroussaille les vents,
les tisse en copeaux de glace.

mon regard me fait mal à l'aimer.

son ventre se creuse, se soulève,
ils naissent d'argent à sortir les ombres.

quand me donneras-tu la vie?

dans le jeu miroir de ses iris de feu,
une aurore a fleurit
de ses cils,

comme tu vis
comme je meurs.

des averses de gel
aux tournures de ses lèvres givrées
d'avoir trop embrassé
tous ces silences

et si la neige?

elle pense sa tombe
le linceul du ciel frémit sous ses pleurs
et vague et divague
de toutes les gouttes de verres qu'elle aura compté
au milieu de son désert

ma belle

mon ombre
néant de mes tourments

et tout l'hiver...


de cette fenêtre, à peine un voile                     
sur la lumière, de la lumière!
jaillissant mille mots d'enterrement
tomber droits, tomber neige
et de ma terre si pleine de couleur
tu viendras et viendra
ta solitude et le ciel

et je troublerai, mamie

ton souffle humide

tu as décidé
je le sens...
mettre un espace
comme on tourne un peu
à gauche
à droite
de laisser pousser les fougères
pour que tout soit
encore plus magnifique
dans l'absence...

                                                                         
il y a eu
celui d'avant
comme celui d'après
un par un
cent mille enfants venus

soldats de chair

d'une guerre
à l'autre

"on dit je t'aime
mais ma chère, ma chair
tu es née!"

un deux un deux!
troupeaux d'exaltés
cherchant la fuite à zéro
on passe les amours
à s'acharner
quand vient ta peau

je t'aurai sûrement porté
jusqu'à l'art de l'enfance
mais
peut-on grandir tant d'adultes
sans ton sacrifice

oh mon enfance...

respire

senteur de souffrance
dans les cris du feu
les pleurs montent blancs

un chant venu du nord
la langue des écorces
danse la terre rouge

la nuit prend ton souffle
déchire ta peau
débride tes yeux

expire

ne ferme pas tes yeux
j'ai capturé les vents
dans mes cheveux

j'ai tressé les écorces
cordé des pointes de flèches
sur les têtes d'épinettes

une rivière bordée
dans ton lit de paille
les eaux couchées

respire

donne moi à vivre
tes cendres encore rouge

je t'écrirai le soleil
dans ses couchants

étendue sur mon lac
j'attendrai tes étoiles

mon ventre
mon absente

expire

ma souffrance

ce soir.
ma voix frileuse chante le sommeil.
sur le grain levé de paroles chuchotées,
les courbes de soie flânent l'air humide.

ce soir,

je joue dans mes ombres en les maquillant.
quelques notes d'eau composent la lumière de mes cils,
la vague brise mes draps.

ce soir,

sur mon bateau de plumes, je vole les mots tendres,
j'embrasse ma nuit à marée haute,
voiles et volages boucles noires.

ce soir,

je berce ma peau.
kreek

chante champ fossoyeur
terre parterre de voix
morte immaculée

craque mes cris corbeau à la corde d'écorce de ma peau

je suis femme ficelle à coudre les lunes dans tes marées

baiser de blanche bouche

écume curieuse
éternelle tentation d'eau

je me couche couventine prostituée priant le pire

en jouissant du rêve comme un joug entre mes jambes

rive rougissante revenue

empruinte de plainte
sable sous serment

une plage lisse casse tes vagues promesses larguées

de la rivière au fleuve poète resté fidèle mer de ma furie

rumeur de mots morts

feuilles folles
vent devenu

je souffle ma passion servante de mes souffrances

aux orages que mon ciel écrit sous les pas de ma vie.


     quand brûlera ta lumière
     je te le dirais
     dans cette nuit
     ou enfin
     nous serons aveugles
     pour finir cette éternité
     nos corps consumés
     de ce qui aura été


Vous êtes espagnole n’est-ce pas ?

Je suis au Saguenay, dans une épicerie entrain de payer à la caisse. Le proprio tout sourire emballe mes trucs


Vous êtes proche! C’est presque pareil! Lui dis-je sensuellement.


Là le monsieur est vraiment content! Et hop la salade dans le sac! J’ai presque eu une invitation à parler latino devant un expresso! Alors vite je me pousse!


Le Saguenay est au cœur de l’habitat des autochtones, autour il y a les réserves. Parfois je me sens comme une immigrante qui ne comprend pas trop pourquoi elle est venue dans ce pays de merde!
Oups! De neige!

Et oui, parfois j’aimerais être cette mystérieuse espagnole.

Je lui dis? Non. Mais je dois lui dire! C’est ridicule! Non?


Toute en émoi, la nouvelle intervenante, toute jeune et jolie, me transmet son admiration et son plaisir à déguster les repas que je fais.


Quelle joie de savourer la cuisine orientale! Je n’ai jamais mangé cela! J’adore goûter les mets de différents pays! Ça goûte le soleil du Mexique !


Ça existe le Mexique oriental ?

Je la laisse aller de même pendant deux semaines! Et là, je ris en vous disant cela… De plus, elle me trouvait jolie et géniale, alors pourquoi l’arrêter? Tous les jours cette jeune femme me trouvait merveilleuse! Jusqu’à une certaine pause, après un délicieux pâté chinois, alors que la discussion tourne autour de la chance que j’ai de pouvoir manger gratuitement à mon travail et même, de ramener parfois les restes pour ma famille. Les joies du communautaire!

C’est vrai que dans ton pays vous ne devez pas manger à tous les jours surtout que la nourriture est rare, tu dois être vraiment heureuse de vivre au Canada!


Ayoye!

J’ai un grain de maïs coincé là, entre les dents!

Je la regarde avec pitié et surtout je me sens coupable.

Coupable d’avoir pu être admirée. Pour mon courage, ma force, pour moi! Moi.

Tu sais, je suis Ilnu Non! Pas du Pérou! Ilnu, autochtone!


Hein?


Oh non, je ne vis pas dans une réserve. Pourquoi! ? Parce que mon grand-père a été dans un pensionnat et le gouvernement… tu dis ? Non, je ne suis pas subventionnée!


Le café est froid dans ma bouche.


Elle s’en va. Très loin. Et elle ne reviendra plus jamais me parler du soleil.


Loin de ma terre

au sommet du ciel
quand on frappe la neige
sur mes ailes
un tout petit vent
aura beau dire
toutes les écorces
il restera
son cri et ma plume
dans les feuilles
rouges

07/11/2006


Louve...   montagnaise


Créé le 1 mars 2002

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