Le Salon de lecture


découverte d'auteurs au hasard
de nos rencontres

 

ACCUEIL

ARCHIVES    SALON

 

AVRIL 2017


Camille Aubaude

« Ris et jubile »…

(extraits du recueil Quatorze chansons)

 

 

 

CodexManesse.jpg

Enluminure du Codex Manesse (trouvères d’Alsace)

 

 

Je l’aime et je le fuis

Il m’aime et me suit

 

Inchangée par les marées de la lune

je m’élance en une demeure

où je crie pour enlacer le soleil.

La nuit s’éloigne repoussée

par les feux follets

de mon envie de toi.

 

Quel homme aura accès

aux grands pays palpitant

sous ma peau ?

 

***

 

Orphée immolé sous les dents

des Ménades,

Attys démembré, le Christ en croix

et Toi

n’avancez pas dans les marées

de la pleine lune où danse l’étincelle

qui rejoint le bouquet d’étoiles

ouvert entre la terre et le ciel.

 

Nulle autre qu’Isis ne déploie

en puissante magie

l’état qui nous submerge.

La fusion. Qui veut être cassé ?

 

Non, pas la peine ! mais jouir !

Naître ? L’Absence nous sert.

Soyons Prêtresse d’Attente

Divine gloire voilée d’éternité.

 

***

 

— Mon plus beau laurier, tu m’en as coiffée.

Le jour élu chasse les jours monotones

et remplit de ta clarté mon étoile.

Je grandis et multiplie comme toi.

Tu désires boire à la fontaine

entourée de fleurs imaginaires

qui font aimer la morte saison.

Le jour élu a uni ta clarté à mon étoile

offrant la vérité qui s’évanouit

comme les fantômes d’un songe.

 

***

 

Reçois ma Nuit, mon Écho, mon Semblable

qui veille sur le trou noir et la force d’attraction

à l’Orient de nos âmes, à l’Orient de nos chants

Toi qui braves les étoiles de la Voie lactée.

 

J’aimais Amboise, j’ai vu l’Égypte, Voyage

qui renouvelle le rire transparent

des ondes du Destin, faibles et ténues.

Reçois ma Joie, ô l’Étoile qui m’enlace !

 

Un champ d’étoiles a blêmi quand j’ai crié ton Nom

dans la cour pavée de ma maison aux murs de pierre.

Voyons, voyons, j’écris et tu entretiens la Lumière

si haut tenue qu’elle nous unira après l’Incarnation.

 

***

 

Il est Dieu, étonné d’être immense

Je suis le Destin, tremblant d’être intense

 

L’Espoir se meut en liesse

dans chaque partie du corps,

en l’Étoile volage crée l’image parfaite de l’olifant

— les années de solitude après le Mal

les démons grimaçants dans la ville difforme

 

dès l’âge où l’âme embaume de verdeur

ravissent la Vierge au Croyant qui devait être sien.

Le silence des études pour réparer le Mal

et l’Androgyne errant jusqu’à la dernière heure.

 

***

 

Ange erratique sous la voûte du Ciel,

L’Espoir entrouve la Terre et dit sa dignité

jusqu’à la Connaissance des Cimes.

Là, Fleur Blanche de Vérité

 

L’Étoile repousse de son Œil les ténèbres,

accueille l’Étranger en sa géhenne hurlante

où siègent les estropiés de l’Amour :

l’esprit est en liesse sans offenser le corps

et volage en ivresse printanière.

 

***

 

Je t’ai connu

pour être ensorcelée

par des mirages.

Ce n’est pas moins t’aimer

de ne pas vivre chez toi.

Ce n’est pas t’oublierd’aller et venir

arrimée à tes lèvres

buvant les sons absolus

que tu m’offres dans ta course.

Tu m’as réconciliée dans tes bras sans repos.

Ton front pur protège l’idole vivante

qui fleurit sous ma peau

jonchée par tes caresses douces.

Laisse-moi venir

je connais mon chemin vers toi.

 

***

 

Ris et jubile

L’on ne s’accordera que main dans la main,

œil sur le sein, purifiés, ébranlés.

Mon rire pour ton désir

l’écume des rêves qui jubile

en toi et fait céder la digue

de ma peau sous les caresses.

 

Ris et jubile

guide ma lyre, épiphanie des âmes

dans la maison céleste

lève l’index qui module le chant

de Kneph et Isis murmurant au zénith

de mon âmeau-dessus de ton jeu de poète.

Ange du futur que les Ancêtres ont purifié

rejoins les diseurs de mots !

 

***

 

J’ai entendu de vieux savants.

Plus ils parlaient de poésie,

moins je les aimais.

 

Je quitte ma Demeure

pour rentrer dans la tienne

à l’heure où le Soleil

s'éloigne de ma vue.

 

J’enlace tes bras chéris

de la plus grande ardeur

je berce ton sourire

ce bout de ciel.

 

J’embrasse tes Folies

pour être en toi et plus

qu’en vie dans le parfum

de l’air qui nous lie.

 

***

 

L’aile d’un Papillon

caresse la porte

de mon abri brûlant

où je rêve en riant.

 

Dans le Cercle des Mystères

tu m’avales et je croîs.

Ami, l’heure est venue

ma vue s’emplit de Nuit.

 

Toi ! l’Amour suprême

protée de mon humeur

ton charme réduit en cendres

m’a rendue blême.

 

***

 

Tu ne reviendras plus.

Si jamais tu le fais

câline mon doux plaisir

qui m’illumine d’or.

 

Ardent Soleil, parfait hymen

m’ont armée sans pareille

pour que la Mort en liesse

fasse ma Lyre immortelle.

 

 

(Reproduit du recueil Quatorze chansons, Le Pan poétique des muses, collection LE SEMAINIER DES MUSES, N° 5, août 2016)

 

***

LaMaisonDesPages.jpg

Photo reproduite du site La Maison des Pages.

 

CamilleAubaude.jpgEnseignante (en France et à l’étranger), chercheuse (Anamorphoses d’Isis, doctorat, 1991), essayiste (deux livres en 1997 et plusieurs articles en 2004, sur Gérard de Nerval), auteure de récits « cultes » (La maison des Pages, 2002, L’absolue retraite de Léonard de Vinci, 2004, L’Égypte céleste, 2008, L’Ambroisie, ainsi que Alexandrie ou la Colère d’Ariane), fondatrice de l’association et du musée La Maison des Pages, à Amboise, éditrice (Poèmes d’amour de Christine de Pizan, transcrits en français moderne, 2012), Camille Aubaude est avant tout une poète accomplie, dont la voix ne peut se confondre avec aucune autre de sa génération.

Pour mieux faire connaissance avec cette poète aussi renommée que discrète, lire son interview de 2013 avec Paola Gonzales et Rosario Valdivia (Le Pan poétique des muses).

Son écriture rappelle le symbolisme érotico-mystique cultivé au XII-XIIIe siècle dont les découvertes ont traversé, comme des courants souterrains, les grands mouvements poétiques qui ont suivi, tout en croisant des effluves nourriciers confluents, venus des mythologies antiques et orientales – et ce n’est pas sans raison que Nerval est une référence pour Camille Aubade. Nous nous trouvons en fait dans un univers d’archétypes poétiques universaux qui se renouvellent sans cesse et irriguent de leur eau de vie l’expression des poètes, tout comme l’imagination des lecteurs : c’est sur ce double échange fait d’allusions et d’implications, menant à des reconnaissances fertiles autour des figures emblématiques des mythes, que s’exerce le charme exquis d’une telle œuvre.

Les poèmes reproduits ici, avec l’aimable autorisation du Pan poétique des muses, le prouvent. Merci, Camille ! 

***

Bibliographie sélective de l’œuvre poétique (source : son site)

1985 - Lacunaire (poèmes)

1991 - Isis 1 à 7 (poèmes, 7 volumes)

2000 - Anankê ou la Fatalité (poèmes)

2003 - Ivresses d’Égypte (poèmes et proses)

2007 - Poèmes d’Amboise (poèmes), et une édition augmentée, avec photos, au Pérou, Lima, 2009.

2009 - Chant d’ivresse en Égypte (poème, livre d’artiste avec Danielle Loisel) - La Sphynge (poèmes)

2010 - Poèmes satiriques (poèmes et photos)

2011 - Le Promeneur du Mont aux Vignes, suivi du Tabernacle (poèmes, livre d’artiste conçu par Vivian O’Shaughnessy)

2012 - Lorelei et la Lorelei du Nil (poème et épyllion en prose, livre d’artiste, ibid.) - Le Messie en liesse (poèmes)

2016 – Quatorze chansons

 

 

Salon de lecture 
Camille Aubaude
recherche Dana Shishmanian 
avril 2017

 

 

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer