Il se voulait lampadaire
il
se voulait lampadaire
en courant
continu
alternatif à
l’interrupteur partial
sourcier à
l’œil de la ressource où se ciaile* la lumière
la bouche des
mots
oui
éclairer de
leur sincérité
le mot vrai
en exemple
juste
justicier
donc
ou
le bon mot
approprié
séducteur
simple vanité
des mots donc
attirer la
projection des regards à soi
à la foi en
soi
à la fois
perdue aveugle volontaire
les
agglomérer à son ego brûlant d’inquiétude
en quête
insatisfaite d’un foyer chaleureux
lampadaire public il se voulait
en toute
simplicité
toujours
éclairer la
nuit des ombres
qui errent
dans la peur d’elles-mêmes
d’aller à la source de la
fraîcheur du paradoxe
solaire
un foyer de fraîcheur chaleureuse
mais lui demande-t-on quoi que ce soit
à cet allumé conique
démiurge d’un clair-obscur fantasmé
où sous son
faîte
seuls
viennent en fait
s’échouer de
soi-disant-zzz-insectes
point à la
fête
comme lui
d’un monde en
fuite vers le néant
oui
un foyer de
paroles rafraîchissantes
réfugié.e.s étincelant
l’étranger
que je suis
* Ciaile :
néologisme, verbalisation à la troisième personne de la fusion ciel et aile ; ciailer, se ciailer serait le pendant de se terrer (note de l’auteur)
26 décembre 2017
in Présence d’Éric Meyleuc –
Pedro Vianna, La ruche
des Arts, collection Les numéros spéciaux de Plein
Sens, n° 1, 50 p.,
octobre 2018
L’homme
qui culpabilisait
L’homme
qui culpabilisait
dans sa peur de se retrouver tout seul
incapable d’assumer ses paroles
il montait en tension
à tel point
qu’il était pris de convulsion
oui son rire éclatait
en sanglot
une fenêtre
une ouverture
oui l’ouvrir
pour faire quoi
respirer
s’évader
sauter dans le vide
cette scène a déjà été jouée
seul dans le vide intersidéral
poussière qui va s’unir
à ce vertige
aux myriades luminescentes
et s’enflammer de sa vérité
d’être sidéré de son doute inconsidéré
il ne savait pas s’en foutre
tout lui importait
jusqu’au moindre petit détail
obsessionnel
il voulait tant se détacher
son obsession christique du mal
qu’il pouvait faire
se sentir coupable à ce point
quelle prétention
envie de rire à nouveau
à ce point ridicule
il se donnait en spectacle
à lui-même
il se regardait en spectacle
oui c’est ça
il voulait que l’on vit de lui
cet homme qui se montrait en exemple de la probité
au point
que la plupart de ceux qu’il côtoyait
ne cherchaient qu’à briser ce masque
qu’il leur renvoyait
en reflet inversé
de ce qu’ils appelaient
de l’indifférence
leurs pulsions qu’il essayait
lui
d’exorciser
jusqu’à les dégoûter d’eux-mêmes
ce reflet inversé
ne contribuait
en fait
qu’à exacerber le ressentiment à son encontre
il s’en rendait bien compte
lui
l’homme brisé brimé ?
qui ne se racontait pas des histoires
mais son cœur battait
le compte à rebours
de ses émotions fortes en tensions arythmiques
à l’angoisse d’une violence mortifère des
passions
ces passions morbidement entretenues
par crainte d’une vie pleine de vacuité et d’ennui
à attendre la nuit et le sommeil sans rêves
Pourtant
qu’y a-t-il de plus beau
contempler la nature
qui respire de son propre mouvement saisonnier
et participer de cette respiration
ah ces conservateurs
au sens plein du terme
d’un ordre social fondé sur la domination
qui perpétue les injustices et les inégalités
tout cela manque d’âme
de poésie
logique purement comptable
course contre la montre
contre la mort
course guerrière
2018,
inédit
À Aurillac
pour François Beisson
hommage aux Ouvrières du parapluie
à Aurillac en 1905
à Aurillac
sous une pluie battante
de mépris
des parapluies en ronde
bâillent en rigole
en 1863
on y rajoutait une
pelle
aux parapluies
pour abreuver le vert
pâturage
un autre temps qui s’en
retourne
en haute lutte de
longue haleine
baleines déployées
pour ne pas ployer
sous l’humiliation d’un
notable vil prix qui se veut charitable
en 1905
après un mois de pépins
solidaires
plantés dans la galoche des
mauvais payeurs
les ouvrières en
pébroque obtiennent gain de cause
elles
au moins
n’ont pas perdu leur temps
et la foule solidaire
du pavé résonne au rythme des parapluies en fête
1er janvier 2017
in Pour l’émancipation sociale, n° 35, juin 2017, p. 18
Je me réveille
je me
réveille
j’allume la radio
infos en boucle avalées par bouchées de petit
déjeuner
je lui cloue le bec
ah oui faire les courses gagner sa croûte mériter sa couche
toujours la course effrénée de l’aliénation
soudain
état second
remontée foudroyante
plein éveil
pleine face
d’humiliations de frustrations d’erreurs de peurs de
lâchetés
d’agressivités mal placées
souvenirs en ligne de mire frénétique
que j’encercle de mes pas névrotiques
dans un harcèlement de reproches
frappadingues
par un réflexe exercé
mon œil extérieur fait surface
constate l’étendue du grotesque
et engage tout mon être à se ressaisir
état premier
au niveau n + 1 de conscience nouvellement distancié
pas facile d’être et de devenir
un homme ou une femme
humainement parlant s’entend
face à la déshumanisation organisée
28 mars 2011
in Fenêtre ouverte / Ventana abierta, anthologie bilingue (français-espagnol)
conçue, coordonnée et presque intégralement traduite par Maggy De Coster,
46 poètes francophones contemporains ; Idem, Paris, 2017, 334 p.
Oh
la belle chemise
oh
la belle
chemise fleurie
chemise à
fleurs prêtes à cueillir
l’appel de la
nature
et si on
allait nus
inhaler le
pavot
inouï
tendres et
rouges coquelicots en bouton
à l’éclosion
joyeuse
mue par
l’inspiration
des saveurs
de l’amour
mai 2009
in Voix
sans frontières / Voci fãrã
hotare, anthologie bilingue (français /
roumain) organisée par Marilena Lica-Masala, 56 poètes contemporains des
cinq continents traduits en roumain par l’organisatrice ; Le Scribe l’Harmattan / Poètes à Paris / revue Poezia, Paris, 2010, 458 pages ; paru
également dans la revue Plein Sens,
n° 34 et n° septembre-octobre-novembre-décembre
2015 (Les cinq sens), p. 23 et n°
42 mai-juin-juillet-août 2018 (Plaisir[s]), p. 5 ; ce poème est repris
également en 4e de couverture de Présence d’Éric Meyleuc –
Pedro Vianna, La ruche
des Arts, collection Les numéros spéciaux de Plein
Sens, n° 1, 50 p.,
octobre 2018.
Aujourd’hui
aujourd’hui
passage entre hier et demain
et c’est tous les jours
sauf qu’aujourd’hui
est fait chaque jour
d’un hui différent
comme ce jour d’hui-ci
tiens !
où
par la fenêtre d’un velux
à travers les cristaux
du gel matinal
j’ai perçu la lumière du
soleil qui finissait sa nuit
sur les alentours
encore tout engourd’huis
pardon tout engourdis
et je ne vous raconte
pas la suite de ce jour d’hui
vous la connaissez
nous sommes en train de
nous le partager tout entier
l’hui
mais ne vous inquiétez
pas
je ne manquerai pas de
le raconter
au jour d’hui de demain
le jour d’hui d’hier
et vice versa
Sainte-Marguerite-sur-Mer,
7 avril 2013
in Plein Sens n° 37, septembre-octobre-novembre-décembre 2016,
autour du thème Demain, p. 24,
sous le titre Le jour d'hui, donné par la rédaction
Lame inclinée
à Pedro qui ne ménage pas
l’œuvre de son ménage
lame
inclinée de soleil froid
sur le verre
vert de
bouteille
scintillant
de poussière
l’éclat brisé
des tessons d’une bombonne explosée par |l’artiste
pour exposer
sa propre chair
l’absence
d’une caresse
gravée au
corps de l’oubli déchiqueté
d’un
cimetière de pierres monnayées
9 février 2014
in Le Manoir des Poètes, n° 22,
repris in Présence
d’Éric Meyleuc – Pedro Vianna, La ruche des Arts, collection Les numéros spéciaux de
Plein Sens, n° 1,
50 p, octobre 2018.
Nota
bene : ce poème a été
écrit à partir d’une sculpture-poème de Pedro Vianna qu’on peut découvrir
ici : http://poesiepourtous.free.fr/poscul05.htm
oh non
oh non
se plaint-il
encore un
un de plus qui se rajoute à la longue liste
des points d’interrogation
qui n’ont toujours pas reçu de réponse
et qui parsèment ma vie de cette courbe sensuelle et indolente
qui me fauche toute velléité d’agir
inconsidérément en bon philosophe que je ne suis pas
oui
ma vie se résume à cette liste de points d’interrogation
passer sa vie à se poser des questions
est-ce une vie
est-ce la vie
et ça continue
tiens
ironise-t-il
un point d’exclamation
là aussi
un de plus
bataille poétique à coup de points
d’interrogation et points d’exclamation
ou l’inverse
ponctués de points en tout genre
retour permanent au point de départ
ou final
allez savoir
immobilité mortuaire
d’une torpeur qui interroge et exaspère
tortionnaire qui le cloue à cette chaise
vis-à-vis
de cette claie invisible d’une clôture tout aussi invisible
qui ne veut pas s’ouvrir
du moins que personne n’ouvre
ne veut ouvrir
ne veut franchir
démolir
chercher la clef
d’un autre possible que ce casse tête d’alternance de doutes et de constats en
tout genre
que ce
meilleur des mondes possibles immuable
cette fatalité bâtie de préjugés et de peurs
inculqués
imaginaire qui nous entredéchire et nous fêlure
de ses abstractions dominatrices
érigées en prison de la volonté des désirs
inassouvis
réduite à l’impuissance du silence interrogatif
et du soupir exclamatif
et là
concentré dans l’alternance silence/soupir
il crut entendre d’autres soupirs et d’autres silences qui n’étaient
pas les siens
et semblaient s’exprimer autrement
mais ne semblaient pas si différents
auxquels semblaient se mêler d’autres échos de silences
et de soupirs
errant d’espaces lointains en temps éloignés
attisés par le désir de mettre fin à tous ces
semblants
l’excitation de cette fédération le submergea
et mit en suspension
tous ses points d’interrogation et
d’exclamation
les exhiba joyeusement dans l’air réticulé
où d’autres s’y trouvaient en effet
tout aussi perplexes mais aussi curieux que
les siens
les échos anciens comme les novices
alléchés comme les siens
tant d’autres vinrent encore à leur
rencontre
et dans un entrelacement sensuel de formes dansantes
s’outillèrent d’un compagnonnage égalitaire
et là
supprimèrent toute entrave
ici
s’illuminèrent et s’affranchirent des idées reçues
préconçues
dénoncèrent les a priori
préjugés
effacèrent les mythes aliénants
dompteurs des
velléités libératrices
et donnèrent un tour de clef évolutif
qui ouvrit les vannes de la parole échangiste
créatrice
et
pacificatrice
douce utopie censée ne pas démentir la
multitude qui la compose
2 mars 2016
in Liens et entrelacs. Poèmes contemporains, anthologie conçue et
coordonnée par Nicole Barrière, 35 poètes contemporains ; CreateSpace Independent Publishing
Platform, Ridgmont, 2018, 110 pages.
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