Quatre chants pour le voyage
un message de bienvenue à Francopolis d'Isabelle
Servant
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1. Rite
Faites venir sur le fleuve toutes les péniches toutes les
femmes au
pied nu apposé doucement sur la marche tous les faiseurs
de désirs
tous les exilés
Et que les branches mûres des arbres s'avancent jusqu'à
l'à-pic de
mon bureau
Je veux dire l'image intensément raisonnable
D'un coteau doux fermé de bizarres effluves
Voilà j'échauffe ma voix de femme comme un minuscule
empan d'ailes
Et que tous viennent aimer cet enchantement d'être qui
fonce au
travers des sons en marchant
Dites vous la nuit noire quand les routines s'effilochent ou
l'ennui
sale
Que le jaune éclatant au pays sombre est comme le bruit
d'une corne
Un petit cheval de Sardaigne
Affolant de ses pieds les marécages
Résonance de glaise
Un jour peut-être un homme aux gestes excentriques
A déposé ses doigts sur mes yeux clos
2. Prière
J'aurais voulu que sa beauté m'atteigne et m'interroge
de la vapeur humide et chaude auraient coulé
ces six entailles cristallines au delà du plafond
de métal enroulé
ce fin métal blanc de sonnaille que les doigts d'en dessus
se répètent
patients
j'aurais voulu de ses épaules
une intention de courbe nue
du monstre incrusté de mon corps
ses paumes lentes
j'aurais pleuré jusqu'à défaire
j'aurais juré qu'on ne m'éteindrait plus
j'aurais jeté le monde impur de son absence
et la chair morte
sans valeur
de ma nuit
3. Rivages
Je suis allée dans le sable
dans le froid d'une semblance
métallique et hachée comme pour
une langue coupant l'erreur
appelant le détour de moi
arbres pleins de la tourmente
le pont au dessus de l'eau verte
dans un déracinement de vide
et de feuilles amoncelées
comme si tu ne riais plus
Tu manques
seuil de la falaise
froideur des carreaux de sol dur
tu manques
sur le tapis ferme
nos mots escomptés
la femme se déplie
si belle et noire
ma grisaille
nos rires en tableaux
l'idée du fluide se répand
je convoque ce livre
encore une inconnue
d'être soudain sous le bonheur comme une tente
ses cordes
ma paix
de simplement te savoir
Ma confiance du fond s'agrège
mon choc et l'éclairement
dont s'élance dans les flancs
la célébration des diamètres
toi de mon entièreté du monde
Cette forêt dans le sable
et les failles de cuivre
la pierre ruisselante rouge
veillée d'un oiseau fébrile
seulement tourner
autour de l'odeur de l'eau
je m'enivre des nombreux autres
l'écharde vibre
seulement métallique
en mon ultime membrane
savoir un bouillon intense
qui est ma seconde infinie
de jaillir contre la pluie
seulement mouvante
de mon éternité
d'être en toi
4. Hadra, la présence
Il est nuit
l'âme fusionne de ses mains
posées respectueusement
sur le sentier de ton épaule
ton corps debout dans l'angle
aux pointes devinées
je conduirais ce vent de la laine
l'étoffe sagement tombante
au toucher de ma bouche
et comme un négatif
je blesserais ces lèvres de mes doigts
ou les cheveux dressés contre les hordes
contre la sombre nuit
il est dur de sembler vivre
à ce balcon et les mains sur le bois strié
je vois se déchirer le vrai
je ne sais pas où il se trouve
sauf au dessin courbe de silhouette
au fond de mon regard de toi
qui n'a jamais autant vibré de mon visage à ton
visage
contre la mort
mes doigts noués à ta poitrine
Isabelle Servant