Le
Temple, le Silence, le Poème
Vendre
des allumettes comme l'a fait Werner Lambersy peut mettre le feu aux
poudres. Vendre et porter pendant de nombreuses années les livres des autres
dénote d'une générosité exceptionnelle. Être poète pour lui ce n'est pas
seulement écrire ses propres poèmes, c'est vivre avec les poètes et
partager la parole poétique.
On
comprendra donc que pour Werner Lambersy, le poème ne peut disparaître. La
parole ne peut être perdue. Il va donc la chercher inlassablement, à l'aube
des jours, dans les recoins de sa mémoire, dans le regard du futur, dans
les tiroirs de toutes les histoires racontées à l'humanité. Non seulement
le poème ne peut disparaître, mais le poète l'attend comme le seul messie
possible.
Comment
Werner Lambersy peut-il nous donner un poème opératif et pas seulement
spéculatif. Comment peut-il être toujours dans la pratique et l'expérience
du texte tout en nous tendant vers la Sagesse ? Nombre de ses poèmes
révèlent une intention, un sens, un partage, une approche de l'autre, une
interrogation sur une spiritualité, une simple émotion, un désir, une
dénonciation. Et toujours, la tentative d'une perfection, d'une harmonie
que nous retrouverons tout au long de l'œuvre et qui appelle à une forme,
rigoureuse et tendue.
«
L'accord régnait/ entre la ligne et l'angle » pouvons-nous lire dans
un de ces poèmes. Trois points symboliques, trois côtés d'un triangle
pourraient donc incarner nos premières réflexions. Les points et les lignes
du triangle sont, non pas interchangeables mais changeables, selon le
moment de l'accueil du poème. Pour y parvenir, des mots clés sont utilisés,
des mots clairs, transparents, récurrents, avec lesquels l'épaisseur de
l'écriture laisse filtrer la lumière du « visible ». Nous pouvons donc
cerner trois points qui chez Werner Lambersy nous semblent très
présents : Le Temple, le
Silence, le Poème, mais aussi quelques autres points jalonneront cette
approche tant sont nombreux les thèmes proposés dans cette œuvre
foisonnante.
Avant
de développer plus précisément ces trois points il nous faut mettre
l'accent sur leur symbolique car il semble que Werner Lambersy,
consciemment ou inconsciemment, œuvre autour de cette trinité. Et ce n’est
pas par hasard que ce mot est ici utilisé. Le domaine de la poésie ne doit
pas appartenir au sacré tel qu'on peut l'entendre par domaine séparé,
réservé, inviolable. Mais nous savons qu'il appartient souvent à un domaine
où quelques clés sont nécessaires pour ouvrir les portes au profane. La
poète s'y attache même si parfois les portes ne sont pas faciles à ouvrir.
Derrière
ces portes, nous sommes dans un espace. Celui du poème mais aussi au centre
d'autres étendues qui sont de parole et de silence. Deux points
apparaissent tout d'abord auquel répondra un troisième point. Tour à tour,
les trois points d'un triangle peuvent se nommer et s'identifier de
plusieurs manières. Par exemple, les mots du lexique utilisé par Werner
Lambersy dessinent une forme géométrique et symbolique signifiante :
Beauté,
amour, silence
Secret,
écriture, femme
Paix,
harmonie, accueil
Transparence,
opacité, rencontre
Tracés,
maître, portique
Temple,
souffle, élévation
Instant,
éphémère, présence
Pureté,
braises, outils,
Calligraphie,
écriture, signes
Poème,
parole, silence
Mort,
sexe, ombres et aussi
l'étang,
l'hiver, le bambou, comme dans un haïku et
les
trois points proposés ici : Temple, silence, poème
Les
exemples sont nombreux. Et ce sont bien les mots choisis par le poète comme
matériaux de construction du poème. Des mots comme des idéogrammes et qui
font sens à eux seuls, même si associés à d'autres signes, le sens peut se
nuancer et même changer. On peut se demander aller pourquoi des mots si achevés
et parfaitement associés ne seraient pas suffisants à «
l'expression-compréhension » du poème. Et nous pourrions répondre avec
Mallarmé « on fait des poèmes avec des mots, pas avec des idées
1
. Le Temple
Mais
revenons au premier point et citons Guillevic :
« S'il y
a temple
Je suis
le temple » (Sphère, Gallimard)
Oui,
le poème est bien le temple, il est le lieu.
Werner
Lambersy nous le montre et nous le dit. Il nous dit que le poème va
transformer le lieu du monde. L'espace du monde contient la lumière et les
ténèbres, « lumière et ombre/ se prolongent », pouvons-nous lire.
(L'Arche p. 47). Création d'une nouvelle étendue formée de deux éléments
qui contient d'autres espaces avec lesquels il faut désormais vivre.
L'espace d'un temple peut être l'espace du poème, l'espace du silence. Il
faut gagner ces territoires en franchissant des zones d'inconnaissables,
franchir le pas, le passage, sous le portique, le porche ou le torii,
il s'agit bien d'un passage symbolique. La porte ici n'est pas basse, elle
s'élève déjà vers des hauteurs.
Il
y a dans l'expérience poétique de W.L. un temple. Ce temple est maçonnique,
zen ou bouddhiste, il est temple grec ou église catholique, il est
ziggourat babylonienne, un lieu-sanctuaire dédié au rassemblement avec les
autres mais aussi au rassemblement avec soi-même. C'est un lieu
d'initiation dans lequel on entre avec les yeux bandés. Ne rien voir pour y
voir mieux. On va à la rencontre de soi-même et de l'autre. Pour cela il
faut innover le dialogue avec soi-même et avec les autres et avec tout ce
que propose le monde. Il faut accueillir, regarder, partager, échanger avec
l'autre une image ouverte et pourquoi pas celle-ci, extrêmement simple,
prise parmi tant d'autres possibles que nous propose le poète :
«
Sur une pierre/pomme de pin/ dans la cour vide » (L'arche, 21)
Le
poète évoque par ces quelques mots notre propre vécu. Tous nous avons
regardé un jour, une pierre, une pomme de pin ; mais ce qu'ajoute la cour
vide est particulier au poète, c'est ce qu'il nous offre en plus, cette
cour vide que nous pouvons remplir de tout notre imaginaire. . .
Dans
ce temple qu'est la poésie, les deux autres points de cette trilogie qui
sont le silence et le poème se fixent dans le texte et initient chez le
poète une quête qu'il mène tout au long de son œuvre :
« Quand
le silence
Se tait
C'est que
la parole
Est
prête... » (Athée, 22)
Le
poème parle, le poète écoute le silence, le temps se déroule vers la
rencontre d'un inconnu qui est encore flou mais qui va se matérialiser. Le
poète avance poursuivant l'énigme sans toujours la déchiffrer. Peu importe,
le temps est sans limites pour le poème, il semblerait que Werner lui
accorde toute l'éternité.
Werner
dialogue avec le silence, avec l'infini, avec le néant, avec l'univers.
Mais aussi avec une table, un bol, un oiseau. Concepts et choses deviennent
ses interlocuteurs privilégiés et sont objets d'humanité. C'est une façon
pour le poète d'approcher le monde. C'est ainsi que la plus petite chose et
la plus immense peuvent se confondre dans la compréhension immédiate de
l'existence, c'est ainsi que le poète célèbre chaque chose du vivant et l'interpénètre
par le poème nous révélant ainsi l'âme de ce qui est. Le dialogue se
poursuit engageant parole et silence, régissant l'anthropomorphisme d'un
objet usuel. Ainsi D'un bol, comme image du monde, d'un bol associé
à la création du monde.
« Le feu
y a bu
comme au
bord du chaos
buvait la
création... » (Bol, 9)
2.
Le silence
Ne
quittons pas le temple et allons un peu plus encore vers le silence. Dans
le temple il y a une cérémonie, il y a le maître du lieu qui est aussi le
maître de la cérémonie qui demande un rituel sans lequel la rencontre ne
peut se faire. Et dans ce moment particulier, la parole ne peut nous aider
puisqu'on ne parle pas tous, la même langue ; dans cet endroit précis de la
cérémonie, ce sont les signes et les objets qui vont nous servir, on peut
aussi parler de culte, d'office, ce sont les signes et les objets qui vont
nous mettre en alerte et qui vont être nos médiateurs, c'est donc le
silence qui va parler, c'est le silence qui va montrer, c'est le silence
qui sera l'hôte : « créer est un silence », nous dit le
poète. (Maîtres et Maisons de thé, 29).
Avec
Maîtres et Maisons de thé, Werner Lambersy fait une démonstration
magistrale de ce que peut être le point culminant de la rencontre.
Rencontre avec qui ? Cela, chacun doit le découvrir pour soi-même et c'est
ce qui est exaltant avec ce texte. Le poète nous donne quelques clés, à
nous de les faire entrer dans les serrures. Dans la première partie du
livre, en prose poétique, l'écriture n'est pas ce qu'on peut appeler une
écriture dépouillée, même si elle est très rigoureuse. Elle développe,
décline, déroule, apporte le sens et l'émotion dans un souffle long, et
passionné. La respiration oxygène le texte tout en se centrant. Ce
développement est tout le contraire d'une forme brève et pourtant le
concept est d'un seul trait. Ce sont tous ces éléments qui conduisent au
point crucial. Celui de la rencontre, selon un rituel mais aussi ouvert sur
un renouvellement de la communication entre deux êtres. Communication
d'amour, de fraternité, d'émotion ou d'intelligence, les hypothèses sont
nombreuses.
Dans
la seconde partie du livre, la forme brève est dans l'esprit du haïku
japonais mais sans ses règles strictes. Ce sont ces deux formes, prose
poétique et forme brève qui concilient l'esprit et le sens du poème.
L'écriture de Lambersy est souvent fluide et développée par un souffle
long, rythmée d'une respiration haletante parce que passionnée. Mais cette
passion joue tout autant de la retenue dans la forme brève.
Le
poème nous propose un espace éphémère comme l'est notre existence et
s'appuie pour cela sur « la cérémonie du thé » qui est l'exemple
même d'une recherche d'harmonie, de paix et de beauté, dans quelque chose
qui n'existe que dans sa propre durée.
L'acte
de poésie peut sans doute se comparer à cet éphémère, dans ce moment unique
d'« inspiration-expiration » que le poète ne pourra jamais
retrouver de la même façon car ce moment unique est à chaque fois différent
pour le poète. L'espace proposé est aussi celui du corps charnel, ce corps éphémère
voué à la disparition, un espace blanc comme, « dans le blanc du
cimetière des pages » (M. thé, 20)
La
maison de thé est nue, les tatamis, les cloisons opaques, pas de meubles,
une calligraphie, quelques fleurs de bienvenue. L'espace est vide et silencieux.
De quoi va-t-il être rempli ? C'est justement ce quoi que l'on vient
rencontrer chez Lambersy. Le poète nous propose cet espace comme point de
la rencontre et ce sont ses mots qui vont guider le maître et l'invité(e),
il ou elle, vers le blanc du silence qui devient alors lieu de
contemplation et de création – langage, chair, amour, partage, silence
et parole : que nous propose donc le poète ? L’écriture serait-elle
pour l’heure paradoxale ? Pas tant que cela. Le poète ne possède que ces
matériaux-là : les mots, le poème, comme outil pour approcher, pour
toucher le point exact de la rencontre, pour toucher à la nudité de
l'instant, pour toucher au silence. La poudre de thé devient le ferment du
silence éphémère qui va se développer dans un temps pas mesurable et même
aléatoire. Ce point de rencontre privilégié pendant la cérémonie du thé, ce
point de silence et de rituel, peut-il être comparé au point de cohésion
extrême que deux êtres, ou une assemblée plus importante, peuvent
atteindre, ou tout du moins approcher, au cours d'un moment unique de leur
existence ? On peut penser à l'égrégore. A-t-on besoin de mots ou bien
a-t-on besoin de silence pour atteindre ce point unique ? Il
semblerait que Werner Lambersy ait besoin des deux.
3.
Le Poème
«
La légende du poème »
Du
temple et du silence, nos deux premiers points, le troisième, qui est donc
le poème, prend corps. Il s'appuie sur du mystère mais aussi sur du révélé,
du conscient, du palpable, de l'existant. Dans Architecture Nuit,
Werner Lambersy reprend des textes fondamentaux qu'il saisit pour notre
compte à tous, arguant que tout ce qui a été écrit existe en nous, quelque
part, et que nous sommes en quelque sorte dépositaires de la pensée
universelle d'une façon presque endémique...
Dans
un texte donné à Sapriphage, il réécrit à sa manière un épisode de la vie
du Christ, l’Ultima Cena, Jésus devient le poème, les apôtres
l'entourent, ils partagent le pain et le vin que le poème consacre, le
poème sait qu'il sera trahi mais après sa mort, qui ne peut être que
provisoire, les apôtres vivront chacun dans leur silence et leur
questionnement et « se passeront le flambeau de la parole ».
Le
poème perdu, trahi, va-t-il ressusciter ? Le poète invente,
paraphrase, commente. Le poème devient ce messie que l'on attend. Ainsi
commence l'attente, ainsi doit se faire la construction du temple, ainsi la
gloire et la louange seront portées avec amour... Notre poète y va fort !
Nous donne-t-il ici preuve d'un humour que nous n'avons pas relevé
jusque-là ? Croit-il sérieusement que le poème puisse être le seul dieu
possible ? Nous sommes dans le mythe et le symbole. Mais un mythe et
un symbole qui approchent une réalité. Cette réalité à laquelle nous sommes
confrontés tous les jours puisque nous sommes appelés à y réfléchir. Le
poète pénètre le monde, par le poème et par la réalité de son existence.
Werner
est un poète, cela nous le savons, c'est aussi un être épris de vie,
d'amitié, d'amour, d'existence, un être qui se coltine à la réalité. Il
connaît la matière du monde pour la pénétrer. Déjà, par sa naissance, comme
nous tous, il a pénétré la matière :
«
Naître, c'est entrer dans la matière », écrit-il (Entrée en
matière)
Werner
Lambersy pousse son écriture hors des ténèbres et des eaux noires pour
trouver la lumière. Il revit sa naissance fœtale et sa naissance poétique,
mêlant l'écriture au récit de l'arrivée au monde, dans sa brutalité et dans
sa vibration.
Mais
mourir, pense-t-il, peut être aussi une entrée dans une autre matière.
Nous
voyons comment pour le poète, la poésie est l'outil qui éclairera ses
chantiers de vie, un outil qui l'aidera à construire une existence et aussi
à partager une expérience.
4.
L'expérience poétique justement
Avec
Werner Lambersy, nous sommes dans une expérience poétique dense puisqu'elle
s'imbrique dans sa propre vie qui est elle-même une expérience. On peut
parler aussi d'épreuve, d'essai ou de tentative car le poète est dans
l'aventure humaine, dans la découverte.
L'alchimie
du verbe est ici une authentique expérimentation ; elle se confond dans
diverses formes poétiques et l'on perçoit chez Lambersy un véritable goût,
de toucher à tout en passant d'une réalité rêvée à une réalité quotidienne
et sans doute pense-t-il à sa propre écriture quand il écrit dans Chroniques
d'un athée provisoire : « Jamais le poème n'a/perdu le
réel/de vue. » Et puisque le poète est dans la réalité il est tout
naturellement dans l'amour, le plaisir et le sexe qui ne se dissocient pas
de l'amour du monde et de sa sensualité. Tout dans son écriture montre une
véritable gourmandise de vivre, partager le pain et le vin, partager chaque
élément vivant de l'univers. Et arrivant au terme pouvoir dire :
« Heureux
s'il y eut un poème.
Comme
l'eau d'un puits
Où penché
on voit le buveur
Avant
qu'il ne puise » (L'Arche, 76)
Le
poète montre l'évidence de cette proposition de bonheur ; à chaque
seconde une fleur s'ouvre quelque part dans le monde, un enfant naît, un
fruit mûrit, des milliers de cœurs battent ensemble. Comment, sachant cela,
pourrait-on ne pas être solidaire et fraternel de l'humanité. Pouvons-nous
être unique battement de cœur, vivre dans l'unité, l'amour et la
fraternité ? Construire vers et dans la lumière ?
On
a bien compris que W. Lambersy est un « athée provisoire », mais qu'à sa
manière, le rituel et le sacré ont fait pacte de sang et d'amour dans un
espace vivant où le mystère reste entier. Bien sûr le chemin est semé
d’épreuves ; des rencontres se font et se défont, des contradictions apparaissent,
des certitudes s'épuisent, le poète est engagé dans le processus de la vie
et de la mort et le but, nous dit-il, est que la vie continue jusqu'au
bout (Athée 13). Mais ajoute-t-il en s'interrogeant : « au bout
il y a peut-être dieu ? ». Le poème est-il le seul dieu possible pour
le poète ? Et voici ce qu'il écrit :
« Le
poème met le monde
Au monde
» (Athée, 14)
rejoignant
de très près Guillevic que Werner Lambersy a sans doute beaucoup lu et qui
écrivait déjà :
« Le
poème
Nous met
au monde » (Art Poétique (Gallimard), 153)
Un
monde fait d'interrogations, d'incertitudes, de chemins heureux ou
douloureux, un monde qui conduit parfois le poète à la dénonciation et à la
colère mais aussi à des jours lumineux comme à des nuits d'insomnies. La
nuit est longue pour le poète, la nuit est propice au poème. Non, « le
poète ne veut pas tout comprendre, il voudrait en laisser pour la fin »
(Insomnies p. 15). Il a déjà beaucoup écrit puisqu'il nous dit
encore : « Écrire c'est se persuader d'avoir encore du
temps » (Insomnies p. 9).
Dans
ce petit livre plein d'humour qui s'intitule Echangerais nuits blanches
contre soleil même timide qui vient de paraître aux éditions de
l'Armourier, Werner Lambersy nous donne des aphorismes, des adages, on peut
les qualifier comme on veut, dans lesquels on trouve de l'humour, beaucoup
d'humour, un humour plein de gravité comme quand il écrit : « Il
n'y a pas dans la Bible ou le Coran un seul trait d'humour », un
humour qui sert la gravité de toutes ces sentences qui se veulent indélébiles
dans les grands livres des lois et que le poète désacralise à sa manière.
Et voici des contradictions : rituel, sacré puis
désacralisation ! Tout peut bouger, tout peut changer, tout doit être
en mouvement et particulièrement le poème pour le poète.
Lambersy
atteindra-t-il ainsi la Sagesse, lui qui s'intéresse aux civilisations
asiatiques, à la spiritualité orientale ? Après Maîtres et Maisons
de thé, il nous présente trois poètes chinois dans un recueil intitulé Poèmes
d'un pays simple et nous fait partager cette fameuse sagesse orientale
qui nous mène à la beauté, à la douceur, à la reconnaissance du plaisir.
C'est une façon possible, non pas d'oublier la terreur, les violences, les
guerres, les extrêmes, mais de les contrer grâce à cette Sagesse.
Il
semblerait bien que Werner Lambersy ne vive que par la poésie qui lui a
donné naissance, son existence se créant par et avec le poème. Sans lui, il
ne serait rien qu'un homme ordinaire vivant dans la communauté des choses
mais c'est aussi cet homme ordinaire que revendique Werner Lambersy, cet
homme de tous les jours qui communique, parle, mange, boit, aime.
Nous
ne pourrions conclure sans évoquer ses nombreux poèmes dédiés à l'amour, à
la femme, à la sensualité, à la force vitale que le sentiment amoureux accorde
à l'individu, à l'inspiration qui en résulte que ce soit dans l'accord
profond ou le manque ou l'absence. L'amour comme nécessité absolue, l'amour
comme passeport pour l'existence.
Il
se pourrait pourtant qu'un basculement ait eu lieu en regard de la lumière
et de la relation d'amour au sens large de ces deux termes dans une suite
intitulée « Ecce Homo » qu'on peut trouver dans le recueil intitulé Carnets
respiratoires publié chez Cadex récemment. Ecce homo, « voici
l'homme » qui va mourir, voici l'homme qui va racheter tous nos péchés,
voici l'homme (et la femme) que nous sommes ou que nous deviendrons. Dans
cette suite, la mort y est traitée comme elle se doit, violemment, et vécue
dans l'écriture, par l'écriture, avec un érotisme qui peut surprendre pour
un tel sujet. Ces poèmes sont denses et douloureux ; le poète, comme
toujours, intervient au plus aigu de son ressenti et le choix des mots
montre ici encore une subjectivité de nature profonde.
Conclusion
Ce
que nous offre ce poète, plus particulièrement, c'est sa formidable
curiosité dans le champ créatif, qu'il soit de la nature, des éléments, des
choses, de l'amour, de la relation entre les êtres, c'est cette ouverture
vers l'humanité et l'ailleurs. Il nous guide par son approche poétique, philosophico-spirituelle
vers d'autres civilisations, plus précisément avec ce livre important
qu'est Maîtres et Maisons de thé mais aussi d'une façon récurrente
tout au long de l'œuvre écrite jusqu'à aujourd'hui. Werner Lambersy est
porté par une totalité et ne se contente pas de récolter les fleurs de son
jardin qui pourtant est très fécond. Cette totalité est l'un des traits
essentiels de tout poète nommé et il est vital de la trouver dans toute
poésie architecturée.
C'est
grâce à ces approches multiples que le bol, peut se transformer en Temple
comme image du monde, dans lequel la règle sera du Silence et nous conduira
au Poème : ces trois points d'équilibre qui nous suffisent dans
l'instant présent pour construire et partager dans l'amour et la fraternité.
Titres références pour cette étude
D'un
bol comme image du monde
Poèmes
d'un pays simple (Bruxelles : la Renaissance du
livre, 2002)
L'Arche
et la cloche (Bruxelles : les Eperonniers, 1988).
Maîtres et maisons de thé (Bruxelles : Le Cormier, 1980)
Conversation
avec l'arbre
Komboloï
(Chaillé-sous-les-Ormeaux : le Dé bleu, 1986)
Journal
d'un athée provisoire (Echtenrnach, Luxembourg : Phi,
1996)
L'horloge
de Linné (Echtenrnach, Luxembourg : Phi ;
Trois-Rivières, Canada, les Ecrits des Forges, 1999)
Chroniques
d'un promeneur assis (Saussines : Cadex éditeur,
1997)
Entrée
en matière (Montpellier : Cadex éditeur, 1990)
L'arbre
à paroles, no 41, 1994
Sapriphage,
no 34, 1998
Échangerai
nuits blanches contre soleil même timide (Coaraze :
l'Amourier, 2004)
Carnets
respiratoires (Saussines : Cadex éditeur, 2004)
Monique
W. Labidoire
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