Avec dix ou vingt mots,
Avec des images
Découpées dans la soif,
Je résiste à la mort,
Au masque du silence,
Aux yeux de verre fumé.
Avec une langue de feu
Passant de main en main
Je résiste à la neige,
Au froid des certitudes,
Aux engelures du temps.
Je découpe un oiseau
Dans le papier du ciel.
Il vole dans ma tête
Ouverte aux quatre vents.
Avec dix ou vingt mots,
Avec quelques virgules,
Avec un chien d'aveugle
Et des chaussures trouées
Je résiste à la haine,
Au calcul des banquiers,
Aux creux dans le chemin,
À l'immobilité.
Je résiste à la faim
Avec des miettes de pain.
Avec un peu d'amour,
Une poignée d'espoir,
Avec les lèvres nues
J'embrasse sur la bouche
Le bonheur qui passe
Et fait rêver les hommes.
Avec le bruit des ombres
Découpant la lumière,
Avec des pages blanches,
Le maigre feu des lampes
Je résiste à la nuit.
Je me tiens droit
Dans la courbe des vents.
J'avance à pas de larme
Sans honte ni remords.
Avec les billes bleues
Dans un sac d'enfant,
Un vieux bout de crayon,
Les paroles brisées
À coups de crosse froide
Je résiste à la peur,
À la colère, aux cendres.
Avec le poing du jour
Enfoncé dans le cœur,
La neige qui avance
À pas de souris blanche
Je donne ma langue aux loups,
Mon vertige aux fontaines
Et le feu de mes mains
Aux rides qui s'éteignent.