
Enluminure du Codex Manesse
(trouvères d’Alsace)
Je
l’aime et je le fuis
Il
m’aime et me suit
Inchangée par les
marées de la lune
je m’élance en une
demeure
où je crie pour enlacer
le soleil.
La nuit s’éloigne
repoussée
par les feux
follets
de mon envie de
toi.
Quel homme aura
accès
aux grands pays
palpitant
sous ma peau ?
***
Orphée immolé sous
les dents
des Ménades,
Attys démembré, le Christ en croix
et Toi
n’avancez pas dans
les marées
de la pleine lune
où danse l’étincelle
qui rejoint le
bouquet d’étoiles
ouvert entre la
terre et le ciel.
Nulle autre
qu’Isis ne déploie
en puissante magie
l’état qui nous
submerge.
La fusion. Qui
veut être cassé ?
Non, pas la peine
! mais jouir !
Naître ? L’Absence
nous sert.
Soyons Prêtresse
d’Attente
Divine gloire
voilée d’éternité.
***
— Mon plus beau
laurier, tu m’en as coiffée.
Le jour élu chasse
les jours monotones
et remplit de ta
clarté mon étoile.
Je grandis et
multiplie comme toi.
Tu désires boire à
la fontaine
entourée de fleurs
imaginaires
qui font aimer la
morte saison.
Le jour élu a uni
ta clarté à mon étoile
offrant la vérité
qui s’évanouit
comme les fantômes
d’un songe.
***
Reçois ma Nuit,
mon Écho, mon Semblable
qui veille sur le
trou noir et la force d’attraction
à l’Orient de nos
âmes, à l’Orient de nos chants
Toi qui braves les
étoiles de la Voie lactée.
J’aimais Amboise,
j’ai vu l’Égypte, Voyage
qui renouvelle le
rire transparent
des ondes du
Destin, faibles et ténues.
Reçois ma Joie, ô
l’Étoile qui m’enlace !
Un champ d’étoiles
a blêmi quand j’ai crié ton Nom
dans la cour pavée
de ma maison aux murs de pierre.
Voyons, voyons,
j’écris et tu entretiens la Lumière
si haut tenue
qu’elle nous unira après l’Incarnation.
***
Il est Dieu,
étonné d’être immense
Je suis le Destin,
tremblant d’être intense
L’Espoir se meut
en liesse
dans chaque partie
du corps,
en l’Étoile volage
crée l’image parfaite de l’olifant
— les années de solitude
après le Mal
les démons
grimaçants dans la ville difforme
dès l’âge où l’âme
embaume de verdeur
ravissent la
Vierge au Croyant qui devait être sien.
Le silence des
études pour réparer le Mal
et l’Androgyne
errant jusqu’à la dernière heure.
***
Ange erratique
sous la voûte du Ciel,
L’Espoir entrouve la Terre et dit sa dignité
jusqu’à la
Connaissance des Cimes.
Là, Fleur Blanche
de Vérité
L’Étoile repousse
de son Œil les ténèbres,
accueille
l’Étranger en sa géhenne hurlante
où siègent les estropiés
de l’Amour :
l’esprit est en
liesse sans offenser le corps
et volage en
ivresse printanière.
***
Je t’ai connu
pour être
ensorcelée
par des mirages.
Ce n’est pas moins
t’aimer
de ne pas vivre
chez toi.
Ce n’est pas
t’oublier
d’aller et venir
arrimée à tes
lèvres
buvant les sons
absolus
que tu m’offres
dans ta course.
Tu m’as
réconciliée dans tes bras sans repos.
Ton front pur
protège l’idole vivante
qui fleurit sous
ma peau
jonchée par tes
caresses douces.
Laisse-moi venir
je connais mon
chemin vers toi.
***
Ris et jubile
L’on ne
s’accordera que main dans la main,
œil sur le sein, purifiés, ébranlés.
Mon rire pour ton
désir
l’écume des rêves
qui jubile
en toi et fait
céder la digue
de ma peau sous
les caresses.
Ris et jubile
guide ma lyre,
épiphanie des âmes
dans la maison
céleste
lève l’index qui
module le chant
de Kneph et Isis murmurant au zénith
de mon âme
au-dessus de ton jeu de poète.
Ange du futur que
les Ancêtres ont purifié
rejoins les
diseurs de mots !
***
J’ai
entendu de vieux savants.
Plus
ils parlaient de poésie,
moins
je les aimais.
Je quitte ma
Demeure
pour rentrer dans
la tienne
à l’heure où le
Soleil
s'éloigne de ma
vue.
J’enlace tes bras
chéris
de la plus grande
ardeur
je berce ton
sourire
ce bout de ciel.
J’embrasse tes
Folies
pour être en toi
et plus
qu’en vie dans le
parfum
de l’air qui nous
lie.
***
L’aile d’un
Papillon
caresse la porte
de mon abri
brûlant
où je rêve en
riant.
Dans le Cercle des
Mystères
tu m’avales et je
croîs.
Ami, l’heure est
venue
ma vue s’emplit de
Nuit.
Toi ! l’Amour
suprême
protée de mon
humeur
ton charme réduit
en cendres
m’a rendue blême.
***
Tu ne reviendras
plus.
Si jamais tu le
fais
câline mon doux
plaisir
qui m’illumine
d’or.
Ardent Soleil,
parfait hymen
m’ont armée sans
pareille
pour que la Mort
en liesse
fasse ma Lyre
immortelle.
(Reproduit du recueil Quatorze chansons, Le Pan poétique des muses, collection LE SEMAINIER DES MUSES, N° 5, août 2016)
***

Photo reproduite du site La Maison des Pages.
Enseignante (en France et à l’étranger),
chercheuse (Anamorphoses
d’Isis, doctorat, 1991), essayiste (deux
livres en 1997 et plusieurs articles en 2004, sur Gérard de Nerval),
auteure de récits « cultes » (La maison des Pages, 2002, L’absolue retraite de
Léonard de Vinci, 2004, L’Égypte céleste, 2008, L’Ambroisie, ainsi que Alexandrie
ou la Colère d’Ariane), fondatrice de l’association et du musée La Maison
des Pages, à Amboise, éditrice (Poèmes
d’amour de Christine de Pizan, transcrits en
français moderne, 2012), Camille Aubaude est
avant tout une poète accomplie, dont la voix ne peut se confondre avec
aucune autre de sa génération.
Pour mieux faire
connaissance avec cette poète aussi renommée que discrète, lire son interview de 2013 avec Paola Gonzales et Rosario Valdivia (Le Pan poétique des
muses).
Son écriture rappelle le symbolisme
érotico-mystique cultivé au XII-XIIIe siècle dont les découvertes ont
traversé, comme des courants souterrains, les grands mouvements poétiques
qui ont suivi, tout en croisant des effluves nourriciers confluents, venus
des mythologies antiques et orientales – et ce n’est pas sans raison que
Nerval est une référence pour Camille Aubade. Nous nous trouvons en fait
dans un univers d’archétypes poétiques universaux qui se renouvellent sans
cesse et irriguent de leur eau de vie l’expression des poètes, tout comme
l’imagination des lecteurs : c’est sur ce double échange fait
d’allusions et d’implications, menant à des reconnaissances fertiles autour
des figures emblématiques des mythes, que s’exerce le charme exquis d’une
telle œuvre.
Les poèmes reproduits ici, avec l’aimable
autorisation du Pan poétique des muses, le prouvent. Merci, Camille !
***
Bibliographie sélective de l’œuvre poétique
(source : son site)
1985 -
Lacunaire (poèmes)
1991 -
Isis 1 à 7 (poèmes, 7 volumes)
2000 - Anankê ou la Fatalité (poèmes)
2003 -
Ivresses d’Égypte (poèmes et proses)
2007 -
Poèmes d’Amboise (poèmes), et une édition augmentée, avec photos, au Pérou,
Lima, 2009.
2009 -
Chant d’ivresse en Égypte (poème, livre d’artiste avec Danielle Loisel) -
La Sphynge (poèmes)
2010 -
Poèmes satiriques (poèmes et photos)
2011 -
Le Promeneur du Mont aux Vignes, suivi du Tabernacle (poèmes, livre
d’artiste
conçu par Vivian O’Shaughnessy)
2012 -
Lorelei et la Lorelei du Nil (poème et épyllion
en prose, livre d’artiste, ibid.) - Le Messie en liesse (poèmes)
2016 – Quatorze chansons
Salon de lecture
Camille Aubaude
recherche Dana Shishmanian
avril 2017
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