Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe surgis aux hasard de nos rencontres...








 

 

Retour au salon

 

 

.
Quelques pépites d'or au pays...
...de Joë Ferami

.

" le vent souffle...

je n'ai pas de guerre
parce que ma terre appartient à un oiseau
ma bataille, tenir la plume 
très haute 
loin de mes griffes
endormir ma fourrure 
fermer l'ambre de mes yeux
me faire tanière 
à vos mots

je ne voyagerais pas sur vos épaules... "

Louve Mathieu

 

SOMMAIRE / "Voix sans issues"

L'or
Les enserrés
Cette nuit
Passage des plumes
A monter
Non
Ressassement
Jamais personne
Dans un domaine
L'invitation
Et si quelques mers
Dernière chance
Dès à présent
Mêlée
Kali


L'or

" Je cherche l'or du temps " André Breton


Issue de l'antre ma vie s'inaugura par la force d'un martyr.
Ainsi, je naquis en un curieux pays.
Des automates, la mâchoire béante dans le tourbillon des manèges, happaient des leurres rouges et blancs entre des poteaux de stuc et des décors de faux ciels.
Leurs yeux avaient la pupille creuse et les prunelles sans couleur.
Tous avaient entendu parler de l'OR.
 
 
Déjà, en mon enfance, m'étaient narrées les résonances tintillantes du métal.
Les maîtres du tableau écrivaient : "L'OR, mes enfants, l'OR."
Et sur les ardoises noires nous découvrions les reflets chatoyants de l'OR.
"Algèbre, histoire, science naturelle, orthographe, lecture, vous donneront l'OR et tous ses secrets mes enfants."
Et les maîtres nous adoraient pour l'amour de l'OR.
Et nous demandions aux maîtres du tableau : "Quand verrons-nous l'OR ?"
Et les maîtres nous répondaient : "Quand l’enfant sera cadavre."
 
 
Parfois, on voyait des vieillards agiles les bras accrochés aux voûtes des sanctuaires braillaient : "L'OR, mes frères, l'OR."
Et les fidèles invoquaient : "Où est l'OR ?"
Et, pareils aux chiens des caniveaux, les vieillards doux et fanatiques se chamaillaient :    "Sur la barbe du Très Saint Père ! Sur le ventre du vénéré Bouddha ! Sous la pierre noire de La Mecque ! Dans les dédales du temple de Jérusalem !"
Et les saints et les sorciers main dans la main, les popes et les papes, les mollahs et les rabbins, bonzes, moines et bigots, prêtres de toute obédience, firent de toute terre une tombe.
Et des bûchers hallucinés fascinèrent la rage des meutes.
 
 
Souvent, vomis par la foule, des bouffons pourpres l’œil en rut jetaient des pierres jaunes.
Puis, ils s'égosillaient en chantant : "L'OR, citoyens, l'OR."
Et les ogres rouges poursuivaient leur laïus, les dents serrées, la bouche béante : "Aux victuailles nous vous offrirons notre squelette, nos os, notre vie, nous ferons festin des chairs, service, service, et compte du trésor !"
Et de leurs bouches parfois tombaient une dent blanche et pointue tel un silex.
Et ces fantoches calcinés se désarticulaient par anathèmes.
"Donnez-nous la clé du palais et j'écarterai la porte où ronfle l'OR."
Mais, dans la tour, le vieux bouffon édenté avait déraciné les cents portes du palais.
Cent cadavres de reflets apparurent sur le même miroir.
 
 
Toute jeunesse était vouée au soleil orifugé.
En ces heures, en ces années, je sentais mon âme limpide couler en gouttes putrides.
Et le temps s'amoncela.
Quelques mendiants, la plupart morts, me firent la charité : "Tiens, prends donc, enfant trop plein de rides, ce petit sachet de bonbons pour goûter le temps."
Je suçotais ces confiseries avec conscience, les gravats roses de mon âme, or un jour, dans le recoin blanc de je ne sais quel oeil, je me vis.
Mes compagnons étaient heureux.
Ils avaient trouvé ces précieuses paillettes qui comblent les chemins.
Et ils riaient, et ils avaient pitié de mon dénuement.
Je les observais déjà mort sous le poison virulent des fausses onces.
A ma nudité je dis : "Partons ! J'ai honte de toi ! Jamais je n'ai cru que ce qui était arraché aux ronces des sentiers cognés serait de l'OR."
 
 
Nous nous enfuîmes…
Nous traversâmes des déserts rageurs, des forêts sidérées, des mers écroulées.
Des chiens des races les plus dangereuses hurlaient derrière les grilles, de plus en plus sauvages, le regard clair planté sur la gorge.
Un soir, dans une forêt indistincte, la chasse du couchant fût déclarée ouverte, les bêtes de feu fugaces tentèrent de me crever les yeux.
Et des cris de dernier jour allumaient l’angoisse et la terreur dans mon ventre.
Et les collines fauves, et les montagnes rousses, haranguaient mon remord de suicidé.
L'horizon nous guettait tel un tigre.
Et des pythons, au-dessus de tout vertige, montaient droits, crevant les nuages violets d’un ciel étouffé.
 
 
A chaque pas, j’étais plus nu qu’un songe d’opprobre.
A chaque pas, derrière les orages scélérats, les arcs-en-ciel décampaient puis se volatilisaient dans un cri sourd.
Guetteur, je guettais les aubes et les aurores, je mesurais les hauteurs radieuses du soleil et sur la cime des arbres le vent me basculait à la lune noire.
La glace était mon refuge.
Au guet du temps, je progressais, ne faisant plus aucune trace sur la neige, au guet, coupant le froid de la buée blanche de mes narines.
Et la ligne des paysages fuyait la moindre de mes approches.
 
 
De dépit, dans mon alambic, je préparais des massacres microscopiques et des mascarades de rapines.
Magma jaillit de mes aortes, de vieux incendies rejaillissaient sans cesse, sans cesse éteint par la vague noire des mascarets.
Je regrettais les cendres répandues sur les terres et les méandres des fleuves rougeoyaient dans les estuaires.
Des bacilles grosses comme des poignées d’homme nageaient dans les cours d’eau.
Des virus, semblables à des saluts de sémaphore, volaient avec des ailes d’autour entre les nuées assommées.
 
 
Au détour d’un sentier une femme, que je reconnus, jaillit hors de mon âme.
"Écoutes-moi, je lutte sans arme, sans espoir et ma vie jamais je ne la compte. Ne sais-tu pas que d’un fils, un fils reposé dans l’amas de mon corps, j’ai effacé ma vie. C’est pourquoi, je ne crains ni la défaite ni les pleurs. Et ce cœur que tu vois est plus âpre au combat que n’importe quel être dans cet univers. Je n’offre rien car je n’ai rien que cette présence qui n'est qu'elle, et toute naissance, et toute origine, et toute vie."
Je lui coupais plusieurs fois la tête.
Et plusieurs fois sa tête roula à mes pieds.
L’herbe était rouge, bouffie par le liquide des rubis.
 
 
Et l'OR intouchable, en million, surgit de la source gravide des ténèbres. N’ai-je plus cette certitude âpre des os pour appuyer la chair de mon corps, et mes muscles tombent un à un, et cette peau…
 
 


Que je flambe en cette toute présence,
mon brasier sera mon absence…

 

* * *


maison rêve
un souffle passe à travers
un rond de serviette

Je passe
ce bracelet de bois
autour de mon poignet
le respire

à l'heure le soleil rentre le soir
et fait craquer les corps
en marchant...

 


 

Les enserrés

Les enserrés
................... à la glue d'arrâgne
................... ont roulé
................... dans la cognée du savoir
................... au petit coin de l'âtre
................... en l'homme le loup

Et toujours
................... la dernière chute
................... la dernière page
............................................ falaise à pic
............................................ sera à la gloire


............................................ de la race des chiens

 

 

Cette nuit

1

Cette nuit
encore une fois
nous accueille,

telle une corde
qui s’accorderait
aux ténèbres,

sans raison
un doux sang noir
coule l’absence,

et le désir
nous surprend,
d’anciens souvenirs...

à nous pencher
à cette source
pour la boire,

un goût étrange

nous transperce
jusque dans l’âme.


2


N’est-ce pas le jour,
dans le ciel
et la vie,

qui repose
au joug du soleil
mais la nuit

quand la faux tue
tout ce qui fût,
un lavis

noir apparaît,
est-ce un sang,
sombreur qui luit ?

affûtée
dans le désir
des chairs en transe,

sous la lune
endormie
transparaît l’hypnose.


3


Flammes glacées
des blancs cachots
du mal être,

il est nuit,
et tout nous sépare,
je le sais,

à quel être
il sera donné
de se connaître ?

cadenassés
au secret
des corps appris,

les songes mort-nés

s’étiolent
harassés,

il y a
le silence
empoignant l’esprit.



4


Quel est ce goût
las dans la brume ?
Ne plus être !

s’annuler
dans l’opacité
des écumes,

se blottir
dans cette envie
de ne plus naître,

quel est ce goût,
cet écho,
qui entre en toi ?

est-ce cette mort ?
la vigueur
de la lame

a des mers
la saveur
qui brûle et te noie.


5


Dans cette denrée
je me gorge
affamé,

m’écroulant,
hors de toute atteinte,
à l’écart,

je bois son air,
et sa froidure,
arrimé

à cet obscur,
au non ciel,
ancre ou brouillard,

je suis là,
est-ce la source,
perdu sans trace,

toujours là,

coeur battu,
ouvert à l’espace..
.


Passage des plumes

Convoque si tu l'oses ton effraie, ta frayeur,
et compte lui avec patience les plumes une à une,

ne t'étonne pas que son nombre soit le même
que ceux des rêves de ton enfance,
ce sont anciennes plumes capturées aux premiers jours,

et si tu l'oses, ne génère pas l'absence ou le désespoir
en les gardant au fond de ta gibecière, encloses,

disperse-les entre l'apogée des arbres,
entre les trous des ramures et la dérobade des feuilles,
entre les minutes lucides des heures qu'on arrache,
entre la chamade folle des secondes,

ne te laisse pas distraire dans ton travail de solitude
par les nuages à l'abandon
au-dessus des branches.

Le moment viendra où tu t'apercevras
qu'il n'y a que plumes sous les plumes,
et dans cet étrange orage de duvets
ne te restera sous les mains,
entre tes doigts évidés,
qu'un néant effrayant,



- une nouvelle effraie inconnue.

A monter


A monter et descendre les vitres
le soleil se noue à chaque coin des carreaux
n’est ce pas l’angle
du problème
où je t’entends me dire
entrent les rayons sur ta peau
la forme qui dore ta silhouette
et si parfois je te réponds
c’est ébloui par des reflets
qui brûlent mon cerveau
sans jamais plus te voir
qu’en flambeau de mots
et d’ailleurs se vire
mon corps s’évanouir
ne vit plus que par ta colère
que j’entends en morceaux
tenaillés de braises

je ne sais plus
si la brûlure qui m’assaille
relève de ta parole
ou de ces éclats de feu
sur la fenêtre


Non


Non.
A nier l’évidence du réel. Dans la boite à rêve du néant.
Non.
A nier le vent, le feu, les arbres, le sens de la terre.
A ne plus voir les visages sur la face des hommes.
A me délier de la vie.
A me rendre stérile, invisible, repu. Je me retourne vers toi.
A te chuchoter ce que je ne saurai plus dire.
Le silence ne sauve pas.
Parole qui frappe comme un regard.

Peu m’importe.

Plus d’eau,
à force de retenir le courant, le cours des choses,
je ne sais plus ce que peut être le ciel,
mon corps comme les collines ont des chemins vides,
des routes creuses.

Si les choses, toutes ces choses, avaient des yeux,

je les crèverai.

Ressassement


Le vice découvre ses vertus en action.

Nulle opposition entre le mal qui vise à l’occasion des douleurs et le bien qui cause les plus lointaines souffrances.

Les têtes d’ogre bien pensantes cachent leurs mâchoires dans le nid douillé de leurs crânes et le rire cannibale des saints pénètre les tympans jusqu’à l’occlusion des sexes.

Le quotidien est ainsi fait entre les ogres et les saints, la figure des deux pouvant apparaître une en un seul homme.

Un jour je passais devant un ogre en me retournant je vis le sourire d’un saint.

Si étrange, je ne sais qui je suis, et si l’ogre dévore mon saint et si mon saint, très peu innocent, accule l’ogre à toutes les souffrances que les horizons impeccables provoquent dans leurs griffes de démon.

Saurai-je vous haïr à vous étouffer de tout mon amour pour vous ?

Je ne suis pas celui que je vous parle, j’accoure, je vole, je me perds et disparais au moment où je suis à vous dire ce que je ne suis pas.



Jamais personne

« Jamais personne, mère, n’a décimé l’océan
jamais personne, mère, ne pourra assassiné 
et l’écume et la vague
et la bourrasque qui les mène. »



- Et son regard se déroba
mais le vent beuglait encore
plaquant ses cheveux sur l’échine du visage
décidé à recevoir le baiser des embruns
sur ses lèvres clôturées de silence.


« Dorénavant, je ne fixe mes yeux qu’au réel
arguant mes songes sur les mains apprises du néant,
je respire dans le vide des choses
à redécouvrir ce qui m’a fait naître. »



- Apparaîtra la décrépitude
et le tournoiement des angoisses
qui sait quelle surprise,
le pied qui maraude sur le temps
dans la chute brutale et le sang,
mais tu seras là, souffle,
dans chaque frontière entre ce qui fût
et ce qui sera dans la chair et la matière
entre la lumière et le doute.


« Il te faudra, frère, saisir l’ombre
et derrière l’ombre ce qui ne se voit pas
ce qui ne saurait être sans que tu n’expires
à inspirer l’imprévisible dans l’invisible
à récolter la moisson des voix ingénues
qui courrait chaque soir chaque matin
en souriant sous les tombes. »



- Se brisera-t-il le souffle
sur le récif des eaux lourdes
et se noiera-t-elle dans des vases et des fanges
l’eau même qui retient l’empreinte de nos vies
jusqu’à ce qui portera le nom de l’abîme ?


« Dans l’instant que je sais
je retourne à l’écume et au vent
et l’œil qui pleure d’un grain d’océan
à battre dans mon corps les pores du moindre souffle
à sentir les caresses salée du néant
le naufrage comme un gant
retourné dans l’abîme
jusqu’au dernier souffle. »

Dans un domaine


« Dans un domaine éventré » le midi curieux goutte à goutte se saborde sur le devant du soleil. L'oubli pénètre dans l'alphabet des songes et l'intense travail des demi-mesures de l'océan blême.
 
Ils se voient.
Dans des pointillés. A la lettre. Les flammes montent. Et la rivière, ondoyante, se mêle au feu et à sa brûlure.
 
Ce sont plaies apprises qui transparaissent dans les regards. Car, l'un dans l'autre, et ce qui sera sans nul autre que soi, ils épaississent, éblouissent, transfigurent l'instant du temps qui nous encercle dans sa ronde, frappant au cœur le désir d'un centre insensé.
 
Ce sont des ornières de mots amoncelés qui se déchiffrent, de pleurs en rires, à dire ce que l'impossible même ne pourra jamais lire, dans une tempête immaculée.



L’invitation

Le solstice d’hiver est passé. Je suis dans la plus longue nuit. Ne m’écoutez pas. Je vous parle d’où je ne suis pas. Inutile, invendable, une parole pour un départ. Ah ! Ne levez pas la tête. Le noir vaut la lumière. Je me reviens indemne, inutile à moi-même. Je m’efface sous l’écorce d’un arbre millénaire. Le froid me frappe. Le cou se sépare de mon torse. Bande de chiens ! J’avance en pleine sève.
 
Chant que je peux être quand d’un vent sourd quelques paupières dégringolent à mes pieds. Les arbres se libèrent. Derrière, je vois dans l’interstice des millions d’aubes qui se lèvent. Toutes, à plusieurs siècles d’intervalles, elles vont et vacillent ensembles dans le seul battement d’une paupière.
 
Et si rien ne mène qu’un vent creux… Tu tombes la narine garnie d’humus et de rosée. Tu t’agrippes à la terre, la bouche muette bourrée de boue. Quelle langue, quel sens, par quelle autre voie, aujourd’hui ici toujours. Tu ne cilles pas. Ce sont des galaxies qui s’ouvrent et vrillent. Caillots merveilleux suspendus dans l’abîme. Je n’admets pas !

Viens, viens sur les lacets que taraude l’envie. Je suis dans la plus longue nuit. Les loups s’épouvantent. L’aube a des crocs plus voraces que n’importe quelle bête. Ils se tendent comme les mains d’une vieille femme en prière. Et si venir t’écorcher sur la corne ivoirine du jour ne te fais peur. Les loups craignent le jour comme leurs fins proches. Viens.
 
En attendant dévore dans ce qui ne te sépare pas de toi. Dévore. J’ai bien plus de salive en réserve sur les papilles de ma langue que de crépitements dans le cœur d’une étoile. La faim préserve des excès. Combien, sais-tu, j’ouvre large ma bouche en « oh ! » mélodieux pour te noyer dans mon regard.

 


Et si quelques mers


Et si quelques mers imaginaires se roulent en spirale dans ta gorge naissante. Rouleaux aphones, est-ce l’extase qui souffle d’un mot d’un seul, silence, sur les braises qu’embrasent l’horizon. Tes yeux se lèvent sous la lumière.
 
Bouffées et rafales enrayent l’ombre exhibant les arômes dans le poumon des criques. Le vide parle. Des enfants mués dans la langue des mères jouent la plainte et le rire désaccordés. Et tournent contre la paroi des falaises les vacarmes porteurs.
 
N’est-il voix que voile. Vers quelle île ne t’envole, vers quelle houle se nourrit cette nausée, où t’approche du rivage dans la mobilité aérienne des foules. Malheur ! Tu t’engouffres sous le tunnel des nuages lumineux.

Il n’est Personne. Sonne ton heure, prends garde à l’œil. Sois sûr, car d’une lance incandescente tu perdras ta prunelle, et ton chemin ! Plus subtil, tu examines les magnétismes inspirer les grains de ta peau. Là, vas ce qui te mène.
 
C’est un désert qui t’envahit quand un grain de sable s’arroge ton regard. Blâme ! En chaque pupille c’est la grotte des vents qui souffle à mesure. Soufflet où se perdent les boussoles. Chaque pore expire sur la sente marine à se dissoudre hors du corps.


Dernière chance


Dans l’antre,
un vent immobile hurleur de verre
frappait la colonie des nuages en cocons de larves.

Comme la décrépitude saisit l’esprit des hommes
raye le cœur du vivant
la langue des algues te psalmodie ta mort
dans l’imperceptible marée des cycles.

Ailleurs,
j’ai couru au fond des fosses la course des vieux marathoniens
j’ai levé le pied en rythme binaire
sur les coulisses des ornières, les rouages des herbes,
un message cloué dans le ventricule des trois cœurs
et j’ai su et j’ai connu,
l’envol des paysages, la sueur des ciels, le déboulonnage des mondes.

Ils me disaient enfant la vie entre les dents
à terroriser la mort
à chanter des mélodies d’anguille
plongeante
vers l’illumination torve des sargasses.

Dernière chance du coureur.

Ils ont engrillagé l’âme dans les barbelés de l’esprit
des saccharines de ciel empoignent la terre
et ce qui est n’a de cesse
de ne plus devenir.

Et si mes talons luttent et frappent contre les lichens
dans l’arrachement des flaques
des sables comme des os de lune brune
à nouer des tresses de désespoir aux falaises de verre,
je cours en rythme binaire
un message cloué dans le ventricule des trois cœurs.

A répéter les serments du corps dans la circulation du souffle
je dénoue en cordes aphones
la vérité des crachats, le mensonge des caresses,
et vais vers ce qui me dépérit,
l’usure et la souillure des flux,
jusqu’à pendre mes poumons sur la flaque océane verticale
au nœud liquide des fils nylons,
entre l’œil déchiré des masques
la flétrissure des varechs
le coma blanc des rafales.



Dès à présent

1
 
dès à présent l’œil bouleversé
à vouloir accueillir l’or blanc des rafales

c’est un chemin troué de boue
qui souffle sur mon visage


je te suis infime dans ce qui t’a froissé
et si le vent creuse des larmes
je sais m’enrouler dans l’ourlé épais
du soleil d’hiver


à te suivre
sur la raclure cuivrée des mots
le courant clair file entre mes pieds
capturant dans un filet aux mailles immobiles
l’irisé sonore des rivières du ciel
- que faire qu’être sans savoir…

 
 
2
 
et si ce qui nous suit dans nos nuits
est un sourire aux yeux mués d’inconnu
prêt à rire ou à mordre

………………  ……… à tordre le désordre gris
des grottes que prophétisent nos désirs


c’est un flambeau de nos mains
qu’en négatif imprime
la poudre grenat de nos langues


à sortir ainsi

…… ……… les yeux brûlés se désolent
de nos nuits et des lèvres
nos dents altérées se dénudent


ce qui se boit
dans le débordement des gorges
se sait-il encore…

 
 
3
 
va vertige ce qui monte
le long des cordes
des lianes que nous lancent
les terres inoculées de vents et de racines
et des villes abaissent jusqu’au ciel
et des forêts sèment des incendies
résurrection de bois verts
……………………............voix violentes
des tambours des métropoles
qu’inondent le serment de nos ancêtres
?
des balances jaillissent sur le fronton
des songes rongent secrètement
l’absolution des rapines merveilleuses
et vont et saignent les dentelles absentes
de nos futurs déjà consommés

………………………      … …...les métros rugissent
et des univers s’essoufflent dans la chair des tunnels
et quel espoir quand des bouches
martelées d’escaliers sales
s’ouvrent sous le rut des enseignes
de curieuses étoiles…
 

 
5
 
toi
….qui s’étonne sur la pointe de ce qui
….et qui chuchote l’écho de ce quoi
……………………………          ……toi
t’en va-tu à la croisée des sens
t’abstraire dans les figures et les couleurs

toi
….te dissous-tu dans les formes et les onguents
….dans la lueur torve des arômes suaves


voici
……quelques salves en ton honneur
……qui viseront droit le galop bride abattue de
……ton cœur


……        …. c’est à la chasse de tes chants
que mes balles te transperceront de part en part
et je trimbalerai dans ma gibecière de soi
la rage douce de tes voix à plume


……………………………      ……prend garde !
je touche tout ce que j’ajuste
…………………………     … et toi renais
dans tout ce qui
vers quoi
…… ……te tue…



Mêlée


A mêler le vent dans l’écheveau des songes
à ouvrir le bleu dans le rouge
entre le violet tremblant des douceurs abruptes
et s'aveugler de la toile que peint le soleil
sur l’horizon
comme gonfle et pousse une voile
au fond des iris entrouverts.
 
Vouloir. Et dans le secret. Peine perdue.
 
Mâcher, manger le je, le moi, le tu, le vous et vomir. N’oublie pas le oui et le non, et le malgré. Les bourgeons, les feuilles, le soleil doux. L’herbe. Plus loin. Le rafle de l’innocence. Louange. Beauté même. Et le caillot où le cœur s’adoube.
 
Et franchir cette mer. Comme une île vitrifiée à vivre cette vie.

 

Kali

1

Dégât d'orage dans les nuages
à tire d'aile dans la brume noire
opaque
la canicule comme un volet qui claque
tombe verticale sur le sol esseulé.
 
 
Ce sont mes pas dans la fièvre
quand s'enfoncent tes yeux verts
qui s’estompent à ne plus savoir te voir
dans la fosse commune de mes paupières.
 

 
2
 
 
Oh ! quel naufrage
a posé ces semences de sel
sur ces papilles,
comme se dissout ce si peu
dans la grotte noyée du langage,


à ne plus voir la voie sur la vague
et la soif, qui des mots, cinglent
et s’abreuvent
à s’élever aux verts
de tes yeux.
 

 
3
 
 
C'est un feu
un parterre de fleurs qui brûle
dans ta voix cette voix
une eau un ciel à ta bouche,
cette source inattendue
qui roussit en secret
l'arôme de mon cœur
à le faire renaître.
 
 
Et ne pouvoir t’effleurer
si ce n'est ce parfum
sans craindre de perdre
l’empreinte de mes doigts.
 
 

4
 
 
Un instant avant
assise près des jets bleus
la figure froissée
comme autrefois cette expression
où tu traversais les rues agitées
de tes lancinantes pensées
ta conscience absente
de tes pupilles.
 
 
Qui coud le silence dans ta gorge
et renoue cette lumière aux ligatures de ton visage ?
 
 
Tu t’es levée simplifiée
happée dans les dunes de sable
de tes cheveux.

 
 
5
 
 
C’est comme si la nuit
qui t’habite
à te maintenir à distance dans cette douleur translucide
une mère lointaine et froide
dressait sa paume impérieuse entre toi et ce monde.
 
 
Quelle statue de glace
empêche de toucher ta crainte
le séjour d’étoiles crépitantes.
 
 
Kali de l’intense nuit
s’amoncelle les nuages,
 
qui gravera sur le grain impénétrable de ton âme
le tatouage de l’unique étoile ?
 
si ce n’est la tienne
à remonter dans la colonne de feu
de tes vertèbres.
 
 
Goûteras-tu enfin dans le vivant de tes yeux
le lait doux et épais

que la lune n’a pu te donner ?
 


03-08-2003

* * *

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Créé le 1er mars 2002

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